Le télétravail attaque la famille et la santé mentale

par H.Ramirez
lundi 30 novembre 2020

Le télétravail bouleverse l’équilibre familial et de ce fait pourra être source d’angoisses, de tensions, de violences, de divorces, des souffrances, voire de meurtres dans la famille. Le travail en entreprise par la présence des autres et la dynamique relationnelle qui surgit, même si parfois elle est conflictuelle, aide par le jeu des alliances, des solidarités à canaliser et mitiger tout type de pulsions chez l’être humain. 

Cette analyse ne se place pas par rapport à une quelconque vision traditionaliste de la famille, ni essaie d’expliquer certaines modifications ponctuelles et superficielles dont elle peut être l’objet comme institution.

L’institution familiale existe comme élément fondamental dans le processus d’humanisation dès la nuit des temps. Depuis sa structure et ses fonctions n’ont pas changés. La famille de l’homme des cavernes était similaire du point de vue structurel et fonctionnel à la famille des êtres humains d’aujourd’hui. Le constat de cette permanence nous permet affirmer la continuité essentielle de ce qu’elle transmet et en conséquence de ses structures. Cette réalité a permis et a favorisé l’extraordinaire développement culturel de l’être humain.

Or les aléas de l’existence ont mis quelquefois à l’épreuve de la dure réalité cette structure par les guerres, les épidémies, les phénomènes naturelles de toute sorte, etc. 

Les crises quelles qu’elles soient, c’est-à-dire les sursauts inattendus de l’évolution normale de la vie humaine, ont une grande vertu : dévoiler nos faiblisses ou les processus de déstructurations en action dans notre organisation sociale, et en même temps une exigence : corriger le mieux possible ces faiblesses ou déficiences.

La crise provoquée par l’épidémie du coronavirus n’échappe pas à ce principe ; elle montre actuellement cette fonction de signaler sans ambiguïté les points ou les processus de fragilisation de l’État et de l’institution familiale.

Également il est étonnant de voir, comment les dirigeants de notre pays, tant ceux que se trouvent à la direction du gouvernement comme ceux de l’opposition, acceptent d’être distraits ou bernés par ce qui apparaît comme un mirage enchanteur : le coronavirus.

Ce fait d’attirance presque magnétique de cette épidémie, se manifeste aussi dans différents secteurs de la population. Certains considèrent le coronavirus comme une menace terrifiante et pour d’autres comme un mensonge afin de pouvoir manipuler l’opinion publique. Ces deux attitudes semblent à première vue ridicules. Ceci pour deux raisons : la première c’est que le monde et les Nations ont survécu dans le passé à plusieurs pandémies semblables. Bien évidement avec un coût humain parfois énorme. La grippe espagnole produisit 50 millions de morts. Mais le monde tel qui était à l’époque a continué d’exister. Il n’a pas eu de bouleversement social majeur. Les institutions ont continué à fonctionner comme d’habitude y compris la famille. La deuxième raison c’est que dans l’histoire de l’humanité il y a toujours eu ce type d’épidémie réellement, sans être le fruit d’une invention, ou « fake news ». La grippe espagnole a existé et la peste aussi autant que le virus de l’Ebola sans être manipulés ni lâchés par l’insouciance ou malveillance d’un laboratoire d’expérimentation biologique. Donc, très probablement contraire à ces personnes qui ont un besoin profond de s’imaginer et de se créer des histoires de complots pour vibrer et se sentir avoir une mission de dénonciation, pour nous, il nous faut garder raison, les épidémies sont récurrentes dans la vie de toutes les espèces y compris l’espèce humaine.

Il est vrai qu’elles créent et ont toujours crée des effets mystiques et mystificateurs chez certaines personnes. Ceci parce qu’il y a un effet d’incompréhension, de méconnaissance, d’attente, de surprise et d’angoisse, de se voir menacé par quelque chose de méconnu et d’incontrôlable ; ou d’être devant une situation inexplicable et inextricable, et surtout de se trouver menacé au milieu de la pandémie quand les effets redoutables commencent à se faire sentir.

