Le tuteur ne fera plus de social !

par Voris : compte fermé
mercredi 20 juin 2007

Plus que la réforme de la protection de l’enfance qui a trouvé un certain consensus en dépit du terrain sensible, la réforme du même jour - 5 mars 2007 - relative à la protection des personnes vulnérables passe unanimement pour une bonne loi. Ces réformes datent du gouvernement Villepin...

Le tuteur ne fera plus du social :

Le métier de tuteur a été rendu populaire par la série "Le Tuteur". Le Tuteur est une série télévisée française créée par Pierre Grimblat, diffusée depuis le 12 mars 2003 sur France 2 et en Belgique sur RTL-TVI. La série, inspirée de la vie d’un vrai tuteur, présente toute la diversité de son métier. Roland Magdane y tient le rôle principal. Acteur plein d’humanité et personnage qui ne l’est pas moins, à la fois tendre et bourru, il vole au secours des malchanceux, des accidentés de la vie. Le juge des tutelles lui confie le soin d’assister des personnes âgées qui ont autant besoin d’aide pour gérer leur maigre retraite que de compagnie, des hommes et des femmes en situation de fragilité psychologique à un moment de leur vie. Toutes les catégories sociales se croisent dans son cabinet. Mais tout ceci est un peu amplifié pour embellir la fiction comme ce fut le cas pour la série "Pause-café" des années 1980, qui mettait en scène Véronique Jeannot, alias Joëlle Mazard. Le rôle du tuteur va changer donc le 1er janvier 2009, date d’application de la réforme. En effet, les mesures de protection judicaire des majeurs seront réduites en nombre et réservées aux situations justifiées au regard des critères d’origine rappelés par la nouvelle loi. Le personnage de la série sera donc, à partir de 2009, en contradiction complète avec la nouvelle réalité du métier. Gageons que la série saura s’adapter.

Pourquoi cette réforme ?

Depuis de longues années, la réforme s’avérait urgente. Plusieurs rapports avaient attiré l’attention du gouvernement. En janvier 2002, Marylise Lebranchu, alors Garde des Sceaux, remettait un document d’orientation au Parlement annonçant la réforme. En novembre, malgré le changement de majorité politique, le dossier était relancé avec la mise en place de plusieurs groupes de travail. Il n’aboutira pas, butant sur la question du financement. Cinq ans après, la réforme se concrétise par la loi no 2007-308 du 5 mars 2007 qui se veut consensuelle.

Cette loi veut surtout réaffirmer les principes. Car aujourd’hui 700 00 personnes relèvent d’une protection judiciaire, ce qui est beaucoup trop. Les réformes d’origine qui datent des années 1960 n’avaient pas prévu une telle ampleur. C’est que les principes alors affirmés n’ont pas été appliqués. Le dispositif issu de la loi de 1968 était destiné à protéger les majeurs souffrant d’une altération de leurs facultés mentales. Or, il est souvent utilisé pour les personnes en grande difficulté sociale. De même, le principe de graduation des mesures est mal respecté. Quant aux modes de financement des mesures, ils ont conduit à une explosion des coûts.

Un retour aux principes d’origine :

Ainsi sont réaffirmés les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité de la protection juridique.

- Principe de nécessité : la loi trace une ligne de partage claire entre les mesures de protection juridique et les mesures d’accompagnement social. Seuls les majeurs souffrant d’une altération de leurs facultés mentales relèveront d’une mesure de protection judiciaire. Depuis longtemps d’ailleurs, la Cour de cassation exige du juge la preuve de cette altération et la vérification du besoin de protection.

- Principe de subsidiarité : le juge ne pourra ordonner une mesure qu’après avoir constaté l’impossibilité de recourir aux autres moyens de protection.

- Principe de proportionnalité : la mesure devra être adaptée à la situation du majeur, en fonction du degré d’altération de ses capacités.

Une rénovation des régimes de protection :

a - Rappelons quels sont ces régimes :

- La sauvegarde de justice : il s’agit de protéger de manière temporaire dans les actes de la vie civile. Le majeur "conserve l’exercice de ses droits". Souvent la sauvegarde constitue une mesure prise dans l’attente d’une mesure de curatelle ou de tutelle.

- La curatelle : le majeur dont les facultés mentales ou corporelles sont altérées et qui, "sans être hors d’état d’agir lui-même, a besoin d’être conseillé ou contrôlé dans les actes de la vie civile" ; par exemple, le majeur peut accomplir seul des actes de gestion courante, percevoir un salaire, faire des dépenses, mais il ne pourra pas effectuer des actes qui engagent son patrimoine sans l’assistance du curateur.

- La tutelle : elle est ouverte quand un majeur a besoin d’être représenté d’une manière continue dans les actes de la vie civile. La personne est déchargée de l’exercice de ses droits et ne peut plus passer aucun acte seule, cependant elle peut accomplir les actes de la vie courante.

b - Les principaux apports de la réforme sur les régimes :

La nouvelle loi renforce les droits des personnes protégées. Exemples : la loi élargit la capacité du majeur en tutelle à faire des donations. Sur autorisation, le majeur protégé pourra faire seul son testament. Le placement sous tutelle ou sous curatelle ne pourra plus être ordonné qu’après audition de la personne concernée. La tutelle à vie sera supprimée et une autre audience après cinq ans est rendue obligatoire. Le placement sous protection pour "prodigalité, intempérance ou oisiveté" est abrogée. La professionnalisation des intervenants est envisagée notamment par la délivrance d’agréments ou d’autorisations.

La tutelle familiale sera favorisée. En effet, jusqu’ici la loi donnait une priorité d’exercice des mesures à la famille mais rien n’était prévu pour soutenir les tuteurs familiaux dans l’exercice de leur mission. Le législateur ne va cependant pas aussi loin que par le vote de la loi handicap du 11 février 2005 qui a créé un droit à la formation des aidants familiaux.

A noter aussi une nouveauté qui est en fait la principale innovation du texte : le mandat de protection future. C’est une mesure conventionnelle qui permettra à chacun d’anticiper en désignant à l’avance un tuteur veillé de charger sur sa personne.

Voilà une des réformes à l’occasion desquelles le législateur a su prendre le temps nécessaire à la réflexion et sagement différer l’application. Mais les temps aujourd’hui semblent à la précipitation et à l’absence de débat de fond. On ne veut plus prendre le temps du consensus...

Pour en savoir plus :

service-public.fr

tutelle.org


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