Les vieux

par moderatus
jeudi 20 octobre 2016

Nos vieux

Vous le verrez peut-être, vous la verrez parfois en pluie et en chagrin
Traverser le présent en s'excusant déjà de n'être pas plus loin

BREL

j'ai eu beaucoup de mal à me décider à écrire cet article. Peur du mal que j'allais me faire en l'écrivant, de la douleur que j'allais causer aux enfants qui mettent leurs parents en maison de retraite par obligation, du chagrin à ceux qui y sont et qui taisent leur douleur. Ce qui m'a décidé, la beauté d'un poème qu'un ami m'a envoyé, je ne savais pas qui l'avait écrit, je ne savais pas quand, mais quand je l'ai lu, l'émotion m'a saisie, j'ai pris un direct au cœur, puis je me suis dit, allez sois fort et généreux partage ton émotion. Parle des vieux, de nous tous, puisque c'est notre devenir à tous.

Prenez le temps de lire ce poème. Il vous touchera sûrement comme il m'a touché.

Le Papé 

Il se tenait assis tout au bout de la table

Et nous impatientait souvent par sa lenteur.

On le voyait si vieux, si courbé, pitoyable,

Que l’amour peu à peu cédait à la rancœur.

Je le suivais partout ! c’était là, dans ma tête !

Il me suivait des yeux lorsque je travaillais,

Proposait de m’aider, maladroit, l’air tout bête !

Il gênait nos projets, notre vie, le papé !

 

Au bout de quelques temps, prétextant les vacances,

Je le menais plus haut, au flanc du Lubéron

« Tu seras bien là-bas. Tu verras la Durance

Du haut de la terrasse de la grande maison.

Ces maisons-là, papé, sont faites pour les vieux.

Regarde comme ils semblent bien, ils ont l’air très heureux ! »

« Comme tu veux, petite, si c’est pour ton bien-être.

Monte de temps en temps, le dimanche peut être ? »

 

Je l’ai laissé tout seul, vivement, pas très fière.

L’air était encore chaud, pourtant je frissonnais,

Et le chant des oiseaux voletant sur le lierre

Me disait doucement : « Qu’as-tu fait du papé ? »

Les jours se succédaient, je cherchais la quiétude

Le travail me prenait, j’essayais d’oublier,

De noyer mes regrets au fil des habitudes,

Les souvenirs d’antan rappelaient le papé.

Même dans le mistral qui rasait la garrigue

Pour venir s’écraser au butoir de la digue

J’entendais cette voix qui ne cessait jamais

De dire à mon oreille : « qu’as-tu fait du papé ? »

Chaque brin de lavande, de thym, de romarin,

Me reprochait sans fin l’absence de l’aïeul.

Le murmure des sources dans le petit matin

Chantait sur mon cœur lourd des cantiques de deuil.

Le remord lentement s’installait dans ma vie.

Je revenais m’asseoir où il s’était assis,

Sur le banc de vieux bois, près du puits, sous le chêne,

Et je laissais errer mes pensées sur la plaine.

 

Alors, je l’ai revu, avant, lorsqu’il marchait

Jusqu‘au seuil de l’école, pour venir me chercher.

Je sautais dans ses bras, je l’embrassais, tout doux,

Et nichais tendrement ma tête sur son cou.

Il me portait un peu, puis, ma main dans sa main,

Il ajustait son pas pour bien suivre le mien.

Il m’expliquait les bois, les cabris, les moutons,

Les abeilles dorées et les beaux papillons.

Il cueillait aux buissons des réserves de mûres

Et m’offrait les plus grosses comme un présent de choix.

Il riait bruyamment en voyant ma figure

Barbouillée des reliefs de ce festin de roi.

Le soir près de mon lit, il venait me bercer

De chansons provençales, d’histoires de bergers.

Je m’endormais heureuse de sa chaude présence,

Pleine de rêverie, d’amour, de confiance.

 

Au long des souvenirs, mon cœur plein de pitié

A trouvé le repos. J’ai repris le sentier

Pour revenir tout droit à la grande maison.

Retrouver le papé, lui demander pardon.

J’ai pris tout simplement sa main, sans rien lui dire.

Une larme brillait au milieu du sourire.

Et c’est moi, cette fois, tout au long du chemin

Qui ajustais mon pas, pour bien suivre le sien.

 

Un papé c’est précieux, c’est tant de souvenirs !

Si vous en avez un, jusqu’au bout de vos jours,

Gardez-le près de vous. Quand il devra mourir,

Vous fermerez ses yeux dans un geste d’amour.

