Les larmes du paysan

par olivier cabanel
lundi 22 février 2010

Le monde agricole est en deuil
 
Moqués par les élites qui les pressent comme un citron, et les jettent comme un vieux Tampax usagé, les paysans français sont au bord de la crise de nerfs.
 
Samedi soir, dans l’émission du 20 février de Thierry Ardisson, «  salut les terriens  » l’un d’entre eux a été invité à témoigner.
Témoignage terrible, et l’invité, plusieurs fois au bord des larmes, a fait un tableau accablant du monde agricole français. Voir la vidéo ici
Pierre Priolet, est un agriculteur vauclusien
En 2009, les pertes d’exploitation de son entreprise agricole s’élèvent à 120 000 euros.
Les poires qu’il produit sont vendues 17 cts le kilo, et coutent 40 cts d’euros à la production.
Ces poires sont vendues 3 euros le kilo dans les grandes surfaces, et on serait tenté de dire qu’à ce prix là, la poire, c’est pierre Priolet.
Auparavant, Ardisson avait invité Bruno Lemaire, ministre de l’agriculture.
Priolet a écouté attentivement les explications laborieuses du ministre et il en conclut : « j’ai l’impression, quand j’ai entendu le débat de tout à l’heure, de vivre sur une autre planète. Le ministre expliquait qu’il y avait 34% de perte de revenu pour les paysans, mais pour perdre 34% de son revenu, il faudrait déjà avoir un revenu ! »
En fait, les fruits de l’exploitant sont gérés par une centrale d’achat, laquelle ne lui promet aucun prix de départ, lui assurant d’en tirer le maximum, de vendre « au mieux » comme il est dit habituellement. L’agriculteur ne sait pas ce qu’il va gagner : il le saura, lorsque la centrale aura vendu les poires à la grande surface, et pas avant.
La centrale d’achat se paye, rembourse ses frais, puis donne le restant à l’exploitant.
Pierre Priolet est scandalisé, et il explique « par exemple, pour les "golden", elles me sont payées 45 cts le kilo, lorsque j’ai déduit mes frais il me reste 1cts ! »
Et Ardisson de rajouter : « au fond, vos pommes, vous les donnez ! »
A 57 ans, notre exploitant touchera à sa retraite moins de 700 € par mois, après avoir travaillé toute sa vie, entre 8h à 14h par jour.
Le 3/4 des exploitants agricoles ne prennent pas de weekend, et très peu de congés.
Pierre Priolet ne se considère plus comme un exploitant agricole, mais comme un « exploité agricole ».
Il a une vision lucide de cette société : « notre société ne pense qu’au profit immédiat, elle est prête à gagner n’importe quoi sur n’importe qui, pourvu que ce soit rapide.On a en face de nous une société de jouisseurs ».
Il rappelle que les Français achètent des produits en Chine, où les enfants qui les fabriquent gagnent 5 cts de l’heure. Il dit, « nos dirigeants n’ont pas la moindre reconnaissance ni pour les paysans ni pour les ouvriers ».
Dans un constat lucide, Priolet, seul au milieu de son champ constate : « on arrive aujourd’hui à créer de l’argent avec du vide, j’ai l’impression de vivre au pays des faux monnayeurs, quand la BNP fait un bénéfice de 50 milliards. L’argent, c’est le travail, et le travail c’est l’outil. Tous ces milliards annoncés sont du vent ».
Il constate que pour les damnés de la terre que sont devenus les ouvriers, les paysans, les sans abris, les chômeurs, il y a un déni d’existence.
Pourtant dans sa profonde détresse, Pierre Priolet propose une solution. Il demande que chaque exploitant agricole ait la possibilité de vendre 1000 m2 (ce qui est une paille sur les hectares qu’il gère) et que cette parcelle soit classée constructible.
40% de la vente pourrait éponger les dettes de l’agriculteur, et 60% iraient dans un pot commun qui permettrait aux exploitants agricoles la création de leur propre centrale d’achat. (Il y a 330 000 exploitants agricoles en France). Avec cet argent, ils créeraient 200 magasins, où les consommateurs pourraient venir se servir, à prix coutant, donc bien moins cher que dans les grandes surfaces.
Çà permettrait d’engager un chômeur de 55 ans pour tenir le magasin, aidé par trois jeunes sans travail et sans qualification.
On imagine sans peine que d’autres rejoindraient ce projet, comme les producteurs de lait dont je rappelais les problèmes dans un article récent (c’est moche pour le lait).
 On y apprenait que les producteurs de lait étaient payés 20 cts le litre, pour du lait vendu entre 70 cts et 1,50 euros, déchainant leur juste colère.
Mais Sarkozy entendra-t-il la détresse de cette France en perdition, ou continuera-t-il d’amuser la galerie en agitant le voile d’une Burqa, ou un stérile et dangereux débat sur l’identité nationale et l’immigration.
Comprendra-t-il enfin que les français souffrent ?
Il joue aujourd’hui avec le feu : se souvient-il de la France des jacqueries  ?
Çà s’est passé le 21 mai 1358. 100 paysans du Beauvaisis se sont attaqués aux châteaux, violant, tuant, et brûlant les maisons, et la révolte a vite fait tache d’huile. lien
Car comme disait mon vieil ami africain : « celui qui creuse un trou finira par tomber dedans ».
 
 

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