Les films X

par Jean Massicot
jeudi 6 mars 2008

Le propos qui suit s’appuie sur un point de vue essentiellement esthétique et non moral.

Les films X sont au cinéma ce qu’est la musique militaire à la musique. Et encore, je suis dur pour la musique militaire car elle est parfois émouvante. Depuis que je suis abonné au câble je peux voir, à la seule condition d’entrer un code confidentiel, des films dits pornographiques. Bien entendu, je ne suis pas le seul à avoir ce privilège - si privilège il y a - parce que lesdits films sont accessibles non seulement sur les chaînes spécialisées, mais aussi sur les chaînes classiques ou grand public. Bien sûr, je connaissais la différence entre l’érotisme (du grec ἔρως, eros « amour ») qui désigne l’affection des sens provoquée par la perception de l’autre et la pornographie (du grec ancien πορνογράφος pornográphos[, de πόρνη / pórnê, prostituée, et γράφω / gráphô, peindre, écrire, décrire) qui désignait autrefois les études concernant le fait de donner ou vendre son corps aux autres. Je connaissais aussi la différence entre les films érotiques et les films pornographiques. Mais la vision récente de quelques scènes pornographiques m’amène à cette réflexion que bien d’autres ont dû faire avant moi et que je livre aux lecteurs.

Après tout voir un couple faire l’amour n’a rien de choquant. Ce peut même être un spectacle agréable, divertissant, excitant, encore qu’il vaut nettement mieux le faire que regarder le faire. Voir deux hommes se faire des papouilles ou bien pire est certes plus discutable, mais il en faut pour tous les goûts. Soyons dans le vent ! Faire des gros plans sur le sexe, voire des quasi-endoscopies est à mon sens à la limite du présentable, mais enfin passons puisqu’il y a des amateurs donc un marché. Ça peut plaire à certains. Montrer une femme se faire pénétrer brutalement par tous ses orifices par des « tringleurs » agités et infatigables est franchement peu agréable à regarder. De plus, c’est offensant.

Enfin, quand ces hurluberlus doivent mettre un terme à leur prestation et qu’ils éjaculent bruyamment sur le visage de leur pauvre partenaire, c’est révoltant. C’est plus que je ne peux supporter.

J’ignore si les féministes patentées, les chiennes de garde et autres porteuses de banderoles ont réagi et comment elles l’ont fait. J’ignore aussi si la Ligue des droits de l’homme s’est penché sur la question. J’ignore aussi si les partis politiques ont pris parti sur ce problème. J’ignore enfin si nos gouvernants toujours enclins à protéger ses citoyens contre l’alcool, le tabac, la drogue, la vitesse ou le téléphone au volant ont effectivement agi. Peu importe puisqu’ils n’ont pas fait cesser cette industrie qui - semble-t-il continue à prospérer - ni modifier son contenu dans ce qu’il avait d’inadmissible et d’outrageant.

Vous me direz avec sagesse : tu n’as qu’à pas regarder. Et vous aurez raison. En effet, quand on a vu un de ces films, on les a tous vus à quelques détails près. Des scenarii indigents, des prises de vue extrêmement limitées, donc des coûts de production assurément très faibles qui assurent à leurs producteurs des revenus confortables. Serait-ce un exutoire pour malades ou violeurs potentiels ?

Il y a peu de temps, au cours d’un dîner, alors que la conversation était passée des grandes idées philosophiques à la politique, puis des derniers livres qu’on avait lus aux derniers films qu’on avait vus, un convive déclara que depuis qu’il était abonné à un certain opérateur connu, il avait appris beaucoup de choses à propos de ce qui précède. Avant de jeter un regard désapprobateur à l’intervenant je vis tout de suite le visage de sa compagne, les yeux levés au ciel, esquisser une sorte de soupir qui était tout un programme.

Eh oui, penser qu’une frange de la population, les plus jeunes en particulier, découvre les pratiques amoureuses ainsi est inquiétant. Combien d’entre eux tenteront de reproduire les scènes les plus "hard" et les dialogues plus ou moins orduriers qui y sont associés. Un peu d’air pur que Diable ! Au secours, les poètes. Même les « maudits » apportent une note de fraîcheur, de romantisme et de pureté. Qu’on relise le plus connu d’entre eux : Verlaine.

"Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? —Je l’ignore.
Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.’’

Je loue tous les poètes qui m’ont fait rêver au moins un instant. Cet instant prend plus de place que tout le reste.


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