Aujourd’hui, par hasard, si le chant des cigales

Me pose la question tant de fois redoutée,

Je peux, le cœur tranquille, en digne Provençale

Répondre fièrement : « il est là, le papé »

Auteur : Yolande VERCASSON

 

J'ai recherché qui l'a écrit, j'ai trouvé c'est Yolande Vercasson on a écrit sur elle et son poème.

Au départ elle a écrit pour s’apaiser.
C’était une nécessité.

Aujourd’hui elle exprime aussi bien le malaise de la société que les beautés de la Provence qu’elle aime tant.

Je vous laisse apprécier « Le Papé », témoignage douloureux sur le sort des anciens aujourd’hui.

Un axe de réflexion majeur pour les infirmiers, les médecins, les assistantes sociales, les dirigeants de maison de retraite, les centres de gérontologie

Mais un axe de réflexion surtout pour les enfants d’aujourd’hui trop souvent entraînes ou perdus dans un monde de profitabilité et d’égoïsme.

Et c'est le drame de notre société où les anciens sont remises au grenier de la désespérance. Loin de moi l'idée de culpabiliser les enfants, ils n'y peuvent rien, la vie est trop difficile, comme on dit, perdus dans un monde de profitabilité et d’égoïsmes.

Autrefois, mais dès que vous prononcez ce mot, on vous traite de réactionnaire, mais tant pis, autrefois, on naissait à la maison, on était malade à la maison, et on mourrait à la maison, dans sa famille. Puis après les enfants et les petits enfants venaient régulièrement se recueillir sur la tombe du papé ou de la mamé.

Mais c'était autrefois, quand les paysans laissaient leur terre à leurs enfants, et que la retraite n'existait pas, alors le papé avait sa place en bout de table, il présidait la repas familial. Autrefois aussi quand l'artisan, le commerçant laissait son entreprise à son fils, et vivait sa fin de vie, entouré de ses enfants et petits enfants.

Autrefois aussi, quand la plupart des femmes ne travaillaient pas à l'extérieur restaient à la maison pour s'occuper des enfants qui grandissaient avec un papé qui leur racontait son autrefois à lui, lui qui connaissait tant de choses sur la vie, amusantes ou tristes.

Mais les temps ont radicalement changé, deux salaires sont indispensables, cette sacrée société de consommation nous crée tant de désirs qui deviennent des besoins, on doit changer plusieurs fois de boulot, d'employeur, de domicile, de département, des fois on change aussi de compagnon ou de compagne, le lien familial est plus distendu, moins prégnant, on ne peut plus assumer une telle charge.

Alors au fil des années, de plus en pus nombreux, les vieux s'en sont allés dans les maisons de retraite finir leur vie, seuls, effrayés, transis de solitude, sans avenir bien sûr, et sans présent surtout.

Je ne veux pas vous donner de chiffres, mais nombreux sont ceux qui ont sombré dans la dépression ou la démence sénile.

C'est cruel, mais pas de regrets ni de remords, on ne peut ni ne doit revenir en arrière, mais améliorer ce qui est. C'est sur au fil des années des améliorations ont été apporté pour rendre vivable cette coupure affective.

Les anciens restent de plus en plus longtemps chez eux, des aides ménagères, des repas préparés livrés à domicile, des systèmes d’alerte en cas de problème de santé.

Puis quand leur santé ne leur permet plus de vivre seuls, alors ils partent en maison de retraite. Au fil des années ils ont intégré le fait que c'était inéluctable, ils s'en font une raison. Les maisons de retraite sont de mieux en mieux aménagées, certaines acceptent que les résidents amènent leur mobilier, le personnel est de plus en plus formé et à l'écoute.

Mais si les enfants n'ont plus la possibilité de les garder chez eux, ils ont un moyen efficace d'embellir un peu leur fin de vie, ne pas les abandonner, aller les voir avec leurs enfants.

Pour ces vieux ces enfants qui sont de leur sang, de leur chair représentent une part d'immortalité. Une partie d'eux même vivra dans leur descendance, ils en sont persuadés.

Allez avec ses enfants voir votre papé ou votre mamé, prenez les un dimanche de temps en temps chez vous si c'est possible, c'est pour eux un cadeau magnifique. Pour vous une action gratifiante, pour vos enfants une richesse et une leçon de vie indispensable.

Mais aussi on peut, on doit évoquer avec émotion le temps d'avant, celui que nous conte Yolande VERCASSON.


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