Le système prépa

par Basile
vendredi 30 octobre 2009

Les classes préparatoires aux grandes écoles sont une spécificité française. La thèse de cet article est que le mode de préparation et de sélection de nos élites demanderait à être réévalué, mais dans un pays où les universités sont régulièrement en grève et délivrent des diplômes dévalorisés il paraît difficile de remettre en cause ce qui fonctionne le mieux.

Première scène : dans une classe préparatoire du lycée Louis le Grand un brillant élève Bulgare, après 2 semaines, décide de ne pas continuer ; ce n’est pas son niveau en mathématiques qui est en cause car il s’est tout de suite révélé un des plus brillants mais il ne s’attendait pas à devoir faire autant de matières autres que des mathématiques. C’est que nous insistons beaucoup, en France, sur la culture générale. Trop ? Que va devenir notre élève Bulgare ? Il va devenir un brillant mathématicien comme aurait pu le devenir quelques-uns des autres élèves parmi les plus brillants de cette même classe préparatoire. Eux, ont très peu de chances de devenir mathématiciens. S’ils réussissent à atteindre le graal Polytechnique c’est qu’ils auront acquis les remarquables méthodes de travail qu’inculquent les classes préparatoires ainsi qu’un très bon niveau en mathématiques mais aussi en physique et chimie, mais aussi en résumé de texte et en langue (anglais). Les grandes écoles ouvrent des portes vers des postes de responsabilité ; nous formons des capitaines d’industrie et des hauts fonctionnaires. Il n’est pas exclu de se réorienter vers la recherche mais rien n’y pousse, surtout pas les meilleurs.
 
Question : une société a-t-elle davantage besoin de super hauts fonctionnaires ou de très bon scientifiques ? Comment pouvons-nous ensuite nous étonner du très peu de prix Nobel ? En fait, il est faux - il devrait être faux d’opposer trajectoire scientifique et carrière (ultérieure) dans la haute administration car il faudrait obtenir un travail scientifique de fond (une thèse) du plus grand nombre de nos brillants étudiants. Seulement voilà : même dans une école comme polytechnique on continue à noter et à sélectionner les meilleurs pour "savoir" quels sont ceux admis au saint des saints des corps comme le corps des mines et rien ne pousse à une spécialisation précoce de plus en plus nécessaire face à la concurrence internationale. Autrement dit : dans 4 ou 5 ans la messe sera dite et aucun de nos élèves ayant continué en prépa ne pourra faire pendant à notre mathématicien Bulgare sauf cas exceptionnel. Je veux revenir sur cette question de la culture générale car on accepte volontiers comme une évidence la nécessité d’avoir appris "plus loin que le bout de son nez". Le cours de relativité générale est un cours de très haut niveau à Polytechnique. J’ose poser la question : à quoi sert d’enseigner à autant d’étudiants de la physique de très haut niveau qu’ils n’auront, pour le plus grand nombre d’entre eux pas l’occasion d’utiliser ? Ce type d’enseignement a l’avantage de permettre des "contrôles" de connaissance sur le mode équitable (genre BAC) alors qu’un travail de thèse ne permettrait pas forcément au plus "costaud" de triompher (toujours dans l’optique des meilleurs postes à pourvoir). On a donc un système complètement focalisé dans la recherche des meilleurs alors qu’il faudrait, dès l’entrée dans l’école, passer à un mode d’enseignement - recherche avec obtention de l’équivalent d’un PhD.

La deuxième scène serait celle où un ingénieur (pas Polytechnicien au dessus de ce genre de vicissitudes ) ayant besoin de se réorienter vers 35 ans, demande s’il peut suivre la formation à une spécialisation (il y en a !) dans l’école qu’il a quittée une quinzaine d’années plus tôt et essuie une fin de non recevoir : ce n’est pas prévu. Nous avons avec nos grandes écoles des structures de petites tailles ce qui n’est pas du tout un avantage quand il s’agit de s’équiper en matériel technique et scientifique qu’un petit nombre d’étudiants ne peut pas justifier et on peut légitimement s’interroger sur le bien fondé de maintenir de si petits quota d’étudiants "clairsemés" dans plusieurs écoles finalement pas si différentes. La possibilité de revenir dans son école pour se re-former serait une justification intéressante d’un mode d’enseignement où le "formateur" assurerait une sorte de suivi tout au long de la carrière.

J’ai sans doute surpris en prenant un thème qui paraît "sans problème" puisque c’est le lieu des carrières assurées mais j’ai voulu faire voir que le poids des habitudes nous empêche de voir que nos chères grandes écoles qui héritent de pratiquement tous les meilleurs en sciences sélectionnés à la sortie du lycée et "formatés" dans nos classes prépas orientent nos élites vers des postes certes lucratifs mais où la recherche d’une trajectoire propre n’est pas assez valorisée. C’est dans une université américaine que 2 étudiants ont mis au point l’algorithme de recherche de Google.... et ça s’est révélé lucratif.
 

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