Maman, la femme de ma vie est un homme !

par Georges Yang
samedi 2 juillet 2011

Elles sont nombreuses, les petites bourgeoises, et même celles qui ne le sont pas, (ni petites, ni bourgeoises) à disserter d’un ton badin sur l’homosexualité masculine et de considérer que chacun fait ce qu’il veut au lit. L’homophobie, c’est inadmissible, entend-on et d’ailleurs, il est tout à fait naturel de voter pour un candidat ayant déclaré son homosexualité par voix de presse, Delanoë est un bon Maire de Paris, n’est-ce pas ! Quelle vaste hypocrisie ! D’abord, voteraient-elles pour un candidat qui aurait fait son coming out hétéro en disant qu’il fréquente les clubs échangistes, qu’il adore les putes et que son passe-temps favori est de caresser et masser les pieds des femmes ? Rien n’est moins sûr. Quant à l’homosexualité, la belle tolérance affichée à la cantonade, qui fait l’unanimité dans les diners mondains, part en miettes quand elle concerne la progéniture. Quelle mère est contente et heureuse quand son fils se déclare homosexuel ? La première réaction est bien souvent : « Non, pas lui ! » ou encore « Pourquoi cela m’est tombé dessus, il n’aurait pas pu s’intéresser aux filles de son âge ! ». « Non, mais qu’est-ce que j’ai bien pu faire de mal pour en arriver là ! ». Après le choc émotionnel passé, on s’habitue, on subit, on tolère, mais il s’est brisé quelque chose au moment de l’aveu. Car il s’agit bien d’un aveu, comme si le fait d’être homosexuel faisait, de celui qui le dit à sa famille, un coupable

 

L’homosexualité est un comportement et un choix tout à fait respectable, tant qu’elle ne concerne pas sa famille et aussi tant que l’on n’entre pas dans les détails techniques. Jusqu’à présent, pour avoir une famille, c'est-à-dire se reproduire, il fallait être officiellement hétérosexuel. Certes il existait des couples vivant dans l’hypocrisie ou Monsieur trainait au moins une fois par semaine dans un back room de bars gays, mais il avait le bon goût de s’habiller classique costume et cravate ou blaser et polo, pas en grande folle ou en Drag Queen et de faire au moins un enfant à son épouse pour rassurer l’entourage. Ceux qui étaient de purs hétéros, tombaient des nues quand leur garçon se déclarait homo, certains le rejetaient. Les mères pleurnichaient, voyaient le fils maudit en cachette quand il avait été banni par le père et certains n’hésitaient pas à avoir recours au psychiatre pour le guérir de cette « tare ».

La grande hypocrisie actuelle consiste à trouver l’homosexualité naturelle, défendable, en un mot tout à fait normale, à condition toutefois qu’elle ne concerne pas vos enfants. Au bureau, le collègue homo est de moins en moins raillé, on prend désormais un verre avec lui, on discute un peu lors de pots d’entreprise, il est cependant rarement invité à diner à domicile par des couples avec enfants. Car s’il n’y a que très rarement de rejet violent ou d’ostracisme dans les milieux citadins intellectuels et bourgeois, l’homosexualité est devenue supportable quand elle ne concerne pas ses propres enfants. Au mieux, la mère dit qu’elle l’aime tout de même, parce que c’est son fils, le tout de même est de trop, et la mère n’en a que vaguement conscience. Et s’il existe une gay pride, une fierté à se déclarer homo, cela ne concerne encore qu’une minorité activiste. Les autres ne disent rien quant à leur orientation sexuelle et la plupart des familles restent muettes quand ça leur tombe dessus. Que de querelles larvées dans le lit conjugal, quant à la responsabilité de chacun, même si l’on n’habite pas à Brest. Si tu avais été moins sévère, si tu l’avais plus rapidement chassé de tes jupes, si tu ne l’avais pas laissé jouer avec le petit Guillaume, ce gosse avec ses manières de fille, je ne le sentais pas !

