Les trottoirs de Montreuil sont durs aux miséreux

par Lilian Elbé
mardi 11 mai 2010

Trop de nuisibles, trop de rebuts envahissent les rues de Montreuil. Depuis quelques mois déjà les riverains ne supportent plus les chiffonniers. Il faut dire que ces derniers n’y mettent pas du leur, avec leur manie d’exhiber leur détresse et leur crasse. Sur le modèle des puces de Saint Ouen, ces pauvres s’alignent derrière le périph’, posent une bâche ou une toile, et vendent à même le sol le fruit de leurs pêche miraculeuse, issu ... des poubelles.

Un commerce pas si insalubre

Certains défavorisés, comme on dit dans les milieux favorisés, ont la sale habitude d’inspecter la nuit les détritus des riches parisiens. Dans le quartier prisé du 16ème, certains trouvent des DVD presque neufs, des appareils électroniques has-been, quelques vieux bouquins, tous négligemment abandonnés par le rupin, au mépris des grognements des concierges. Mais à quoi diable cela leur sert-il, me direz-vous ? S’ils sont pauvres, c’est qu’ils sont sûrement analphabètes, et ils ne doivent pas avoir l’électricité dans leur taudis en carton/chiffon ! Seulement, dans ce qu’il leur reste de dignité humaine, ces gens préfèrent s’en sortir par eux-mêmes. A défaut de mendier crassement au coin d’une bouche de métro, ils récupèrent de l’argent en échange d’un objet acheté. Certains chanceux passent quelquefois d’agréables semaines suite à la revente d’un iPod ou d’une Xbox 1ère génération jugés trop désuets par leur propriétaire initial.

Ce système de survie urbaine existe sûrement depuis la naissance des cités. La compagnie Emmaüs l’exploite d’ailleurs depuis un demi-siècle, au grand bonheur des chineurs. Mais – allez savoir pourquoi – le phénomène initialement cantonné Porte de Clignancourt s’est répandu jusqu’à l’Est de Paris, à Montreuil. Chaque fin de semaine, les chiffonniers de Paris, pour la plupart d’ « origine exotique » (dixit encore le favorisé bien pensant), surtout arabes et rom’s, se regroupent par milliers et exposent leurs objets de seconde main, avec en prime quelques produits pour le corps trouvés on ne sait où, comme de la mousse à raser ou du shampooing. Ainsi les clients des puces de Saint Ouen jettent un œil aux étalages sur leur chemin. Étonnamment, il y a même une forte affluence.

 

Une combine nauséabonde pour les habitants de Montreuil
 
Depuis plusieurs jours, les riverains (les vrais, ceux qui ont un toit) ont décidé de s’organiser, trop exaspérés par les nuisances dues à tout ce déballage. Ne supportant plus les déchets invendus jetés en fin de journée, ils jugent la pratique trop dégradante pour l’image de la ville. Il y a tant de monde qu’ils affirment devoir enjamber les stands pour sortir de leur immeuble. Résultat, en signe de protestation, ils posent des banderoles sur leur balcon, réclamant la dératisation pure et simple. Car la police, impuissante, tolère ce marché à la sauvette, qui déplait encore plus aux commerçants, jaloux de payer des taxes et accusant les chiffonniers de leur faire du tort. C’est sûr, c’est déloyal ! Ils n’ont qu’à échanger leur place !
 
Les habitants de ce quartier, pourtant pauvre et peu onéreux, sont même prêts à la guerre de la rue. Ils affirment qu’ils finiront par « se faire justice eux-mêmes », que « ça va se terminer à coups de batte »*... La France d’en bas finirait donc par s’entre-tuer, oubliant toute notion de solidarité ? Et la mairie qui ne fait rien... Alors quoi ? On va repousser le problème plus loin en leur tapant dessus ? C’est vrai que c’est difficilement vivable pour les habitants... Allez quoi, Monsieur le maire, prêter un terrain de foot chaque week-end, c’est si dur que ça ?

*reportage 20minutes. Crédit photo également.


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