Les quotas à l’entrée des grandes écoles : une fausse solution pour un vrai problème de société
par Popov
mercredi 13 janvier 2010
J’ai lu récemment des articles sur le renouvellement des élites, l’ascenseur social en panne, le taux d’élèves ouvrier en grande écoles. C’est un des grands défis d’aujourd’hui mais si il y a un faux semblant de courage politique pour des quotas, c’est une fausse solution. Y a-t-il une volonté pour une vraie politique d’accès équitable à l’enseignement pour nos élèves ?
Le but de mon article est d’exposer la fausse solution des quotas.
Je préfère tout de suite dire que cet article est un article d’opinion vu l’agressivité de certains commentaires sur mon précédent article (d’opinion aussi). Pour que vous puissiez prendre du recul par rapport je vous donne mon parcours personnel de reproduction d’élite. Mes parents sont dans la branche para-médicale. J’ai fréquenté les classes préparatoires en province pour intégrer une grande école d’ingénieur dont je suis sorti en 2002. Après plusieurs expériences professionnelles j’ai changé de trajectoire fin 2006 (j’ai été licencié de « commun accord » gros problème de communication avec mon dernier directeur) et je me suis inscrit à la fac sur mes journées de recherche d’emploi dans un premier temps puis à plein temps et je suis depuis la rentrée 2007 dans l’éducation nationale en tant que professeur agrégé....bref je veux donc vous donner ma position sur les quotas qui n’est pas plus légitime que la votre mais peut être ai-je accès à plus d’information que vous. Mon article est donc plus orienté classe préparatoires scientifiques et école d’ingénieur.
Le problème d’égalité des chances se fait en amont du concours et des classe préparatoires.
Ce problème de sélection et d’ascenseur social se fait avec la carte scolaire.
Les élèves de qualités égales qui intègrent les bons établissements auront beaucoup plus de chances que les autres. On a construit des écoles (écoles primaires, collèges et lycées) de la république à plusieurs vitesses et cela continue. Je suis actuellement enseignant après avoir été dans le privé et je n’ai pas du tout envie d’aller travailler en ZEP (grand respect pour les professeurs de ZEP qui sont parfois les seuls repères et liens normaux pour certains jeunes de quartier). Je connais des jeunes enseignants motivés pour instruire en ZEP, combien en reviendront en pleine forme mentale et avec autant d’enthousiasme qu’au départ ? Les bons établissements sont dans les zones géographiques favorisées. Il serait même bon de comparer les cartes scolaires et les quartiers, je ne dispose pas de ces données. Il n’y a plus de mixité dans certains quartiers de nos villes. Une famille plus aisée et non catholique préférera même mettre son enfant dans un établissement privé censé dans l’imaginaire collectif offrir un meilleur encadrement plutôt qu’au collège du coin défavorisé.
Une première solution, mise en œuvre tout récemment cette rentrée 2009/2010 je crois ?, est l’assouplissement de la carte scolaire. La carte existe toujours mais les dérogations sont plus faciles à obtenir et les élèves peuvent alors choisir leur établissement. Dans certains cas avec le jeu des options, certains élèves arrivent à décrocher un établissement et leur motivation n’est pas de faire russe ou euro ou ? Mais d’intégrer un bon établissement. Le pire dans cette histoire est donc que les bons élèves des ZEP qui sont nécessaires pour motoriser et dynamiser une classe vers le haut vont fuir ces zones vers de meilleurs établissements et donc renforcer la disparité entre établissement ! l’assouplissement de la carte renforce et va renforcer en fait la panne d’ascenseur et de certains établissements.
A noter qu’à Paris, il n’y a pas de carte scolaire, il y a alors sélection par dossier et on fait des lycées d’élite... je ne le savais pas jusqu’à très récemment.
On ne peut pas régler ce problème de coups de baguette magique d’annonces médiatiques de quota ! Égalité républicaine au concours oui mais l’égalité n’est déjà plus la depuis la 6ème ? Le CP ? La solution pour répondre à ce système en panne est une politique d’aménagement de la ville et des territoires digne de ce nom. Ce n’est pas un assouplissement ou des quotas qu’il faut mais une redistribution et refonte des cartes (scolaires et de la ville), des élèves et des professeurs, une politique, une vraie politique. Les solutions sont donc un redécoupage des cartes scolaires et un ré aménagement des villes.
Le système pour les professeurs se fait avec un système de points, en gros plus on a d’ancienneté plus on engrange de point et on peut alors changer d’établissement. Le compteur étant remis à zéro à chaque changement effectif d’établissement. Pour un nouveau professeur dans le métier, il a un nombre minimal de point et ne peut alors avoir aucun établissement ; Il est alors professeur remplaçant et remplace au pied levé (48h de délai) des professeurs. Il peut remplacer des professeurs dans trois établissements à la fois en même temps ! (je ne m’étend pas sur les problèmes que cela engendre) Des postes sont supprimés et donc cela retarde l’accès à un poste pour les arrivants qui restent en moyenne remplaçants 5 ans (cela dépend des matières mais cela va se dégrader avec le remplacement d’heures postes en heures supplémentaires) ? Quand on manque de professeurs (forte diminution des recrutements en ce moment), on fait appel à des bac plus 4 ? 5 pour combler les manques, ce sont les « vacataires », mal considéré et sans formation pédagogique : ils peuvent prendre au pied levé une classe du jour au lendemain. Donc les professeurs les plus inexpérimentés vont avoir les postes dont personne ne veut. En gros dans une ZEP ; il va y avoir un taux de renouvellement très important de professeurs entre vacataires, remplaçants et professeurs jeunes qui attendent des points pour muter... bref les conditions ne sont pas réunies pour une persistance des professeurs et une bonne politique d’établissement à long terme. Mais peut on blâmer les professeurs qui veulent des élèves « normaux » ? on peut critiquer mais ce qu’il faut c’est changer globalement le système et la géographie des villes. Je pense qu’un jeune professeur va être dégouté du métier en peu de temps même sil il est profondément motivé pour enseigner. La société ne véhicule plus la valeur effort mais au contraire la valeur immédiate et cela devient très délicat pour enseigner même dans les établissements normaux alors dans les autres établissements j’imagine que c’est encore plus difficile.
