Nationalisations et renationalisations : une urgence d’intérêt public mondial

par Philippe Vassé
jeudi 5 mars 2009

Après des mois de négation des réalités mondiales, en France, les autorités gouvernementales sont contraintes de commencer à reconnaître (enfin) l’ampleur et la puissance de la crise de dislocation du marché mondial.

Certes, comme il est habituel, les gouvernants français, incapables de dire la vérité sur les faits et les processus sans mettre en cause aussi leurs compétences et donc leurs responsabilités propres, essaient de trouver un bouc-émissaire.

Ici ; ce sont les subprimes américaines ! Comme si les dérives du secteur financier et bancaire avaient été limitées à un seul pays, les Etats-Unis, et non avaient constitué le volant d’entraînement indispensable depuis des décennies de l’économie mondiale.

Aujourd’hui, après des mois de refus des réalités, les gouvernants français sont toujours incapables, impuissants à prendre les mesures minimales de sauvegarde de l’intérêt public, enfoncés qu’ils sont dans un dogmatisme politico-économique devenu d’une dangerosité extrême pour tout le pays

Mesures nationales urgentes et mesures internationales de fond

Chaque jour qui passe le montre un peu plus : les gouvernements du monde, au lieu de tenter de coordonner leur action, se sont placés eux-même dans un chaos général qui, dorénavant, va accélérer, amplifier, aggraver la crise mondiale.

Tous les analystes indépendants des pouvoirs politiques et des intérêts économiques privés sont d’accord : ni le G8, ni le G20 ne sont plus en mesure d’arrêter la course au désastre mondial. La seule possibilité qui resterait encore – à ce jour et avec une grande prudence- est une coordination politique mondiale face à cette crise elle aussi mondiale.

Car, malgré les déclarations passées et fausses de nombreux « spécialistes », ce qui se déroule n’est pas une « crise cyclique un peu plus grave », mais la faillite totale par dislocation de tout le système socio-économique mondial. Ce que d’aucuns ont qualifié de "crise systémique".

Ceci étant mis en avant comme objectif politique urgent, il n’en est pas moins vrai que les Etats ont des possibilités, au moins limitées, transitoires et temporaires, pour essayer de préserver les emplois des citoyens, l’intérêt public, en résumé protéger la société de la chute dans un chaos social, économique et politique sans précédent.

Ces possibilités ou ces moyens se concentrent dans un double levier essentiel :
les nationalisations et/ou renationlisations urgentes, tant pour aujourd’hui que pour le futur.

Il s’agit ici, pour la France, de l’ensemble des banques et établissements de crédit ainsi que des entreprises stratégiques essentielles à la survie d’une société moderne en état de fonctionnement : énergie, transports, industries minières et de transformation des produits bruts. Cela pourrait même s’étendre, si nécessaire, à la grande distribution commerciale le cas échéant (aux fins de contrôler les prix et de rétablir les liens de confiance producteurs- distributeurs- consommateurs, ainsi que de garantir les intérêts de tous les acteurs, actuellement contradictoires).

Il ne s’agit pas ici de «  politique » à discuter. Il s’agit de sauver ce qui peut encore l’être et de préserver le plus possible le pays de la marche au chaos, donc à des difficultés inimaginables à cette heure par les esprits habitués à penser avec des repères habituels de calme social et économique, mais aujourd’hui complètement obsolètes et inexistants de fait.

Un exemple clair : la renationalisation immédiate de GDF et EDF, avec son retour en une seule entité unique publique- est à ce jour une absolue nécessité, au moins pour trois raisons majeures :

1- la première est que la crise mondiale a détruit de manière durable, sinon définitive - au moins pour plusieurs décennies- les capacités financières, tant d’EDF SA que de GDF-Suez de permettre la réalisation des projets futurs d’équipements énergétiques qui sont nécessaires aux besoins du pays pour l’avenir. Il suffit pour vérifier cette assertion de regarder la chute de valeur boursière des deux entreprises. Et ce n’est qu’un début, la crise boursière est en développement avec les autres aspects de la crise mondiale !

2- la deuxième est que ces entreprises ne peuvent plus, dans leur situation financière et du fait de leur avenir évident dans les processus actuels, se refinancer non plus par les tarifs de consommation, du fait de la chute des matières premières utilisées (gaz, pétrole, etc...) et parce que les consommateurs français ne peuvent -et ne veulent plus- plus supporter de hausse de leurs dépenses énergétiques.

3- la troisième est que leur rôle de « stabilisateurs » sociaux et de source potentielle d’emplois est tel maintenant que l’Etat est acculé, à court terme, s’il veut que la société ne glisse pas dans une situation de pauvreté et de colère généralisée, à reprendre pour des motifs tant politiques que sociaux le contrôle de ces deux entreprises et les réunifier sous son autorité.

Trois raisons suffisantes pour un gouvernement censé agir avec promptitude dans le sens indiqué. Sauf si ce gouvernement pense plus « dogme  » que « pragmatisme ». Ce qui est le cas pour le moment....


Le secteur bancaire et de crédit doit repasser sous le contrôle de l’Etat

Il en est de même des banques : les limites de la «  liberté contrôlée  » accordée aux banques en échange du soutien financier et des garanties de l’Etat, le tout sous l’égide d’un médiateur sans pouvoir réel, sont atteintes. Les banques ne remplissent plus leur rôle normal en économie de marché : de mères nourricières des entreprises avant la crise afin de vivre ensuite sur elles, elles sont devenues des étouffeuses de celles-ci.

