Les nouveaux éleveurs

par amandine sueur
jeudi 13 avril 2006

À l’heure où éleveurs de volailles, de vaches ou de cochons sont dans des situations parfois délicates, d’autres se portent à merveille... Ce sont les éleveurs virtuels, dont le nombre ne cesse d’augmenter. Rapide tour d’horizon de ce phénomène mi-amusant, mi-inquiétant.

Tout a commencé avec le Japonais Bandaï, qui sort en 1997 son Tamagotchi, littéralement « œuf à aimer ». Les enfants s’arrachent ce pseudo porte-clé qui renferme un petit animal virtuel. Le but du jeu est simple : à l’aide des trois boutons, il faut nourrir, laver et soigner son « Tama » afin de le garder en vie. Sa fonction, selon ses créateurs : amuser les enfants, surtout ceux qui n’ont pas d’animaux domestiques, et qui se sentent seuls. Un œuf en plastique à la place d’un chien, voilà un compromis plus qu’intéressant pour les parents allergiques aux animaux, ou pour ceux qui laissent à cette petite bête virtuelle le soin d’occuper leurs bambins

Très vite, le phénomène s’amplifie, et la dépendance au Tamagotchi ne fait que croître, certains allant jusqu’à s’assurer les services d’un baby-sitter spécialisé dans les cas extrêmes où ils ne peuvent s’occuper de leur précieux ami.

La tamagotchimania, si elle est née il y a près de dix ans, n’est pas près de s’éteindre. En 2004, Bandaï en lance une nouvelle génération : disposant d’une connexion infrarouge, les Tama peuvent se rencontrer, former des couples et même donner naissance à des « Tamabébés ».

Ce bon filon, les créateurs de jeux vidéos l’ont bien senti, comme en témoigne le récent succès de Nintendogs, jeu où l’on élève des petits chiens qui répondent à la voix de leurs maîtres.

Et bien sûr, comme toujours, Internet n’est pas en reste. Les sites d’élevage virtuel se développent à qui mieux mieux. Il suffit de taper « élevage virtuel » dans son moteur de recherche pour s’apercevoir de l’ampleur de ce nouveau hobby. Ici une ferme complète, là un zoo, une porcherie, un club équestre, un élevage de dragons, de pingouins ou de licornes. Mais les animaux n’ont pas l’exclusivité, et vous pouvez aussi prendre soin d’un pirate, d’un nain de jardin, d’un bébé, d’un homme préhistorique ou d’un beauf. Tout cela est évidemment gratuit, mais s’il vous prend l’envie d’augmenter votre capital ou de passer plus rapidement au niveau supérieur, un SMS surtaxé ou un petit virement bancaire peuvent bien sûr vous y aider.

Ce qui n’est au départ qu’un passe-temps nécessitant cinq minutes quotidiennes se transforme vite, pour beaucoup d’accros de l’élevage, en un "job" très envahissant. Les non-initiés s’inquièteront peut-être de voir certains de leurs amis « obligés » d’annuler une sortie au ciné pour être les premiers à acheter ses graines ou ses ballots de foin, à une heure où le cours est le plus avantageux. Mais le métier d’éleveur n’est pas facile...

Certains témoignages sont édifiants : on entend parler d’un « véritable apprentissage de la vie, et même d’un métier », ou d’autres encore remercient ces sites de leur avoir permis de réaliser leur rêve, posséder un cheval par exemple ! Oui, mais à ceci près que tout reste quand même virtuel !

Les psychologues recommandent de ne pas s’affoler : si on le leur explique, les enfants sont tout à fait capables de faire la différence entre monde réel et monde virtuel. On ne nous dit pas ce qu’il en est des adultes...

Mais, à une époque où beaucoup s’inquiètent de l’instabilité et de la solitude, cette compagnie, même virtuelle, est peut-être salutaire. Et n’oublions pas non plus tous les aficionados sensés et plus détachés. Après tout, élever des pingouins, voilà une activité bien dépaysante et divertissante...


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