Médiator : les lobbies ne doivent plus faire la loi !

par Béatrice Lecouturier
lundi 14 mai 2012

Ce Lundi s'ouvre le procès lié du Mediator. Pour les Servier, ces Ténardiers de la pharmacie, il faut gagner du temps. Ce procès doit être l'occasion de remettre à plat le système des agences de régulation et en faire de vrais contre-pouvoirs. Je ne demande pas de mesure exceptionnelle contre l'industrie pharmaceutique, mais seulement que l'on restaure la normalité, la justice et le bon sens.

Ce Lundi s'ouvre le procès lié du Mediator, premier épisode d'une longue série judiciaire. On compte entre 500 et 2 000 décès dus à une utilisation détournée de ce médicament. Distribué comme un « coupe-faim », cet antidiabétique puissant n'aurai jamais dû se trouver sur le marché !

Certes, l'audience de ce jour aura été inutile... limitée à des débats de procédure, au dépôt de questions prioritaires de constitutionnalité et à la demande d'expertises scientifiques complémentaires. Pour les Servier, ces Ténardiers de la pharmacie, il s'agit de gagner du temps.

Mais ces procès peuvent être essentiels à la société Française. Il peut être l'occasion de prendre le contrôle, une fois pour toute, sur les lobbies et groupes de pression industriels.

Car au-delà du « procès Servier », c'est celui de l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits (AFSSAPS), et de l'ensemble des commissions de contrôle qui s'ouvre aujourd'hui.

A ce sujet, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a rendu un rapport alarmant : l'AFSSAPS aurait « fermé les yeux » sur le Médiator, alors que ce médicament apparaissait inefficace et dangereux. Notre « système de pharmacovigilance » serait « lourd, lent, figé » et surtout, noyautée par les lobbies de l’industrie pharmaceutique !

Le précédent gourvenement a tenté de briser ce tabou : désormais, tout lien d’intérêt entre un membre une Autorité de régulation et une industrie devra être déclaré. Oui, mais... pour qu'une telle hypocrisie soit possible, les dysfonctionnements doivent être bien plus lourds !

Nommer des experts publics chargés de contrôler l'industrie pharmaceutique... rémunérés par l'industrie pharmaceutique ? Imaginez que un contrôleur des impôts autorisé, en même temps, à « faire la compta » de l'entreprise qu'il contrôle. Inimaginable et pourtant... La conséquence de cette négligence : chaque année, près de 20 000 décès sont dus aux effets secondaires des médicaments, soit 4 fois plus que les accidentés de la route ! Alors, combien de Médiators a-t-on passé sous silence et combien de crises sont à venir ?

Une telle folie n'a été possible qu'avec l'indulgence coupable des plus hautes autorités. Il aura fallu ce scandale pour qu'une loi relative à l'indépendance des experts... soit simplement proposée !

Mais comment reprocher à la France d'être négligente, quand la négligence est la règle en Europe ?

Regardez le fonctionnement de l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) totalement noyautée par l'industrie pharmaceutique (voir). Nous sommes face à une véritable toile d'araignée : en France plus de 300 associations de lobbying sont financées par l'industrie pharmaceutique, pour un budget de 5 millions d'euros.

Le législateur doit remettre à plat le système des agences de régulation pour en faire de véritables contre-pouvoirs.

La France doit montrer l'exemple : une nouvelle loi devra éliminer toute collusion d'intérêt dans ces instances. Jusqu'à présent, les députés sont restés bien timorés : le lobbying de l'industrie pharmaceutique est efficace. J'y vois la nécessité de renouveller le personnel politique !

Ces nouvelles mesures ne devront en rien freiner l'industrie française du médicament. Ni elle, ni ses lobbies, ne sont l'ennemi. L'ennemi, c'est la négligence, qui leur a donné à l'industrie un pouvoir anormal et illégitime.

Je ne demande pas de mesure exceptionnelle contre l'industrie pharmaceutique. Je demande seulement que l'on restaure la normalité, la justice et le bon sens.

Demain, je soutiendrai toute loi qui servira l'intérêt des patients : la transparence sera absolue, la pharmacovigilance disposera de moyens accrus, l'expertise sera internalisée et indépendante des moyens de l'industrie, les membres des organismes de contrôle seront régulièrement renouvellés et leur déclaration des liens d’intérêts renforcée.


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