Le .xxx n’existera pas

par zeroseconde
lundi 15 mai 2006

ICANN, l’organisme chargé d’allouer l’espace des adresses de protocole Internet (.com, .net, .edu, etc.), a refusé d’entériner la création d’un Top Domain Name .xxx. Loin de mettre fin au débat, la décision risque de rebondir... sur une autre débat : le contrôle de l’ICANN !

 A 9 contre 5, la décision de ne pas aller de l’avant a été prise. La décision renverse celle de l’an passé et est "finale".
(Herald Tribune, Washington Post)

La valse hésitation dure depuis six ans - et je ne suis pas prêt à mettre ma main au feu que la décision ne soit pas réversible.

Le débat risque de rebondir... sur une autre débat : le contrôle de l’ICANN !

Pour ou contre le X pour le Q ?
Les sites "pour adultes", c’est comme la mauvaise herbe. Il n’y a pas de définition claire. Une mauvaise herbe, c’est ce que l’on ne veut pas avoir dans son jardin.

On ne peut pas le définir, mais on sait tous ce que c’est quand on tombe dessus.

On est "pour", si on souhaite "protéger ses enfants". Il est facile de bloquer les sites triple x avec un filtre sur le suffixe. Théoriquement oui. Mais on ne filtre que des adresses, pas des contenus.

On peut penser que les sites "cochons" vont migrer sous ce nouveau domaine
- mais le problème commence ici : est-ce qu’ils vont quitter le .com ? C’est la question centrale, ouvrir le .xxx indique-t-il qu’ils seront forcés de quitter le .com ? Ils risquent plutôt de conserver les deux, de peur que le .xxx ne leur amène moins de clients. Et faudra-t-il alors les chasser du .com ?

L’ostracisme digital
Le débat repose sur une enchevêtrement de valeurs. On est "contre" si on refuse qu’Internet soit un endroit où la censure peut avoir lieu.

Ouvrir un .xxx, demanderait à ICANN de déterminer ce qu’est ou non la pornographie.
La définition devrait être "universelle", car le Top Level Domain transcende les frontières (comme les .com). Ce qui dépasse sous la burqa est pornographique, non ? Ou seulement quand ils sont 6 à l’écran ?

Le contrôle du contenu serait implicitement exigé, et pas seulement dans le triple x mais aussi à l’extérieur. Réguler le x, c’est réguler tous les autres.

Bref, le filtrage du pornographique ne peut pas être technologique, il est social. Le tenant du "contre" sont soucieux de ne pas ouvrir la voie au filtrage technologique.

Car le danger du filtrage n’est pas là où on le pense. Filtrer les domaines .xxx pour vos enfants n’est pas mauvais en soi. Mais qui garantit que dans certains pays, ce filtrage ne sera pas utilisé contre les adultes ? Il sera facile de retracer ceux qui visitent les .xxx.

La porno est dans notre tête. Internet est là pour longtemps. Imaginez ce qui serait aujourd’hui sous le .xxx si Internet avait été inventé en 1900 !

Il y a un véritable danger à filtrer de façon centrale. Il existe des filtres parentaux, personnels.

Le sexe mène le monde
Je disais que le débat repose sur un enchevêtrement de valeurs. Ceux qui sont "pour" l’instauration d’un domaine .xxx ont le mauvais rôle de défendre une industrie plus ou moins honorable, mais pour des raisons nobles (la liberté d’expression).

Ceux qui sont "contre" passent pour des conservateurs prudes alors qu’ils ont une pensée pour leurs enfants. Mais en même temps, il y en a qui sont effectivement des moralistes dans ce groupe.

Mais il y a aussi les "politiques". L’ICANN est perçu comme un instrument du gouvernement américain. L’Europe et certains pays comme le Brésil réclament que ICANN passe sous mandat de l’ONU. Il est difficile de ne pas voir dans la décision de l’ICANN l’ingérence des conservateurs américains au pouvoir à Washington. (Reuters, Silicon.fr).

Mais même pour eux, la décision n’est pas facile : ouvrir le .xxx c’est reconnaître la porno, fermer le .xxx c’est laisser le public dans la débauche. (d’ailleurs déjà des sénateurs cherchent tout de même à créer un red light numérique). Mais ça reste une dispute américaine.

Ceux qui ne le voient pas encore doivent ouvrir les yeux. Internet est un produit américain, et les Américains ne sont pas prêts à lâcher le morceau.

Mais alors à qui profite le crime ? Aux compagnies d’enregistrement de noms de domaines.


Lire l'article complet, et les commentaires