Le coronavirus argument pour pousser et excuser la généralisation du télétravail

Depuis 40-50 ans le processus de fragilisation de l’État et de ses services publics par les « boys » du libéralisme économique et du libre échange n’a pas cesse. La soudaine irruption de la pandémie du coronavirus a accentué cette crise. Dans cette situation l’hôpital très malmené, voire abandonné depuis quelque temps par l’État, était en première ligne et dans une très mauvaise posture pour répondre à l’émergence sanitaire due à cette nouvelle maladie.

A cette crise des services publics, s’ajoute par la mesure du confinement, la crise des entreprises obligées à envoyer une partie de ses employés et ouvriers en chômage partiel ou technique. Pour pallier à cette situation, une grande partie de leurs employeurs ont cherché une issue ou réponse à cette obligation. La solution à portée de main, malgré les quelques efforts et aménagements nécessaires aux contraintes de ces mesures de protection et de distance, a été le télétravail.

Pour les patrons d’une bonne partie des grandes et des moyennes entreprises, le télétravail a été l’aubaine ! Tout était bénéfices à empocher. Les gains étaient immédiats et se manifestaient par la réduction d’un coût du travail inattendu : une rentabilité du travail accrue. Pour obtenir cette rentabilité il était nécessaire qu’il garde ces caractéristiques : le contrôle ou surveillance du travail et du rendement devait rester sous l’entière responsabilité de l’employé ou ouvrier, il devait y avoir un autocontrôle ; contrôle qui est plus strict, s’il est exercé par le travailleur lui même et non par son chef. Une journée de travail théorique, en réalité des horaires qui se prolongent avec l’angoisse accompagnés de la question et du doute lancinantes : si la tâche ou l’objectif de travail avait été atteint. De même finie la partie du temps avec la pause café ou cigarette, ou de petits dialogues avec ses camarades de travail, pas des horaires fixes réellement, bien au contraire disponibilité presque jour et nuit, pas de retard à l’arrivée le matin, des économies substantielles dans la location de bureaux, et finalement réduction des conflits entre travailleurs ou employés, et en plus la présence et l’action syndicale réduite presqu’à zéro. A ceci il faut ajouter la facilitation de l’aménagement du contrat du travail où tout veut être verrouillé sous des conditions défavorables pour le travailleur.

Jamais le monde du travail n’avait pu envisager cette transformation ou révolution profonde et radicale de l’entreprise, et ceci en très peu de temps et au détriment de l’employé, ouvrier ou cadre !

Par contre la direction d’entreprise a maintenu ses avantages sans aucun changement, rien n’a changé pour eux. Ils continuaient à être présents dans leur bureau. En réalité ils veulent continuer à jouir de leur environnement positif ; alors pourquoi changer ? Sauf qu’ils ont pu se débarrasser de la gestion directe et personnelle de la présence réelle des travailleurs. Ils ne pouvaient qu’être ravis de cette contrainte du confinement et recommander chaudement la continuation de l’application du télétravail comme pratique heureuse ! Pour eux nous entrions dans les pratiques et modes de travail du monde post-moderne ; aire et champ « obligés » de l’application et de l’utilisation des avantages de l’informatique et de la 5G. 

Ceci c’est la partie « heureuse » de la situation pour les patrons, la difficulté et la catastrophe humaine se trouve de l’autre côté, du côté du cadre, de l’employé ou de l’ouvrier et de leurs familles.

Le télétravail est une attaque majeure contre l’institution familiale.

L’institution familiale comme cela a été affirmé au début, est une structure qui reste pérenne à travers toutes les époques et périodes de l’espèce humaine. Elle a souffert ou a subi quelques modifications dans les fonctions de leur membres ou acteurs, jamais dans sa structure de base, ni de sa mission. C’est ainsi qu’elle peut prendre diverses formes : famille biparentale, famille monoparentale, famille parentale unisexuelle, ou encore famille polyandrique ou polygame. Ceci ne change rien à sa structure fondamentale, il y aura des acteurs à l’intérieur de ces formes qui vont transmettre la Loi par l’intermédiaire des cinq instituants majeurs qui doivent être présents à tout moment et dans toute institution. D’autres personnages, en particulier les enfants, vont recevoir ces modèles fondamentaux et les intégrer comme formes de conduite, et à leur tour agir en accord et quelques fois en désaccord avec ces modèles de comportement humain, et plus tard être également agents et facteurs de leur transmission.

