Les mots pour ne pas dire

par Raymond SAMUEL
mardi 4 novembre 2014

Le langage, meilleur outil à la disposition des manipulateurs.

En lisant ces deux premières lignes de la contribution en forme de commentaire de Catherine DOLTO au rapport UNICEF sur la santé psychique des 6-18 ans je me suis réjouis pensant qu'elle avait bien compris que « ce qui est donné à voir », autrement dit, ce qui a été choisi par les communicants pour être montré, n'est souvent pas la réalité mais au contraire une belle et bonne manipulation.

Car le rapport UNICEF montre une réalité complètement différente de ce qui était « donné à voir » jusque là et qu'il était convenu, ou plutôt obligatoire, d 'accepter comme vrai.

Ne voila-t-il pas en effet qu'Unicef révèle crûment que les adultes ont failli et qu'en conséquence les enfants et ados, en immense solitude, souffrent et se suicident. Le rapport parle enfin VRAI et dit « ce qui se passe vraiment » alors que les communicants manipulateurs « donnent à voir » depuis des décennies de fausses informations dans le but d'imposer leurs vues d'un monde à leurs pieds.

Quelques exemples de ces fausses informations :

Ce qui se passe vraiment dénoncé par l'UNICEF et C. DOLTO :

Les adultes ont failli. C'est un constat. Pendant des décennies ils ont fait vivre les enfants dans des conditions pathogènes, maltraitantes, inadaptées à leurs besoins, à leur nature d'enfants humains.

Les parents auraient-ils trahi sciemment leurs enfants ? Non, ils ont seulement été complaisants à l'égard des manipulateurs qui se présentaient généralement sous les traits de spécialistes de l'enfance. Et ils ont été d'autant plus facilement complaisants que ces manipulateurs leur proposaient de les libérer de leurs tâches domestiques, préalablement et soigneusement dévalorisées, avilies plutôt.

Les campagnes de propagande de ces manipulateurs étaient par ailleurs savamment organisées et soutenues par le Pouvoir. Elles ont déferlé comme un raz de marée sur la population entière.

En aucun cas nos idéologues manipulateurs soixante-huitards, féministes et surconsommateurs ne pouvaient laisser voir les conséquences désastreuses sur les enfants de la « libération » des parents.

Ainsi, a priori, Catherine DOLTO ne semble pas être dans la dépendance des manipulateurs. Quelle est sa position par rapport à ces révélations de l'UNICEF ? Va-t-elle en tirer toutes les conclusions, c'est à dire d'abord recommander de s'attaquer à l'identification des pratiques pathogènes des adultes ?

Que va-t-elle proposer à la suite de la déclaration prometteuse qu'elle inclut dans son texte, : « Nous avons tellement banalisé ces modes de vie -séparation des couples- qu'il est maintenant ringard de valoriser une famille unie rassemblée sous le même toit. » ?

Lisons la suite de sa participation (légèrement allégée par moi) pour le savoir.

« UN RELATIF CONFORT MATERIEL MAIS UNE IMMENSE SOLITUDE.

« DES VIES INTIMES FRAGILISEES PAR L'INSECURITE AFFECTIVE OU SOCIALE.

….un enfant se construit à travers les liens qu'il tisse avec ses entourages multiples, famille, école, réseaux sociaux, quartier etc...chaque lien compte....les liens entre ces différents mondes sont essentiels. Les manques et souffrances de l'un peuvent être compensés, voire corrigés, par les autres et c'est là que la société doit jouer son rôle.

« NOTRE RESPONSABILITE EN TANT QU'ADULTES ACCUEILLANTS.

« CE N'EST PAS DU MODELE FAMILIAL QUE NAÎT LA SOUFFRANCE.

« REPENSER NOTRE MANIERE D'ACCUEILLIR CE TRESOR.

