« Libanisation de la France » : ce qu’il faut vraiment voir derrière cette expression

par Guy Trolliet
mercredi 5 mai 2021

Au-delà de la communautarisation à laquelle fait référence habituellement l'expression, j'apporte, dans cette contribution, un éclairage plus profond qui permet de voir l'implosion du Liban comme une répétition générale de ce qui pourrait se passer, à terme, en France.

« Libanisation de la France » : ce qu’il faut vraiment voir derrière cette expression

Ladite expression est fréquemment utilisée aujourd’hui pour évoquer la communautarisation de notre pays. Pour avoir bien connu le Liban, certes je ne la réfuterai pas mais je dirai qu’elle occulte un aspect plus profond, dont la connaissance pourrait alerter plus gravement les esprits, qui somnolent encore, sur le danger qui nous guette. Je veux parler là du processus qui a conduit, au fil des ans, à l’éclatement du Liban, jadis paradis, et que je vois se déployer inexorablement en France aussi.

Voici le processus tel que je l’identifie en 12 phases.

1) L’introduction d’un corps étranger dans le pays

Au Liban, majoritairement chrétien à son indépendance en 1943, ce fut les réfugiés Palestiniens, majoritairement musulmans, en deux vagues importantes : la première en 1948 à la création de l’état d’Israël[1], la deuxième en 1967 suite à la guerre des Six jours. Beaucoup furent par la suite naturalisés, ce qui fera pencher la balance démographique en faveur de la frange musulmane du pays.

En France, ce fut la communauté immigrée musulmane, avec la politique du regroupement familial initiée dans les années 1970, renforcée par les flux migratoires (légaux ou pas) ces dernières années, venant pour beaucoup de pays musulmans.

2) La ghettoïsation du corps étranger

Au Liban, les Palestiniens furent concentrés dans des camps de réfugiés, essentiellement autour de la capitale et des grandes villes.

En France, l’essentiel de la population dont il s’agit ainsi que sa descendance se retrouvent majoritairement dans les banlieues ou quartiers dits sensibles.

3) Revendications et troubles provoqués par certaines composantes du corps étranger

Au Liban, les combattants palestiniens ont commencé à circuler hors des camps avec leurs armes, prétextant devoir être en capacité de se défendre en cas d’attaque israélienne. Ils ont même dressé des barrages de contrôle, procédant à des enlèvements arbitraires.

En France, les violences et émeutes péri-urbaines sont aujourd’hui fréquentes à certains endroits, souvent gratuites, parfois déclenchées par des évènements prétexte. On commence même à parler de guérilla.

4) Accrochages avec les forces de l’ordre

L’État libanais a tenu ferme, dans un premier temps. Des accrochages entre des factions palestiniennes et les forces de sécurité intérieures ont commencé dès la fin des années 1960, remplacées par la suite par l’armée dont l’aviation même a bombardé en 1973 les camps autour de la capitale.

En France, les « accrochages » relèvent plutôt d’un sens unique à ce jour, la police subissant des attaques au mortier d’artifice et au cocktail Molotov, sans oublier d’autres corps comme les pompiers bien entendu.

5) Victimisation du corps étranger

C’est au motif que les Palestiniens étaient déjà victimes de la Grande catastrophe que les pays arabes, notamment, ont fait pression sur l’État libanais afin qu’il cesse les violences contre eux.

Est-il nécessaire de développer le parallèle avec la France ? Il suffit, à titre d’exemple, de citer, parmi les plus récents propos, ceux de Najat Vallaud-Belkacem qui estime que la notion de laïcité n'est « convoquée régulièrement que pour exclure une religion, et en l'occurrence, l'islam »[2]. La liste est longue dans ce sens.

6) Indignation et parti pris dans l’opinion publique

Au Liban, les divisions au sein de la population ont même touché le camp chrétien, sans parler de la rue arabe.

S’agissant de la France, notre laïcité est critiquée, même par les États-Unis, sans compter les partis pris internes qui s’offusquent de toute atteinte à l’immigration, par exemple.

7) Mouvements de sympathie et de défense du corps étranger

L’indignation se traduit concrètement par, entre autres, des manifestations, qui pour les Palestiniens au Liban, qui contre l’islamophobie en France.

8) Culpabilisation/dénigrement du pays d’accueil

La stratégie de victimisation entraine la culpabilisation du pays hôte. Le Liban, et sa composante chrétienne, taxée de pro-israélienne, n’ont pas échappé à ce pointage du doigt, alors qu’en France, indigénistes et décolonialistes, entre autres, sont ardemment à l’œuvre.

9) Recul puis disparition de l’autorité publique face au corps étranger

Devant cette culpabilisation, l’État devient laxiste. Au Liban, les FSI et l’armée ont quitté les zones de contact.

En France, nous avons depuis longtemps nos « territoires perdus de la République » et la police ne fait que subir.

10) Édification du corps étranger en force armée défiant l’autorité publique

Au Liban, les Palestiniens armés ont de nouveau débordé des camps en toute impunité.

Pour la France, j’ai déjà évoqué les attaques contre la police, où l’on voit des armes de poing surgir de temps en temps, des quartiers entiers étant sous la coupe de caïds qui vivent de trafics juteux, où la porosité est grande avec le financement du terrorisme jihadiste.

11) Velléité « séparatiste » de certaines composantes

Au Liban, on a prêté aux Palestiniens l’intention d’étendre leur hégémonie sur le pays pour en faire une base d’attaque contre Israël, voire une terre de substitution à la Palestine.

En France, nous parlons aujourd’hui d’une « loi sur le séparatisme » !

12) Cristallisation des tensions entre gauche palestino-progressiste et droite conservatrice

C’est ainsi que furent qualifiées les forces en guerre par la suite au Liban.

En France, on oppose l’islamo-gauchisme à la droite nationale ou identitaire.

Au Liban, les militaires avaient fait bloc contre les Palestiniens avant de se retirer dans leurs casernes et de se déchirer.

En France, les militaires signataires de la lettre ouverte publiée en avril par https://www.place-armes.fr/événements font face à des sanctions réclamées par leur Ministre. Si les suites de cette affaire s'amplifient, l'armée, dernier rempart de stabilité, risque d'être ébranlée, ce qui serait dangereux.

Au Liban, le dimanche 13 avril 1975, la mèche allumée atteint le baril de poudre et fait voler en éclats le vivre-ensemble.

J’espère qu’en France nous arrêterons ce processus avant que le contexte ne soit suffisamment mûr pour qu’un incident, savamment orchestré et exploité par des agitateurs chevronnés, n’ouvre la porte, un jour, à un enchainement d’évènements graves. M’objecterait-on que la France n’est pas le Liban que je répondrais « Voulez-vous prendre le risque ? ». Plus on laissera la situation pourrir, plus lourd sera le prix à payer pour l’assainir.

« On entend le bruit du mur quand il s’écroule mais pas le bruit du lierre qui l’envahissait »

 

[1] Cet évènement est qualifié de « Grande catastrophe » en arabe.

[2] France Inter, 20 avril 2021.


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