Loi de surveillance : quand Valls fait du Bush

par Laurent Herblay
mardi 21 avril 2015

Le projet de loi de surveillance présenté par Manuel Valls à l’Assemblée Nationale, en procédure accélérée, semble bien s’apparenter à une version, certes plus limitée, du Patriot Act. Ainsi, il est donc particulièrement regrettable de ne pas permettre un vrai débat démocratique sur un tel sujet.

Un pas vers Big Brother ?
 
Bien sûr, comme le notent les critiques de ce projet, le gouvernement ne va pas aussi loin que Georges Bush après les attentats du 11 septembre. Malgré tout, il est difficile de ne pas de ne pas voir la similitude entre ce projet et le Patriot Act étasunien. Voici un projet qui passe sous le coup de l’émotion provoquée par les attentats du début d’année, par une procédure accélérée qui limite (mais pas autant qu’aux Etats-Unis), le débat public et parlementaire, et qui vise à augmenter les moyens des services de renseignement pour lutter contre le terrorisme. Et comme Georges Bush avant lui, Manuel Valls essaie de disqualifier toute contestation en parlant de « fantasmes et de faux procès  ».
 
Les critiques du projet de loi pointent de nombreux problèmes, outre la précipitation avec laquelle il avance. Amnesty International retient « les finalités de la loi non définies et excessivement larges (…) la légalisation de techniques intrusives disproportionnées (interception de données de communications non ciblées, surveillance algorithmique) ; l’absence de contrôle judiciaire suffisant (le gouvernement ayant rejeté l’avis conforme de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignemen ». On ne peut pas dire que le soutien que l’UMP lui apporte puisse rassurer tant l’ancienne majorité débanche son cerveau et semble seulement ne pas vouloir paraître moins dur que l’actuelle.
 
Ce débat que l’on oublie
 
Pourtant, avec les progrès techniques, et les précédents étasuniens, voici un sujet qui devrait justifier un débat en profondeur, comme le souligne la CNIL. En outre, il s’agit d’un sujet finalement très technique, comme le souligne le décryptage en profondeur proposé par Médiapart, qui rapporte l’inquiétude de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui « s’alarme d’une surveillance de masse  ». Et même sans être sensible à la contradiction qu’il pourrait y avoir avec le droit international, et notamment le droit européen, il faut souligner que la relative neutralité du Monde laisse pointer que la critique du projet n’est pas sans mériter d’attention, malgré ses porte-voix.
 
La grande complexité technique des mesures, rapportée par Médiapart, plaide pour prendre son temps afin de débattre sereinement de la question et prendre la mesure des projets envisagés, d’autant plus qu’il existe déjà d’autres projets de loi très récents qui ont déjà étendu les capacités de surveillance dans le passé, suite aux affaires Merah et Nemmouche. Il est tout de même totalement effarant de voir un projet aussi complexe expédié en quelques semaines quand le gouvernement a consacré près d’un an à la loi Taubira sur le mariage pour tous, projet certes très sensible, mais moins compliqué techniquement. Difficile de ne pas y voir une forme de superficialité politicienne dans ces choix.
 

Bien sûr, devant l’émotion générée devant le caractère liberticide du projet, François Hollande a indiqué qu’il saisirait lui même le Conseil Constitutionnel pour éviter tout dérapage. Malheureusement, la question n’est pas seulement technique, elle est bien plus politique et cela mériterait un vrai débat.


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