Or la pratique du télétravail altère soudainement l’équilibre de la famille dans toutes ses fonctions. En réalité ces changements n’étaient pas nécessaires. Des pays comme Taïwan ont procédé avec succès d’une façon plus efficace et sans précipiter tel changement. 

L’institution familiale avait acquis un équilibre plus au moins stable en Europe jusqu’au le dix-neuvième siècle. Mais avec l’arrivée de la révolution industrielle et plus tard comme conséquence des bouleversements de la première guerre mondiale, cet équilibre a souffert et souffre des modifications qui encore aujourd’hui n’ont pas fini de se stabiliser et de se préciser.

En effet la révolution industrielle et la première guerre mondiale, deux évènements majeurs dans le monde développé de l’époque, font que la femme revient comme dans les premiers temps de l’apparition de l’espèce humaine, l’égale de l’homme comme soutien de la famille. Nous savons aujourd’hui que la femme avait le rôle de chasseur et en conséquence soutient de la famille autant que l’homme dans ces époques primitives ; les vestiges archéologiques de femmes chasseurs et de femmes guerrières permettent de l’affirmer. Avec l’apparition de l’abondance du gibier, pour des raisons climatiques très probablement, et certainement par le développent des outils de chasse plus performantes, ceci a donné de l’abondance de nourriture pour chaque famille à ces époques primitives. De ce fait la femme a pu s’occuper encore plus des enfants, pouvant ainsi rester en conséquence dans le foyer. 

Pendant le XX siècle, le processus d’industrialisation s’est accéléré, et la femme a pu continuer la reconquête de sa place comme facteur essentiel et égal de l’homme dans le monde du travail et dans tous les domaines de la vie sociale et politique. De ce fait l’institution familiale a été obligée d’adopter d’autres formes de comportements pour ses membres à l’intérieur et à l’extérieur pour le fonctionnement de la vie familiale. La vie sexuelle et relationnelle s’est vue transformée. De nouveaux canaux relationnels, de nouvelles formes et pratiques d’investissements affectifs sont apparus, même de nouvelles activités professionnelles inattendues, et de nouvelles voies pour l’expression des sentiments d’identification et d’appartenance ou affiliation se sont établies. A l’heure actuelle, le temps passé dans l’entreprisse est devenu plus important que le temps passé en famille en dehors du temps de sommeil. Cette nouvelle forme de vie a demandé ou imposé de nouveaux aménagements dans les villes, particulièrement dans le transport et la création d’autres organisations ou institutions, voire par l’irruption ou créations de professions ou de métiers nouveaux, à tous les niveaux de l’échelle de compétences.

L’Institution familiale n’avait pas fini son processus d’adaptation, quand un bouleversement inattendu vient de se produire à cause de la pandémie du coronavirus. Or une réponse a été proposée : le retour autant des hommes et des femmes au foyer comme lieu principal du travail à cause de la possibilité de faire du télétravail et ainsi éviter la contamination. Ce retour donne l’impression que par certains aspects comme si on revenait presqu’au royaume des ateliers familiaux du moyen âge. Avec un fait aggravant : la famille à l’heure actuelle, est devenue une institution simplifiée, composée de 3, quelques fois seulement de 2, ou au maximum 4 personnes, et au milieu de cette famille il y a seulement le père ou la mère ou les deux à la fois qui vont devoir travailler au foyer.

Cette situation est plus grave encore aujourd’hui et incomparable à l’époque du moyen âge, ceci dû au fait qu’il n’y a pas de famille élargie à l’heure actuelle. Parce que dans notre organisation sociale il y a une isolation et un éloignement presque total des parents et des grands-parents et d’autres membres de la famille, et un anonymat quasi absolu avec ses voisins. De ce fait l’empire de la communication et des relations virtuelles s’impose et se présente à l’heure actuelle comme seul issue. La réalité virtuelle se transforme paradoxalement comme la seule réalité tangible, acceptable et obligatoire.

Or avec le télétravail, une partie essentielle de la stabilité de la famille, de la paix familiale, de l’harmonie peut se perdre sans contre partie de l’entreprise et avec de graves conséquences sociales, familiales et probablement économiques.