Nous avons collectivement à repenser, et de manière urgente, notre manière d'accueillir et de scolariser ce trésor que représentent les jeunes de moins de 9 mois à 25 ans. C'est à travers la lutte contre la précarité et pour l'égalité des droits entre les femmes et les hommes qu'il faut agir, bien sûr. Mais au-delà c'est toute notre façon de les considérer, notre manière d'être face à eux, dans nos tâches de transmission et d'éducation comme dans nos gestes les plus quotidiens, qu'il s'agit d'infléchir. Soutenir matériellement les familles monoparentales, mais surtout créer des systèmes d'entourage, d'échanges et de soutien, quelque chose qui serait entre la famille et la tribu pour qu'un enfant ne se trouve pas seul en charge psychoaffective de son parent -car ces choses sont réciproques- , inventer des structure d'accueil d'urgence ou de moyen séjour, non médicalisées, pas ou peu judiciarisées, faciles d'accès, ou les jeunes et leur (s) parent (s) seraient accueillis, entendus et soutenus de manière souple, qui servirait de soupape, des zones tampon d'espace temps, offrant un répit dédramatisant aux parents et aux enfants.

« VIVRE ENSEMBLE POUR FAIRE SOCIETE EST UN BEAU PROJET.

...L'isolement est le premier dommage, quand il se vit dans dans un quartier insécur, dans la crainte de l'échec scolaire et la peur de l'avenir, le cercle vicieux enferme l'enfant dans un sentiment d'impuissance. Nous, adultes, tous, individuellement et collectivement, devrions tendre à devenir capables de montrer aux jeunes que vivre ensemble pour faire société est un beau projet. Partager, échanger, se consoler les uns les autres face à la difficile condition humaine, c'est un but qui donne sens à une vie. Le sens est un bon antidépresseur.

Fin de la contribution de Catherine DOLTO.

Le manipulation est évoquée d'entrée, ce qui est prometteur. Mais C.DOLTO se pose-t-elle les bonnes questions : qui donne à voir ? Que donne-t-on à voir ? Pour influencer qui ? Pour imposer quoi ? Comme elle est consciente du fait que ce qui est donné à voir est souvent très différent de la réalité, qu'apparemment elle n'est pas dupe des manipulateurs il est normal d'espérer qu'elle va sans doute dénoncer ces manipulateurs et leurs nuisances : imposture, mensonges, contre-vérités, distorsions des faits, rétention d'informations etc.. ..

Malheureusement, il ne suffit pas de dénoncer les effets. Il est urgent de s'intéresser aux causes. Elle ne rappelle pas l'incidence des conditions dans lesquelles les nourrissons puis les jeunes enfants font le parcours des premières années de vie. Ces années sont essentielles pour la future santé psychique et la construction du cerveau et il ne fait pas de doute que le parcours que nous leur faisons subir est inadapté à leur âge et à leurs besoins. Les bébés sont sevrés de force pour (ceux qui sont allaités au sein), réveillés de force (alors qu'avant six à sept ans un enfant ne devrait jamais être réveillé), confrontés à vingt à trente enfants du même âge, troublés dans leurs figures d'attachement, non secourus par des adultes gardiens (parents ou professionnels) aux prises à la maison et à l'établissement avec des situations trop difficilement gérables, fatigués à l'excès, baignant souvent dans des climats tendus, stessés répétitivement, etc...etc...

Malheureusement encore C. DOLTO ne semble pas du tout se rendre compte qu'elle obéit à des réflexes conditionnés en refusant instinctivement de s'en prendre à la nouvelle culture, à insister sur l'urgence qu'il y a à remettre en cause l'organisation sociale, les us et coutumes, l'évolution des mentalités. Elle va jusqu'à se renier elle-même, puisque, après avoir indiqué que la souffrance des enfants est majorée dans les familles mono et recomposées elle déclare que « ce n'est pas du modèle familial que naît la souffrance » ! elle enchaîne aussitôt en acceptant que les parents continuent à se séparer et donc les enfants à souffrir. Elle rejoint ainsi Madame BERTINOTTI ancienne ministre (de la famille !) qui avait vanté devant le Sénat le modernisme de la famille prouvé par le fait que un quart des enfants ne vivaient pas avec leurs deux parents (bizarre,bizarre d'ailleurs, puisque presque la moitié des couples se séparent, c'est donc presque un enfant sur deux qui perd un parent), que un cinquième de ces enfants vivait dans une famille monoparentale et un neuvième dans une famille recomposée . Ceci dit elle avait affirmé que la famille restait le lieux de la protection et de la sécurité ! Pas moins. Être orphelin ou à demi orphelin serait un gage de protection et de sécurité pour cette personne alors en charge des enfants ! Par ailleurs les enfants vivant dans les familles recomposées seraient nettement plus exposées à la maltraitance, et sans doute aussi, aux climats familiaux tendus et perturbés. Rien n'arrête ces manipulateurs...