Alors quel courage politique ? Je revois d’ici les mairies qui préfèrent payer des amendes pour non construction de logements sociaux plutôt que de faire des programmes de construction. Les fossés se creusent et aujourd’hui la violence augmente. Pourquoi cette violence ? Et bien déjà je pense que ce problème d’égalité des chances est une cause. Quel avenir pour un jeune lambda d’un quartier sensible ? L’ascenseur est en panne, il faut pourtant de l’oxygène supplémentaire dans les élites pour faire avancer notre société et cette oxygène vient « d’en bas » mais les quotas sont une fausse solution, il faut faire une politique de fond d’aménagement. Après peut on mettre un pansement sur une hémorragie, on peut toujours mais il va falloir faire autre chose en parallèle.
Je viens d’entendre qu’il faut diversifier les recrutements en école et la je me dis les médias sont mal informés, les recrutement diversifiés existent depuis au moins 10 ans vu qu’il existaient à mon époque.
Accès aux Grandes Écoles en premières années après le bac dans certaines écoles en 5 ans sur dossier.
Pour la formation ingénieur de trois ans, bac+3 à bac +5
Accès aux Grandes Écoles en première par concours par différentes filières de formations de classes préparatoires (3 filières différents )
Accès aux Grandes Écoles en deuxième année avec un bac +4 (ex master actuel master 1) sur dossier.
Accès aux Grandes écoles après un IUT/DUT sur dossier.
Accès à des modules de troisième année de grandes écoles d’ingénieurs en partenariat avec des ex DEA /DESS de la fac actuel master 2
Accès payant (l’année est la payée par les étudiants) à des modules de troisièmes années, ex-mastères dans les grandes écoles, je ne connais pas l’actuel diplôme.
Donc on pouvait déjà trouver 6 accès différents. Pour l’exemple je prends l’école que j’ai fait qui fait partie du TOP 10 des écoles. A l’époque :
Première année : promo de environ 100 élèves issus de concours
Deuxième année : promo de environ 200 élèves, donc 100 issus de master et d’écoles étrangères. A noter que quand on passe le concours, on a l’impression que l’on va recevoir de toute façon le diplôme et que le niveau tombe un peu, certains visent le 10/20. Le doublement de la promotion génère de l’oxygène dans le système ou les élèves issus de classes préparatoires ont l’esprit formaté « concours ». En plus d’une petite compétition qui s’instaure et donc fait monter le niveau, les élèves de la fac ont plus de connaissances générales à apporter que les élèves de prépas (même si ils peuvent être moins bons en calculs) car ils ont fait finalement un an d’étude de plus et un mémoire/expérience de fin de master 1. Ils sont plus « matures » car ils ont un voire deux ans de plus, cela apporte donc des chose à la promo.
Troisième année : même promo mais des élèves de la fac viennent pour des cours (partenariat) et des élèves « en mastère » viennent pour certains modules entre autre aussi pour mettre un nom de grande école sur leur CV.
Je peux citer deux exemples intéressants de parcours.
Un ami qui n’a pas pu suivre le rythme de prépa et qui à fait un IUT, une école d’ingénieur par dossier puis un master dans une autre école. Il est aujourd’hui acheteur et très bien payé.
Un collègue de promo de l’école, qui n’a pas pu suivre le rythme de prépa, a fait la fac et un accès par dossier et est finalement dans la même année que ceux qui ont redoublé leur deuxième année de classe préparatoire en ayant passé le bac ensemble.
Le problème ne vient donc pas non plus de la diversité des accès mais bien du processus dans l’enseignement en amont dans le secondaire, le collège et le primaire.
Si l’on instaure des quotas cela générera des nouveaux problèmes qui je pense vont nuire dans l’ensemble aux élèves issus de quotas un peu de la même manière qu’un employé arrive par piston à son job. Les relations avec ses collègues démarrent sur de mauvaises bases. Je pense que les étudiants peuvent malheureusement agir de même. J’imagine que si l’on instaure des quotas, les employeurs vont demander d’où vient l’accès au diplôme et on va recréer de la frustration en aval pour les élèves issus des quotas. je ne développe pas plus ce paragraphe mais j’espère que vos commentaires le complétera.
Les baguettes magiques quotas et assouplissement de carte scolaire ne sont qu’un masque de solution. La solution pour répondre à ce système en panne est une politique d’aménagement de la ville, des territoires et des territoires « scolaires » dignes de ce nom et bien sur des professeurs motivés au bon endroit et mieux payés pour ne pas que ce soit un sacrifice républicain que d’aller en ZEP...