Migrations : passer du déni au défi
par Henry Moreigne
lundi 2 janvier 2017
Les migrations ne sont pas un phénomène nouveau. C’est vrai chez les espèces animales mais aussi chez l’Homme. Au cours des 200.000 dernières années l’Homo Sapiens, originaire d’Afrique, a envahi peu à peu tous les habitats et remplacé ou fait disparaître la quasi-totalité des prédateurs rivaux, Néandertal compris, ici en Europe.
En ce début de 21ème siècle l’être humain, par le biais de la technologie, a considérablement rétréci la planète. Une terre aux dimensions réduites et aux ressources finies sur laquelle s’entassent toujours plus d’habitants : 82 millions de plus tous les ans essentiellement dans des pays pauvres ou en voie de développement.
Le (sur)poids de l’espèce humaine est désormais tel que l’on considère que l’on est rentré dans une nouvelle ère géologique, l’anthropocène, qui se caractérise par le poids de l’homme sur un environnement qu’il ne cesse de dégrader. Crises alimentaires, instabilités politiques, dérèglement climatique, misère économique alimentent des flux migratoires qui sont voués à s’amplifier d’autant que les réseaux mafieux trouvent là une nouvelle et lucrative activité.
On n’arrête pas plus les migrants avec des murs qu’on stoppe l’érosion maritime avec des enrochements. Face à cette situation, il faut adopter une attitude Gramscienne reposant sur le pessimisme de d’intelligence et l’optimisme de la volonté. Un difficile équilibre formalisé dans la formule remaniée de Michel Rocard : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre sa part ».
Il est intéressant à cet égard de prendre le temps d’écouter de François Crépeau, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l'homme des migrants. Que dit en l’espèce le Canadien ? Qu’il faut tout d’abord renouer souveraineté nationale et mouvements migratoires en préparant tout d’abord les Etats aux nouvelles formes de mobilité. Que cela passe ensuite par le passage d’une situation de blocage à celle d’un accompagnement maîtrisé : définitions de quotas annuels, sélection des migrants dans les pays de transit, arrivée en avion, avec des papiers dans un programme ordonné de transport et d’accueil, dans le calme et la dignité.
Le contexte géopolitique tendu que nous connaissons appelle de la part des dirigeants européens du cran, du courage et de la pédagogie. A défaut d’empêcher les mobilités il faut les accompagner, les organiser et les clarifier en distinguant les réfugiés politiques des migrants économiques et des réfugiés climatiques. Dans le second cas cela implique de faire du ménage préalablement dans notre propre marché du travail. Dans le troisième, cela sous-entend d’avoir une vision politique cohérente entre les enjeux économiques et environnementaux.
C’est donc un changement complet de paradigme qu’il faut opérer. En passant d’une logique de gestion de crise à une logique d’anticipation et de planification tout en ne perdant jamais de vue l’impératif moral qui est de sauver des vies et de traiter avec humanité les migrants.
De grands défis sont devant nous encore sous-estimés, ceux liés au changement climatique. L’environnement a toujours été un déterminant majeur de la distribution de la population sur la planète. A elle seule, la montée du niveau de la mer va constituer un très grand facteur d’instabilité aux regard des masses de populations touchées.
La situation du Bengladesh constitue une belle illustration. Ce pays d’Asie à fleur de l’eau est peuplé de 170 millions d’habitants sur un territoire du quart de la superficie de la France. Pays des plus pauvres et des plus densément peuplés il est également l’un des plus exposés au réchauffement climatique avec la moitié de son territoire situé en dessous du niveau de la mer. Comme seule réponse, l’Inde voisine a élevé une barrière sur 3500 kilomètres...