Les dessous de la grande distribution

par Fredon
lundi 15 février 2010

Prix cassés, salaires aussi...On se demande en cette fin de soldes, comment les grandes surfaces font pour vendre les vêtements à des prix aussi bas ? Comment elles peuvent encore gagner de l’argent ? On se doute bien qu’elles se fournissent là où les coûts salariaux sont très bas. Mais on ne cherche pas trop à savoir…puisqu’on fait des affaires ! A quel prix social et humain ?

Le site http://www.ethique-sur-etiquette.org/IMG/pdf/RapportCashFR_Complet_BR-2.pdf, vous dira tout ce qui se cache derrière ces enseignes qui vous promettent de vous faire bénéficier des prix les plus bas toute l’année, tellement elles sont préoccupées par votre pouvoir d’achat, votre bien-être, la qualité de ce qu’elles vous « offrent », par le service qu’elles vous rendent.

Le rapport CASH de la Clean Clothes Campaign, basée à Amsterdam, relayé par Ethique sur étiquette, est un rapport de chercheurs qui porte sur les pratiques d’approvisionnement de la grande distribution et les conditions de travail dans l’industrie de l’habillement.

L’habillement occupe une place importante chez ces géants de la distribution comme dans leur chiffre d’affaires mais la démonstration peut très bien coller à la plupart des autres rayons.

Ce rapport porte sur quelques enseignes de taille internationale, comme Walmart, Tesco, Carrefour, Lidl, Aldi…choisies « pour leur impact mondial, leur énorme part de marché dans le monde ». Carrefour, par exemple, est le quatrième plus grand vendeur de vêtements en Europe. Un Allemand sur deux s’habille chez Aldi et Lidl.

Mais au-delà de l’étude économique, ce rapport est avant tout un témoignage social et humain sur les conditions de travail des femmes (les plus nombreuses et les plus exploitées) et les hommes, sur leur surexploitation qui explique les conditions draconiennes imposées par ces grandes enseignes pour s’assurer les marges les plus lucratives, sans aucune considération sur la santé des salariés, sur leur dignité, sur le respect du droit du travail inexistant dans de nombreux pays. Les actionnaires leur en sont infiniment reconnaissants.

Des pratiques qui en disent long sur la notion de « concurrence libre et non faussée » et sur lesquelles ces enseignes ferment pudiquement les yeux en se donnant bonne conscience puisque c’est pour notre bien, « pour nous en faire profiter », qu’elles « donnent » du travail à des femmes qui n’ont pas d’autre choix que de travailler 10, 12 heures par jour, six jours sur sept pour une bouchée de pain.

On connaît leur parade : c’est la mondialisation, la loi du marché, la libre circulation des capitaux, des marchandises (pas des personnes, n’est-ce pas M. Besson ?) et si c’est pas nous qui le faisons, on sera mangés par d’autres et ça ira encore plus mal !

Le raisonnement classique de la fuite en avant qui nous explose à la figure en espérant que les victimes vont se tenir bien sages puisqu’il paraît qu’il y aurait des signes annonciateurs de la reprise…comme en Grèce !

 

Que voulez-vous, comme l’exposait Sarkozy tout récemment à Davos, devant un parterre de décideurs mondiaux, « on n’a pas le choix, il faut moraliser les marchés pour garder le capitalisme, car en dehors du capitalisme, c’est l’impasse ». Il s’est même payé le luxe de tancer le capitalisme…financier, ce pelé, ce galeux, d’où nous vient tout le mal…payant moins le travail et plus le capital (emprunté à La Fontaine, à taux zéro) !

Petit problème : c’est dans la nature même des marchés, c’est-à-dire du capitalisme, de ne supporter aucune régulation, aucune contrainte -sauf pour amuser la galerie- aucune activité économique et même sociale qui ne soit privatisée ! On nous serine depuis longtemps que « les profits d’aujourd’hui feront les emplois de demain ».

De ce point de vue le rapport CASH fournit des tas d’exemples et de témoignages sur la pression qui s’exerce sur l’emploi, les salaires, les conditions de travail, ne parlons même pas de protection sociale ni de droits syndicaux, de normes de sécurité…qui illustrent à quel point s’aiguise la contradiction capital-travail que d’aucuns s’évertuent à considérer comme dépassée. Le croient-ils vraiment ?

Le rapport avance tout un ensemble de propositions très contraignantes pour les grands distributeurs, de nature à réduire ces inégalités de traitement, à commencer par « un code de conduite fixant les normes de travail à toutes les étapes de la filière, y compris dans les magasins de distribution, en fixant des prix de détail de manière responsable évitant toute publicité à l’égard de prix bas non soutenables, en faisant respecter les conventions pertinentes de l’organisation internationale du travail… »

En dehors d’une forte incitation des salariés et des consommateurs, on peut douter de la prise en compte spontanée de ces justes préconisations par les états-majors de ces grandes enseignes.

René Fredon

Pour signer la pétition :

http://www.ethique-sur-etiquette.org/spip.php?article79
 

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