Les bannis de la République

par olivier cabanel
samedi 3 avril 2010

On finira par croire qu’étymologiquement, les banlieues sont des lieux mis au ban de la République, et pourtant l’origine du mot banlieue est très différente.

En effet « Banlieue » vient du mot Ban, qui est tout simplement le « territoire soumis à la juridiction du seigneur ».

Le mot « banal » a d’ailleurs la même racine : il vient du four à pain collectif, celui qui dépendait du ban, et comme il était utilisé par tous, c’était un four banal. lien

Quant aux forbans, c’étaient ceux qui étaient chassés du ban, bannis, indignes de la bannière (le drapeau du ban).

Ce qui est moins banal, c’est la situation de la Banlieue parisienne.

Elle est devenue une banlieue bannie, chassée du ban, et remplie de forbans.

Pourtant, ces banlieues n’ont pas toutes le même destin si l’on compare celui de Clichy sous Bois à celui de Neuilly sur Seine.

Dans cette ville, la loi SRU n’est pas respectée, puisque les logements sociaux ne sont que 3,2 %, bien loin des 20% réclamés par la loi. lien

Le maire de Neuilly a beau se défendre évoquant le manque de terrain pour arriver au quota des 20%, il trouve toujours du terrain pour d’autres constructions.

Mais est-ce une bonne idée de regrouper dans les mêmes lieux des gens de la même classe sociale, portée par l’idée qu’une solidarité de classe s’y fasse ?

Aujourd’hui, on constate que ceux qui se sortent de la galère, prennent comme première décision de quitter la banlieue, et les places sont prises par d’autres encore plus pauvres qu’eux.

Nos urbanistes, architectes, et décideurs ont donc choisi la mauvaise option.

Il serait manifestement plus intelligent d’éparpiller la misère, plutôt que de la rassembler dans une même zone.

Selon l’O.N.Z.U.S, (observatoire national des zones urbaines sensibles) un tiers des habitants y vivent sous le seuil de pauvreté.

Des records de chômage y sont battus avec 42% pour les hommes de moins de 25 ans.

Dans les années 80, la gauche, alors au pouvoir, avait mis en place ce qui s’appelait la « politique des grands frères »

Cette politique, abandonnée par la droite sarkozyste, critiquée par Rachida Dati, avait pourtant de nombreux avantages. lien

Thierry Mandon, maire PS de Ris Orangis la définissait ainsi :

« ça consistait à choisir des jeunes adultes, disons à la vingtaine d’année dont on pensait qu’ils auraient plus d’influence sur les gamins de douze/seize ans pour qu’ils ne fassent pas de bêtises, ils avaient l’autorité que les pères de familles n’avaient plus. »

Aujourd’hui, pour Luc Bronner, journaliste d’investigation, et prix Albert Londres, la situation est perdue.

Il explique dans son dernier livre (« la loi du ghetto » chez Calman Levy).pourquoi ce qui se passe aujourd’hui dans nos banlieues relève d’un processus que désormais rien n’arrêtera. lien

Il était sur France Culture ce mercredi 31 mars.

Il a évoqué la paupérisation, l’enclavement, les quartiers difficiles, et la dure réalité des zones de non droit créées par la volonté de regrouper les plus pauvres des français. lien

Il est convaincu que nous avons une responsabilité collective, et que notre indignation légitime, et bien pensante n’est qu’hypocrisie.

Aujourd’hui, ceux qui gagnent leur vie, même modestement, ne souhaitent plus vivre auprès de la « pauvreté dangereuse ».

Il affirme que nous acceptons l’existence de ces ghettos tant qu’ils ne viennent pas bousculer notre vie de tous les jours.

Le français préfèrerait donc qu’il y ait des « territoires sacrifiés ».

Il fallait en conséquence doter ce territoire d’une police de proximité, ce qu’avait fait la gauche en 81.

A De Villepin alors premier ministre, qui plaidait pour une « police de la tranquillité publique », Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, répondait « si la seule chose qu’on nous propose, c’est de recommencer ce qui a fait faillite (police de proximité) les mêmes causes produiront les mêmes effets. »

La suite logique, nous la connaissons.

Des qu’il a été au pouvoir, Sarkozy a supprimé cette police, mise en place par la gauche dans les années 80, plongeant des zones entières de banlieue dans le « non-droit » et le trafic de stupéfiants. lien

Ces ghettos de la misère sont en effet ceux ou la drogue circule en toute impunité, ou presque.

Le marché du cannabis représente à lui seul 800 000 millions d’euros en France, ce qui relativise l’opération de police récente à Tremblay qui a permis la saisie de près d’un million d’euros, de cocaïne et d’héroïne. lien

mais un million sur 800 millions c’est peu.

Ce que l’on oublie toujours c’est que la légalisation du cannabis ferait chuter les cours, et enlèverait à ces trafiquants de banlieues une importante source de revenus.

Mais le gouvernement actuel préfère fermer la plupart des temps les yeux sur ce trafic, sachant très bien que s’il arrive à arrêter quelques trafiquants, d’autres prennent le relais automatiquement.

D’ici que de « mauvaises langues » aillent imaginer que le but présidentiel est de provoquer une insurrection en banlieue pour la réprimer, et se remettre ainsi en odeur de sainteté dans le cœur des français, il n’y a qu’un pas.

Mais le plus grave n’est-il pas que l’abstention se soit développée en banlieue d’une façon considérable ?

Pour Luc Bronner, l’abstention est plus grave que les émeutes. lien

78% des 18/ 34 ans se sont abstenus en banlieue.

A Clichy sous Bois, il n’y a eu au second tour que 31,3% de votants.

Ils affirment ne pas être de mauvais citoyens, puisqu’ils s’intéressent à la politique extérieure, mais ils disent que voter ne leur enlèverait pas Sarkozy, et ne voient donc pas l’intérêt de voter.

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De plus, lors de campagnes électorales, ces quartiers sont considérés comme « non rentables » par la gauche comme par la droite, ce qui les plonge encore plus dans la ghettoïsation. Vidéo.

Ce ghetto de la misère, a provoqué la création d’un autre ghetto, celui de la richesse.

Aujourd’hui, il y a un peu partout dans notre pays des zones de non droit, avec une police privée, et le français lambda ne peut pas y pénétrer, même s’il n’est pas animé de « mauvaises pensées » à moins d’y être invité.

Radars, police privée, caméras : tout est prévu pour assurer la sécurité des habitants.

Çà existe en France comme à Cuincy, dans le Nord, où le maire a fait ériger une grille entre sa commune et le quartier HLM de Douai. lien

Çà existe aussi à Toulouse, à Tours, à Avignon, à Nantes, à Montpellier, à Lyon, à Marseille, à Bordeaux…etc.

C’est une étrange France qui est en train de naître sous nos yeux, et on ne voit pas bien de quelle façon nous pourrions en sortir ?

Car comme disait mon vieil ami africain :

« Ne te lamente pas de ce qui t’arrive, tu ne connais pas le futur ».


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