Comme preuve de ce qu'elle avance : « ce n'est pas du modèle familial que naît la souffrance », C. DOLTO cite un seul historien présenté comme infaillible. Celui-ci semble cependant s'être borné à dire qu'il avait relevé sept formes différentes de familles sous d'autres cieux, ce qui ne réduit en rien la souffrance des enfants de France..

Elle affirme aussi que les enfants « qui ne souffrent pas du modèle familial » souffrent « de la manière dont est vécu et regardé le modèle familial par la société et aussi par les tensions, l'isolement et la solitude qu'il génère ». En fait elle accuse les adultes autres qu'auteurs ou victimes ou sympathisants d'une séparation de couple, moi par exemple, d'être les responsables de la souffrance plus importante de ces enfants !

Même en grande difficulté et tenue d'accepter les résultats de l'enquête UNICEF, elle reste ostensiblement dans le camp des manipulateurs.

Détourner l'attention des causes profondes pour inciter à traiter les symptômes est une technique très largement utilisée car le meilleur moyen pour maintenir les choses en l'état...

Le constat dressé par le rapport UNICEF devrait à l'évidence avoir un effet immédiat, celui de mobiliser toute la communauté sans aucune exception : gouvernement, administrations, parents, professionnels, chercheurs etc...

Que propose C. DOLTO ? De refuser les interdits ? de renverser les tabous ? de dénoncer les mensonges des manipulateurs qui ont créé leurs propres réalités ? Pour, enfin, faire les études qui s'imposent afin de connaître toutes les causes du désastre, causes qu'il s'agit ensuite d'éliminer sans faiblesse, quoi qu'il puisse en coûter à nos habitudes et à nos modes de vie ?

Eh bien non, pas du tout. C.DOLTO ne propose rien qui soit susceptible de sauver ces enfants et les enfants des générations suivantes.

Elle entérine d'abord la situation actuelle : « il n'y aura pas de retour en arrière, les couples vont continuer à se séparer et les familles à se recomposer, de nombreux enfants vont continuer à vivre seuls avec un parent. Le plus souvent une mère, en situation précaire. » Sur cette lancée on est tenté d'ajouter : « tant pis pour les enfants ».

Ensuite elle propose,

Elle termine sur un projet qui est de « proposer aux enfants le vivre ensemble , partager, échanger, se consoler les uns les autres ».

C'est opter pour la méthode Coué, c'est garder toutes les maltraitances, c'est reconnaître les effets sans rechercher les causes et s'y attaquer, c'est refuser même d'admettre l'existence de ces maltraitances multiples subies dès la naissance (la chambre séparée au retour de la maternité, les tensions des adultes, le sevrage forcé à la reprise du travail de la mère, le réveil forcé (un enfant ne devrait jamais être réveillé avant l'âge de six ou sept ans), l'impermanence et la multiplicité des figures d'attachement, et aussi des lieux, l'immersion contre nature dans la collectivité, le bruit, l'agitation, la sur-stimulation etc. toutes choses génératrices de stress).

Hélas, C. DOLTO se conforme à un modèle très répandu. Plus timidement et partiellement que par l'UNICEF, les dégâts sociaux ont déjà été dénoncés en d'autres lieux. Mais à chaque fois les réactions positives ont été phagocytées. Jamais une véritable action contre les maltraitances n'a pu se développer.

Le rapport UNICEF restera lettre morte si nous ne sommes pas conscients de ce danger, si nous refusons de voir au nom de quoi la défense des enfants est toujours repoussée.

Heureusement, une époque nouvelle naît envers et contre tout avec les progrès de la science et surtout des neuro-sciences. Il faut obtenir la diffusion de ces connaissances dans tout le corps social et d'abord au gouvernement jusqu'à ce que cette nouvelle donne, ce fond de connaissances indiscutable amène un changement des mentalités et provoque des modifications de l'organisation sociale.

Des enfants respectés dans leurs besoins seraient des enfants heureux. Et nous savons que les enfants heureux ne deviennent pas des parents maltraitants


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