Car pour beaucoup, même s’ils arrivent péniblement à faire la différence entre homosexualité et pédophilie, l’homosexuel reste un peu marginal et pas très sain, ce n’est surtout pas un exemple à montrer aux enfants. Il existe un abîme entre les déclarations à la télévision, les prises de position des journalistes et des artistes et la vie de tous les jours. Le pire rejet est en milieu rural, ouvrier et émigré. Un marin pêcheur homo, ça passe mal, même si certains terre-neuvas tripotaient jadis les mousses. Les autres sont tout juste un peu plus hypocrites ou plus résignés.

 

Même quand le compagnon est accepté à la maison, il n’est pas question de parler de ça à table, surtout s’il y a de jeunes frères et sœurs. Et s’il y a eu un PACS à défaut de mariage, à la réception, pas question de jarretière du marié et encore moins de chansons de corps de garde à la fin du banquet comme il est de coutume en France. Si le nouveau couple apprécie Elton John pas question non plus de détourner les paroles de ses chansons, like candle in my ass ou good bye yellow prick road ne passeraient pas, encore moins qu’another prick in my hole des Pink Floyd. Avec les amis hétéros, les blagues grasses sont naturelles, avec des amis homos, ceux qui ne le sont pas deviennent étrangement discrets et pudibonds. A moins d’avoir dépassé la peur de sa propre homosexualité, aucun hétéro n’osera aborder la sodomie et la fellation et la question actif/passif devant un gay qu’il connait pourtant depuis des années.

 

Les homosexuels discrets, pas ceux qui s’exhibent et en rajoutent, le reconnaissent, la première fois qu’ils avouent leur orientation sexuelle, ils font tomber des nues, ils inquiètent et au mieux ils arrivent tout juste à créer une émotion. Après certains des soi-disant amis se font souvent plus distants et plus rares, et surtout ne leur confient plus jamais leurs gosses à garder, même si l’ami en question vit avec un moustachu de plus de quarante ans. La chanson de Charles Aznavour, Comme ils disent, est datée et parle d’une réalité marginale. Le transsexuel de chez Michou, le stripteaseur est l’exception, l’homme de la nuit festive est un épiphénomène non représentatif de la communauté homosexuelle. L’immense majorité des gays sait tartiner une biscotte sans pousser de petits cris et ne se promène pas en Monsieur Propre ou en jean rose à pattes d’éléphant. Même au Marais, ce genre d’exhibitionniste est de plus en plus rare.

Qui se ressemble s’assemble, cela s’apparente à un poncif, et pourtant ! De même que les bourgeois ne fréquentent pas habituellement les prolos, les juifs, les musulmans et les footballeurs, les amateurs de Louis-Ferdinand Céline, les hétéros n’ont pour la plupart du temps que des contacts limités avec les homos. Rares sont ceux qui vont avec un copain gay prendre un verre accoudé au bar du Quetzal dans le Marais. Et pourtant, il n’y a aucun risque de s’y faire agresser, sauf celui d’y être vu et d’avoir peur pour son image de marque et sa réputation. Par contre, celui qui suit un homo dans un back room est soit un voyeur, soit quelqu’un qui doute de sa propre sexualité.

De nos jours, tout le monde ou presque parle d’homosexualité, alors que finalement très peu de gens connaissent réellement des homos. Et puis, l’homosexualité n’est ni une qualité ni une tare. On peut être homosexuel et comptable indélicat, car il n’y a pas de relation de cause à effet. A force de vouloir classer les gens par catégorie, on a trop souvent tendance à oublier l’humain.

 

PS : Dans cet article, je ne parlerai pas de la criminalité homosexuelle, elle existe indéniablement, mais tous les comptables ne détournent pas des fonds, et si un boulanger viole une mineure, cela n’a rien à voir avec sa profession. Pourtant, c’est souvent cela qui fait peur aux hétéros. Alors qu’ils ont peut être dans leur voisinage un hétéro affiché qui a découpé sa femme au hachoir. La défiance vis-à-vis de l’homosexualité vient surtout de l’ignorance et des préjugés. Les homos gagnent à être connus, certains sont aussi infects que des hétéros !


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