Plus que cela, face à la menace de faillites et banqueroutes en cascade sans fin des banques et des grandes entreprises qui en sont dépendantes- en fait, toutes-, la nationalisation-renationalisation des banques et établissements de crédit est la seule solution rationnelle afin d’anticiper la catastrophe et donc l’empêcher.

Cette mesure sauverait dans les prochains mois des centaines de milliers, voire des millions d’emplois salariés en France et dans chaque pays qui prendrait cette décision.

Pour une telle politique de soutien actif à l’économie réelle et à la protection des emplois, il est nécessaire que l’Etat prenne les rênes des banques, les gérent totalement, avec comme finalité primordiale l’intérêt public, aujourd’hui totalement antagonique et inconciliable avec les intérêts des actionnaires privés des banques, eux-mêmes par ailleurs en danger via leurs emplois et leurs activités propres.

Ces mesures sont aussi nécessaires si l’on veut réellement sauver la population du pays du désespoir et éviter une révolte générale, légitime et naturelle,des citoyens voulant une issue rapide et claire à la crise mondiale que nous subissons pour le moment.

Pour ne plus subir justement les effets terrifiants de cette crise dramatique, la reprise en mains par l’Etat des moyens, des leviers essentiels de gestion de l’économie, est une nécessité incontournable.

Elle se heurte en France pour le moment à un seul obstacle, mais de taille : un gouvernement qui ne comprend rien aux évènements, n’a aucune stratégie efficace, ne sait que faire semblant d’agir en ruinant de plus et en même temps par des mesures coûteuses le pays (cf : déficits budgétaires abyssaux) sans obtenir aucun résultat tangible.

Changer d’orientation pour protéger l’intérêt public nécessite un autre gouvernement capable et résolu à mettre en œuvre les mesures énergiques nécessaires

A l’évidence, plus les jours passent, plus tous les citoyens, de toutes opinions politiques, constatent que ce gouvernement est incapable de prendre les mesures que la situation appelle et exige pour protéger le pays et ses habitants des effets de la crise mondiale.

Si la confiance dans les gouvernants actuels est si basse dans l’opinion, la racine en est bien dans ce constat partagé et qui va croissant.

Ce que le gouvernement actuel a appelé «  plan de relance  » n’est qu’une cautère sur une jambe de bois... alors que cette dernière a déjà disparu. Ce plan n’est devenu qu’un terrible gâchis de moyens financiers publics colossaux, qui ne résout rien, mais, pire encore, aggrave par ses effets pervers la situation.

Il est maintenant bien trop tard pour relancer l’économie mondiale et nationale par la seule consommation, ce qui était apparemment plausible et possible (sous réserve d’autres paramètres inconnus pour l’heure du public) voici quelques mois ou quelques semaines encore.

Aujourd’hui, ce débat est dépassé, caduc, vide de sens commun..

Les « plans de relance » du gouvernement et- du PS- sont tous deux devenus des textes inutiles . Les deux partis institutionnels français sont totalement dépassés par les évènements et répondent à une situation inédite, impensable auparavant pour beaucoup, mondiale et plurielle en ses agents et effets, avec des remèdes «  nationaux  » d’un passé irrémédiablement révolu.

Alors qu’il faudrait au pays un gouvernement de lièvres dynamiques, les partis UMP et PS sont devenus des tortues enfermées dans leur carapace poussive, hermétique et rouillée. Ces partis ne sont plus en phase avec les nécessités urgentes de la situation, ni avec la société frappée par cette crise. Ils sont impuissants à apporter des réponses claires et concrètes aux difficultés du peuple en ce moment crucial où les dangers sont multiples.

C’est tout le système mondial- financier, social, économique, bancaire- qui s’écroule et nul ne peut, surtout à la petite échelle française, énoncer sérieusement et honnêtement que des mesures «  budgétaires » dans un seul pays isolé le sauveront.

Cette observation est valable en France comme aux Etats-Unis et partout dans le monde. Car le système ancien est déjà mort et tous constatent que chaque tentative faite pour le ressusciter enfonce encore plus l’humanité entière !

Les spécialistes les plus attentifs estiment que le marché mondial actuel se disloquera totalement, si rien n’est fait pour définir et mettre en œuvre une alternative fiable,.... avant l’été 2009 !

La solution à la crise mondiale viendra des peuples et des citoyens protégeant leurs intérêts vitaux et la civilisation humaine, non des cerveaux des économistes et des politiques

Ce qui urge dorénavant est de placer au premier rang l’intérêt public, les emplois (tous les emplois- publics et privés), les salaires, le travail des jeunes générations, la sauvegarde des fondations économiques que nous avons, en un mot de préserver ce qui existe encore en termes d’outils de production et de leviers d’intervention publique pour permettre la survie, puis la restauration sur des bases humaines et dignes d’une société civilisée et de son économie transformée profondément suite à ce cataclysme mondial.

Si ce gouvernement français se montre incapable et incompétent pour sauver le pays du chaos que la crise génère comme l’orage apporte une pluie violente, alors, deux hypothèses resteront :

C’est l’objet de cet article de concourir à l’action collective nécessaire à une issue pacifique par la réflexion consciente sur la base des faits et des réalités.

Tout en sachant qu’au final, la solution durable à cette crise passera inévitablement par une véritable coopération internationale au profit des peuples et des citoyens en lieu et place d’une économie de la compétition destructrice de tous contre tous qui se meurt sous nos yeux.

Coopération harmonieuse internationale à la place de compétition ruineuse mondiale, tel est l’enjeu et surtout la clé, la solution véritable de cette crise, solution qui ne sortira pas des poches des économistes, mais de l’action collective des peuples et des citoyens défendant ainsi leur présent et leur avenir contre la menace de chaos social et économique que la crise porte en elle.

 


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