Liberté ou l’extermination oubliée des Roms

par Babar
mercredi 24 février 2010

Liberté, nouveau film de Tony Gatlif (qui est également compositeur ici), nous rappelle que pendant la guerre les Roms ont été massivement exterminés. Cette Shoah les Tsiganes l’appellent Samudaripen. Sur les deux millions qui vivaient en Europe à cette époque, entre 250 000 et 500 000 ont disparu dans une quarantaine de camps de concentration. Dont certains en France. Une histoire oubliée.

Voici le synopsis de Liberté tel qu’il figure sur le site du Centre d’études Tsiganes  :
 
Théodore, vétérinaire et maire d’un village situé en zone occupée pendant la seconde guerre mondiale, a recueilli P’tit Claude, neuf ans, dont les parents ont disparu depuis le début de la guerre. Mademoiselle Lundi, l’institutrice fait la connaissance des Tsiganes qui se sont installés à quelques pas de là. Ils sont venus pour faire les vendanges dans le pays. Humaniste et républicaine convaincue, elle s’arrange, avec l’aide de Théodore, pour que les enfants Tsiganes soient scolarisés.

De son côté, P’tit Claude se prend d’amitié pour Taloche, grand gamin bohémien de trente ans qui se promène partout avec son violon sur l’épaule. Mais les contrôles d’identité imposés par le régime de Vichy se multiplient et les Tsiganes, peuple nomade, n’ont plus le droit de circuler librement : Théodore cède alors un de ses terrains aux bohémiens, désormais sédentarisés.
 
Tandis que les enfants Tsiganes suivent les cours de Mademoiselle Lundi, P’tit Claude est de plus en plus fasciné par le mode de vie des Bohémiens - un univers de liberté où les enfants sont rois. Mais la joie et l’insouciance sont de courte durée : la pression de la police de Vichy et de la Gestapo s’intensifie et le danger menace à chaque instant. Comme ils l’ont toujours fait depuis des siècles, les Tsiganes devront reprendre la route

Ce projet, Tony Gatlif, réalisateur notamment de Latcho Drom, Gadjo Dilo, Swing ou Exils le porte depuis longtemps. L’histoire de la persécution des Roms pendant la guerre « a été volontairement ignorée, confie-t-il à 20minutes. Elle ne se trouve dans aucun livre scolaire... ». Et le cinéaste d’ajouter « Je l’ai fait pour raconter ce qui a été oublié ».

Pour le centre d’études tsiganes, «  soixante-dix années après les faits, on prend la mesure par l’ouverture des archives de la Seconde Guerre mondiale de l’étendue des persécutions raciales qui ont eu cours dans cette époque. Alors que les derniers témoins vont se taire à jamais, il est urgent de mobiliser toutes les énergies pour mettre à jour les faits avec la plus grande précision, en montrer les mécanismes, et conduire dans le respect des victimes la restauration d’une mémoire bafouée.

L’internement familial massif des "Nomades" en France pendant la Seconde Guerre mondiale a été provoqué par la conjonction de deux types de politiques, la radicalisation du Régime des Nomades français et l’application de la Zigeuner-Politik (le régime racial) allemande.
 
En France, la règlementation des "Nomades" (terme administratif qui servait à qualifier les familles tsiganes françaises), initiée par la loi de 1912, s’était intensifiée et personnalisée par une multitude de pièces spécifiques, dont le carnet anthropométrique emblématique. Des familles françaises depuis toujours faisaient l’objet d’une surveillance et d’un enregistrement quotidien.

Les pouvoirs de l’administration préfectorale ont été renforcés dans l’entre-deux-guerres (à la suite de la loi du 3 août 1926, décret du 5 novembre 1926). À partir du décret-loi du 6 avril 1940, cette politique d’exclusion fut radicalisée par les ordres d’assignation à résidence imposés aux familles enregistrées dans le Régime des "Nomades. »

Mais revenons au film. « Je voulais un acteur qui ait une gueule et une voix qui ressemble à un Français de l’époque. Marc Lavoine a les deux », explique Tony Gatlif au Parisien pour qui Liberté est un oeuvre énergique, puissante et bouleversante.
 
« C’est en tombant sur l’histoire de l’une de ces victimes, un certain Taloche, incarné par James Thiérrée, petit-fils de Charlie Chaplin, que Gatlif s’est décidé à tourner le film qu’il avait toujours rêvé de faire’, précise le Parisien.

Ouest France rappelle que ce personnage de Taloche est directement inspiré d’un nomade bien réel qui figure dans le livre d’un historien local, Jacques Sigot, sur le camp de concentration de Tsiganes de Montreuil-Bellay, dans le Maine-et-Loire.

Il n’existe pas de film et très peu de livres sur les Tsiganes, rappelle Médiapart qui cite le nom hélas oublié de Matéo Maximoff ou encore celui d’Henriette Asséo. Il n’existe rien sur leur déportation, « hormis quelques chapitres dans des ouvrages consacrés à l’histoire de ce peuple nomade. » Le réalisateur a donc fait appel à des historiens, des spécialistes de l’histoire Tsigane.

En France, souligne le centre d’études Tsiganes, de nombreuses familles tsiganes (quelque six mille hommes, femmes, vieillards, enfants) furent internées dans des camps gérés par l’administration française. Cela s’est passé entre 1940 et 1946. Nos livres d’histoire sont silencieux.
 
Chassés, privés de liberté, maltraités, gardés sous la responsabilité et le contrôle des autorités françaises, ces enfants, ces femmes, ces hommes, attendent aujourd’hui encore, la reconnaissance de l’Histoire et de la France, leur Histoire, leur France. Simplement parce qu’ils sont, Tsiganes, Voyageurs ou dits " nomades ", Bohémiens… ce droit de mémoire leur a été dénié.

Le film de Tony Gatlif s’inscrit dans un projet* dont le réalisateur est le parrain : Une mémoire française. Les Tsiganes pendant la Seconde Guerre mondiale, 1939-1946. L’événement programmé cette année « témoigne, explique le centre, de cette histoire oubliée, de cette histoire qui nous appartient à tous, pour que la mémoire ne s’échappe pas et que l’histoire ne se répète pas.

*Projet est parrainé par le cinéaste Tony Gatlif. Il est encadré par un comité scientifique composé d’historiens : Henriette Asséo, Emmanuel Filhol, Marie Christine Hubert, Alain Reyniers, Jacques Sigot Il est porté par un comité d’organisation composé des associations suivantes : ANGVC (Association Nationale des Gens du Voyage Catholiques) / ASNIT (Association Sociale Nationale Internationale Tzigane) /FNASAT-Gens du voyage (Fédération Nationale des Associations Solidaires d’Action avec les Tsiganes et les Gens du voyage) / LDH (Ligue des Droits de l’Homme) / MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples) / Romani Art / UFAT (Union Française des Associations Tsiganes)

Liberté. Comédie dramatique française de Tony Gatlif, avec Marc Lavoine, Marie-Josée Croze, James Thiérrée, Rufus, Carlo Brandt... Durée : 1h 51




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