Conséquences sur la santé mentale du télétravail

L’être humain a besoin d’une activité quelle qu’elle soit pour canaliser, contrôler ou détourner son monde pulsionnel et son angoisse afin de pouvoir vivre ou survivre. Il ne peut pas rester sans rien faire. Ceci explique quelques fois le travail bureaucratique inutile qui se fait de façon incompréhensible pour les uns, mais très utile pour les autres, surtout pour la personne que le fait sans se soucier ni prendre de recul. 

L’univers de l’entreprise, comme celui de l’institution scolaire sont des lieux ou des espaces où vont s’exprimer de façon réelle ou fantasmatique les désirs sexuels, les besoins affectifs, la pulsion d’emprise, les jeux relationnels, l’appartenance, l’identité, etc. Ce sont des lieux de structuration et d’étayage de ce que nous appelons la Santé Mentale. Si cette situation ou univers disparaît, l’équilibre psychique au sein de la famille est en question et probablement en danger.

L’activité du travail par le télétravail, c’est essayer de remplacer ces espaces réels concrets dans l’entreprise par la virtualité et ceci dans un espace réel : la maison familiale, la famille. Le choc sans transition, sans aires d’articulation de l’espace virtuel, et de l’espace concret circonscrit par la famille, produira nécessairement de l’agressivité, de la violence, et donc des ruptures institutionnelles : divorces, séparations, violences, meurtres et souffrances pour les uns et pour les autres.

L’illusion d’être agréablement chez soi ou d’avoir son papa ou sa maman à la maison se transformera très vite en cauchemar, si on ne trouve pas de formats d’articulation convenables et praticables pour tout le monde.

En attendant les laboratoires et les usines, fabricants de neuroleptiques, anxiolytiques, antidépresseurs, etc., se frottent les mains et préparent leurs poches pour être remplies avec l’argent du contribuable. Déjà, des appels et des incitations très appuyées ont été entendus à la télévision pour aider les personnes angoissés, inquiètes, dépressives, etc., de se rendre dans la consultation d’un psychiatre et en conséquence d’accepter la prescription généralisée des antidépresseurs et des anxiolytiques. Malheureusement c’est la seule chose qu’ils savent faire les psychiatres actuellement, depuis que les formations aux thérapies psychanalytiques ont été chassées de leur formation par l’action des lobbys pharmaceutiques et de la nouvelle religion à la mode : les neurosciences.

L’angoisse montante qui s’observe dans la population française à ce moment, n’est pas due à la peur du coronavirus, c’est à l’absence d’étayage institutionnel, à l’éloignement par le confinement du seul lieu de soutien sociale en dehors de la famille : la vie en entreprise. C’est là qu’on pouvait discuter et faire part de ses inquiétudes, de ses angoisses, et les moduler ou simplement prendre de la distance par le fait de sortir de la maison et être dans son lieu du travail, un endroit plutôt neutre. 

D’autres spécialistes nous signalent à juste titre, que la précarité due au chômage est actuellement insupportable pour des pans entiers de la population française et qu’à la misère s’ajoute la peur d’être malade et de mourir par l’action de cette pandémie. Mais à ceci s’additionne la perte d’ancrage institutionnel, familial, social de ces êtres sans travail ; ancrage qui permettre de palier à ces angoisses sans avoir recours à médicaments ou à la drogue. Une partie de la population est en train de devenir de vrais zombies sociaux. Ils errent dans la ville ou s’assoient sur les bancs d’un parc ou sur les trottoirs, sans même avoir la force psychique de tendre la main pour quémander une pièce. Mais bientôt à cette population vont s’ajouter les chômeurs télétravailleurs dans des situations sociales et conditions psychiques aggravés. Parce que pour ces télétravailleurs, une fois bien établies toutes les tâches à réaliser, les procédures pour les exécuter, la qualité et le temps de réalisation, alors seront les proies faciles de ceux qui cherchent à obtenir une plus grande rentabilité. Leur remplacement par des travailleurs à bas coût et habitant dans d’autres pays, sera question de quelques secondes et d’un simple click. L’ubérisation du travail à distance sera effectuée. Il nous restera un constat journalier à faire : le pourcentage de suicides quotidien, ce sera alors, la courbe qui va nous indiquer de jour en jour la montée du profit du grand capital.

 

H. Ramirez A.

Le 01/12/2020

Neuilly s/Seine


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