Le tourisme est-il le sauveur du patrimoine ?

par nehili
vendredi 29 juin 2007

L’industrie touristique et de loisirs est le premier secteur d’activités mondial en chiffre d’affaires (11,7 % du PNB). Ce secteur a donc fortement intérêt à préserver son « fond de commerce » : les milieux naturels, les paysages, le patrimoine naturel, historique, culturel, par une gestion responsable, intégrée et partagée.

Si le tourisme génère de la croissance et des emplois, en particulier dans les pays en voie de développement, un tourisme mal maîtrisé peut aussi entraîner des effets néfastes jusqu’à menacer l’attractivité des destinations. Agissons pour un tourisme plus responsable, c’est-à-dire un tourisme respectueux de l’homme et de l’environnement.

L’explosion du tourisme repose pour l’essentiel sur sa démocratisation au sein des couches moyennes des pays riches mais son internationalisation n’en confirme pas moins son caractère profondément inégalitaire. Révélateurs criants des disparités Nord-Sud, les flux de l’industrie touristiques ont aussi tendance à creuser les écarts : le tourisme est ainsi devenu la première source de devises pour un tiers des « pays en développement » mais le « premier monde » s’impose toujours comme le principal émetteur et récepteur de ces « migrants de plaisance » que sont les vacanciers. De là on peut se poser la question suivante : Peut-on dire que la mise en tourisme du patrimoine est positive ou bien négatifvesur ce dernier ?

Les initiatives en matière de tourisme responsable, solidaire, durable ou éthique veulent le croire, en transformant le loisir en un échange équitable et un instrument d’écodéveloppement. Reste que la réalité tenace du rapport inégal entre « visiteurs » et « visités » et celle, plus globale, du déséquilibre entre promoteurs de l’industrie touristique et populations locales invitent à penser de nouvelles formes de régulation.

De là le tourisme peut être un atout pour la conservation du patrimoine est qui permettra son évolution et reviviscence, à travers la fonction économique que peut offrir le tourisme à ce patrimoine. Cette attitude renforce et améliore les conditions d’accueil sur les sites, à partir de l’installation de boutiques, de librairies et de cafétérias, la recherche d’un accroissement rationnel de la fréquentation par une promotion touristique soutenue.

Ce nouveau rôle de patrimoine peut offrir plusieurs bénéfices socio-économiques sur l’environnement du site, par la création de petits commerces qui permettront à créer des emplois permanents sur le site.

Le tourisme peut aussi avoir d’autres responsabilités, ainsi par exemple si L’accroissement important de la fréquentation des lieux culturels français tient pour partie à un accroissement général de la demande touristique à destination de la France. Mais ce mouvement s’est trouve notablement amplifie, depuis vingt ans, par une extraordinaire mutation de l’offre du patrimoine culturel, et en particulier muséographique. Beaucoup de sites, en effet, ont été rénovés : le musée d’Orsay dans l’ancienne gare, le musée Picasso dans l’ancien hôtel Sale.

Or le tourisme peut-être le rédempteur du patrimoine s’il combine avec d’autres concernés tel le ministère de la Culture ou celle de l’aménagement du territoire. Dans le cadre de la planification urbaine du patrimoine, le tourisme est de plus en plus souvent pris en compte comme un des moyens de valorisation du patrimoine.

Par ailleurs, le tourisme incontrôlé peut s’accompagner d’effets pervers : destruction du patrimoine et des ressources naturelles, déstructuration sociale, folklorisation de la culture et de l’artisanat, pollution liée au transport et enfin tourisme sexuel. Il peut donc représenter une menace pour l’environnement naturel, culturel et social des destinations.

Si la mise en tourisme du patrimoine lui offre une chance de conservation, l’évolution vers un rôle économique ; elle peut aussi être fatale pour le patrimoine dans le cas d’une gestion mal adaptée visant tout simplement les bénéfices économiques.

