Les dessous du système carcéral français

par AJ
mercredi 15 octobre 2008

Surpopulation carcérale, réinsertions difficiles, récidives, conditions de vie obscures : le système carcéral Français a grandement besoin de se moderniser...



L’évolution du système carcéral depuis l’après-guerre
Depuis l’après-guerre, le système carcéral français ne cesse de progressivement s’humaniser. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui vont jusqu’à mettre en cause le principe d’incarcération. Au lendemain du second conflit mondial, 60 000 détenus sont recensés sur le territoire français, un pic qui n’a jamais depuis été atteint. Les opposants au régime de Vichy, incarcérés pour la plupart lors de la Seconde Guerre, arrivent au pouvoir, conscients du fait que le système carcéral français nécessite une réforme profonde.

En 1944, Pierre Conat rédige un rapport sur l’état des prisons et sa conclusion est formelle : une modernisation des centres de détention s’impose. Cette réforme tant attendue voit le jour en 1945 et jette les bases du système carcéral actuel : "le traitement infligé aux prisonniers doit être humain", "l’assistance est donnée au prisonnier pendant et après sa peine", etc. Par ailleurs, la réforme de 1945 conduit à la création de l’Ecole de l’administration pénitentiaire, chargée de former les éducateurs. Enfin, toujours dans la vague de la réforme de 1945, l’assistance donnée aux détenus dans le cadre de leur réinsertion est considérablement améliorée même si des lacunes subsistent encore aujourd’hui dans ce domaine.

Dans les années 1970, des émeutes sont observées dans des centres de détention, notamment à Clairvaux dans l’Aube, précurseur d’un mouvement qui conduira à la destruction de 9 établissements et à la détérioration de 80 centres. Par ailleurs, 6 détenus trouveront la mort. Ces incidents témoignent d’un malaise qui sévit dans les prisons françaises et, dès son élection à la présidence de la république, Valéry Giscard d’Estaing crée le premier Secrétariat d’Etat à la Condition pénitentiaire. Progressivement, des alternatives seront trouvées à l’emprisonnement systématique, un mouvement auquel contribuera énormément Robert Badinter, fervent défenseur de la condition pénitentiaire et ministre de la Justice de 1981 à 1986.


Cette même année, le Parti socialiste est battu par la nouvelle majorité de droite dirigée par Jacques Chirac. Robert Badinter est logiquement remplacé par Alain Chalandon qui mènera une politique sécuritaire et les avancées observées lors de l’ère Badinter sont partiellement remises en cause. Chalandon ramène la période de sûreté à trente ans et, face à la surpopulation carcérale, il décide de bâtir de nouvelles infrastructures. Lors des deux années qu’il passera au ministère de la Justice, Chalandon va certes améliorer l’accès à la médecine en détention, mais sa politique va conduire à un certain isolement des détenus (les contacts avec les familles sont limités et la construction des prisons se fait loin des villes).

L’Europe touchée par la surpopulation carcérale
Aujourd’hui, la politique gouvernementale tend à la construction de nouvelles infrastructures carcérales alors qu’une majorité des Français considèrent qu’il serait temps d’évoluer vers des alternatives au principe d’emprisonnement. C’est d’ailleurs sur cette voie que le gouvernement allemand s’est engagé. L’opinion a en effet fortement évolué ces dernières cinquante années et la considération des prisonniers avec. Si l’on pouvait entendre auparavant des déclarations insinuant que les prisonniers méritaient leur condition, ce type de propos tendent désormais à se raréfier. Les Français ont en effet pris conscience du manque d’intimité, de calme, d’hygiène et de liberté bien entendu qui règne en prison.

Ainsi, une cellule (dans laquelle cohabitent 1 à 6 détenus) ne mesure pas plus de 10 m² et les toilettes, non cloisonnées, se situent dans ces mêmes cellules. Actuellement, on recenserait en France 64 000 détenus pour 49 000 places seulement, soit une surpopulation carcérale très élevée, un phénomène qui touche d’ailleurs l’ensemble des 27 pays de l’UE à l’exception de l’Autriche. En l’espace de trois ans (2003 à 2006), la population carcérale européenne est passée de 138 détenus pour 100 000 habitants à 148,8.

Jusqu’où va la liberté ?
Si la prison intervient dans un souci de garder sous surveillance et de priver de liberté de circulation des individus ayant enfreint la loi, la liberté des détenus, afin de leur accorder un minimum d’humanité a profondément évolué au cours du siècle, mais certaines questions et problématiques n’ont toujours pas été résolues. L’assassinat le mois dernier en Isère d’un détenu qui se situait en zone de promenade relance le débat sur l’emplacement de ces espaces. Doivent-ils être cloisonnés ? Difficile d’imposer cette contrainte aux établissements pénitenciers, dont les zones de promenade sont déjà suffisamment austères.

Les parloirs sont les seuls lieux de rencontre avec leur entourage pour les détenus. Bien qu’un tel endroit se doit d’être intime, les conversations sont en permanence suivies par un surveillant. Dans cette situation, les relations sexuelles sont donc très rares et bien entendu extrêmement gênantes. Aucune mesure permettant des relations sexuelles saines n’a jamais été mis en place par l’administration du fait que la présence d’un surveillant est obligatoire, d’autant plus que pratiquer un acte sexuel devant autrui est puni par la loi. La cohabitation quotidienne avec des détenus du même sexe est un vecteur certain de l’homosexualité, la cellule étant l’unique endroit où les détenus bénéficient d’une relative intimité.

La problématique de la réinsertion
Bien que, tout au long de l’incarcération, la question de la remise en liberté des détenus soit longuement étudiée par les services pénitenciers, cette délicate opération n’est pas tâche facile. Si, dans le cas de peines courtes, la réinsertion s’effectue avec peu de problèmes, celle des détenus de longue date est extrêmement complexe. Réapprendre à évoluer en autonomie, vivre dans un environnement sensiblement différent de celui que l’on avait quitté, apprendre à vivre sans famille ou/et amis pour certains, ce sont tous ces défis auxquels les détenus doivent faire face lors de leur sortie de prison.

La réinsertion professionnelle est un autre défi auquel l’administration pénitencier se doit de répondre. Très tôt avant la sortie, l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) est contactée afin de permettre aux détenus d’exercer un emploi dès leur sortie. L’incarcération permet d’ailleurs une reconversion professionnelle puisque les détenus peuvent suivre un cursus scolaire durant leur détention.

Par ailleurs, le travail carcéral concerne actuellement plus de 20 000 détenus. Les conditions restent cependant extrêmement précaires puisque aucune allocation ne leur est délivrée en cas de pertes de leur emploi bien que nombre de cotisations sociales leur soit déduites de leur salaire, déjà nettement plus faible que la normale. Le travail attribué aux détenus consiste principalement à effectuer de petits travaux, soit dans les locaux même de la prison (entretien des locaux, etc.) soit pour le compte d’entreprises privées qui signent un contrat avec l’administration pénitentiaire, laquelle fournit la main-d’œuvre.

Quels sont les défis de demain ?
Alors que le phénomène de surpopulation carcérale ne désemplit pas, le système carcéral français va être contraint ces prochaines années de mettre un terme aux politiques actuelles de banalisation de l’incarcération et évoluer vers un système où les alternatives à l’incarcération seront privilégiées. Enfin, la réinsertion sociale est un autre défi auquel doit répondre l’administration.


Lire l'article complet, et les commentaires