Parmi les menaces qui guettent la mise en tourisme du patrimoine c’est la surfréquentation de ces sites, ces problèmes ne pourront être résolus que par un contingentement rigoureux de la fréquentation. A travers la réservation pour des groupes limités de personnes, voire pour les visiteurs individuels selon les cas.

Parmi les risques, les plus pernicieux sont la banalisation des sites et la perte progressive de leur identité culturelle. Sous le prétexte de faciliter l’accueil d’un nombre croissant de visiteurs, certains responsables n’hésitent pas à réaliser des opérations de consolidations à moindre coût, à implanter des équipements d’accueil de qualité médiocre, à créer des lieux "standard" dénués de toute référence culturelle. Ce qui engendre la mutation des commerces traditionnels vers les marchands de souvenirs, la cohabitation devient rapidement impossible entre les résidents et les visiteurs, ce qui amène ces résidents à partir très rapidement et laisser les centres historiques « médinas, villes anciennes » désertés ; et de là progressivement une artificialisation par certain hommes de pouvoir.

De plus la mise en tourisme du patrimoine peut régenter vers une folklorisation du patrimoine et qui représente un des plus sérieux dangers du tourisme ; ainsi au Maroc aujourd’hui on l’aperçoit de plus en plus dans certains festivals et moussem « festival des arts populaire de Marrakech » sur le plan vestimentaire en changeant plusieurs détails sur la qualité des métiers de costumes des bijoux... aussi sur le plan de l’organisation des danses, on assiste à un changement néfaste en les mettant sur des scènes mal ordonnancées, c’est le cas de la danse emblématique d’Ahidous (au lieu d’avoir deux rangées l’une face à l’autre, on en a juste une qui se présente devant les spectateurs). De plus ces danses font plus que l’objet d’une tradition ancestrale pendant les fêtes de mariages ou de circoncision... mais on les applique dans les grands meetings pour accueillir les invités. De là ils font l’objet de rénovation démesurée. Malheureusement cette rénovation a touché plusieurs métiers artisanaux du fait que certains touristes cherchent des produits traditionnels artisanaux modernisés. Or de ce fait, dans un futur proche on se posera une question sur l’authenticité de nos produits artisanaux.

L’un des problèmes majeurs de la mise en tourisme du patrimoine c’est la privatisation de ce dernier, mais ce préposé peut jouer un rôle primordial dans la sauvegarde du patrimoine, si le propriétaire fait preuve de responsabilité et dans ce cadre on a l’exemple remarquable de l’Ensemble Neijarine à Fès qui a fait objet de restauration pour devenir un musée. Quoique plusieurs édifices qui constituent un héritage mémorable et patrimonial après leur restauration ils ont perdu leur authenticité : soit dans l’application de matières qui ne correspond pas à leur statut ; en modifiant les structures de base (l’introduction des piscines dans certaines maisons ‘Riad’ dans l’ancienne médina de Marrakech) et en corrigeant les défectuosités de l’architecture originelle. Soit en donnant ces sites patrimoniaux une fonction inconvenable et qui débouchera sur une perte d’authenticité et de mémoire de ces bâtiments historiques.

De tout cela on peut craindre que le tourisme, qui pourrait pourtant être le vecteur d’une prise de conscience de la valeur du patrimoine comme élément fondateur de l’identité culturelle locale, ne soit plus qu’une forme de "consommation culturelle" et n’aboutisse au contraire à une banalisation rapide de nos patrimoines urbains et ruraux, matériels et immatériels.

C’est ainsi que la mise en œuvre du développement durable dans le domaine du tourisme vise à soutenir ses bienfaits sociaux et économiques tout en s’efforçant de réduire, voire de neutraliser, les nuisances qu’il peut occasionner, et parvenir à une utilisation raisonnable des ressources, notamment des plus rares.

Il ne tient qu’à nous, voyageurs, d’agir pour un tourisme plus responsable : lorsque nous choisissons notre destination, à nous d’interroger les tour opérateurs, les agences de voyages, les organisateurs sur leurs pratiques pour faire évoluer le tourisme vers un tourisme blanc et innocent.


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