Nos nouvelles aventures champêtres

par C’est Nabum
samedi 27 octobre 2012

Les vendanges !

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L'expérience désastreuse des fraises a semble-t-il porté ses fruits. Ce matin, pour la sortie vendanges, tous les élèves arrivent munis de l'autorisation parentale dument signée. Ils sont tous à l'heure à l'exception notable du héros de la sortie précédente que nous avions prévu de ne pas emmener pour l'ensemble de son œuvre (il arrivera en retard et balayera la cour). Une seule absente, bien malgré elle, avec sa jambe dans le plâtre !

 

Nous décidons de laisser au collège deux élèves. L'une n'a pas encore apporté de justificatif d'assurance, le stage approche et ce document est obligatoire. Il faut parfois poser des gestes symboliques. Nous espérons qu'une matinée bloquée au collège la fera réfléchir … Depuis le temps qu'elle se moque de nos demandes, la voilà confrontée au principe de réalité.

 

 

Le second est l'un de nos trublions de la cueillette des fraises. Depuis, il n'a pas cessé de jouer de la transgression. La nouvelle le met dans une rage folle. Il a acheté un pique nique pour l'occasion, c'est surtout ça qu'il ne digère pas. Il se permet deux ou trois insultes, un simple tic de langage chez lui. Ne pas l'avoir prévenu était délibéré. Il tombe des nues, lui qui est si persuadé d'avoir raison en toute occasion.

 

 

Dans le bus, nous mesurons les effets de la double absence de deux de nos têtes brûlées. Le calme fait passer le groupe pour une classe ordinaire. Quel bonheur. Nous pouvons discuter sereinement avec les élèves. L'absence de deux énergumènes suffit à transformer tout le groupe. Mais comment faire pour que ces deux garçons puissent eux aussi, accéder à un comportement raisonnable ?

 

C'est vers neuf heures trente que nos vendangeurs d'occasion se retrouvent au pied des grappes de raisin. Pour l'occasion, l'association Argonne Plus a mobilisé une quinzaine de retraités, vignerons associés qui entretiennent à l'année un rang de vignes chacun. Ce sont des bénévoles qui vont encadrer les élèves pour que la récolte se fasse sérieusement.

 

Les groupes se constituent. Deux élèves et un adulte par rang à vendanger. Les sécateurs en main, un seau par personne et des adultes qui circulent avec des cagettes pour vider les seaux. Une brume épaisse couvre les vignes, l'herbe est mouillée, il fait un peu frais. Bien vite les élèves sont trempés et certains ont froid. Qu'importe, ils travaillent efficacement sans incident.

Nous changeons de parcelle. La première avait été joyeusement pillée par les étourneaux sansonnets. La récolte fut maigre. Pour la seconde récolte, le butin est bien plus conséquent. Par deux fois, le maître vigneron doit aller rechercher des cagettes. Il y a un travail fou. La fatigue et la lassitude commencent à se faire sentir. Les dos deviennent douloureux.

Après deux heures sans anicroche, la tension se fait palpable entre quelques bénévoles et des jeunes qui se comportent comme ils en ont l'habitude. Non pas qu'ils se montrent désagréables mais ils usent du langage qui est le leur en tous lieux et en toutes circonstances. C'en est trop pour quelques anciens artisans, commerçants ou commerciaux qui sont parfaitement excédés.

Leur premier mouvement est de reprocher aux deux enseignants de ne pas faire leur travail. Ce qui relève de l'éducation devrait par miracle cesser en notre présence. L'un d'eux demande à un mal-embouché s'il parle comme ça chez lui. Comment faire comprendre à ce brave personnage que, hélas, c'est le cas ?

Le ton monte surtout entre un monsieur manifestement adepte de solutions extrêmes et deux gamins qui ne sont pas les plus terribles mais qui ont une énergie langagière à revendre. D'autres membres de l'encadrement exceptionnel, d'un tout autre bord politique, prennent la défense d'élèves qui objectivement ne méritent pas pareil esclandre. Nous devons calmer les uns et les autres et tenter d'expliquer à nos jeunes que leurs manières ne sont pas de celles qu'ils devraient avoir avec des adultes.

 

 

Ce n'est rien. Il y a pourtant une vraie fracture sociale fondée sur le langage. Pas de motifs raciaux cette fois, c'est juste la langue vernaculaire de nos quartiers, la fréquence incroyable des expressions vulgaires ou simplement disgracieuses qui a mis le feu aux poudres. Il va falloir reprendre tranquillement ce problème en classe. Il est susceptible de déclencher une prise de conscience nécessaire avant le stage qui se profile au retour des vacances.

 

La récolte a été bonne, le travail accompli avec cœur. Les élèves ont ramassé une tonne cinq de raisins : du cabernet franc sur deux parcelles d'un peu plus d'un hectare. Les élèves sont rentrés épuisés, trempés et heureux. C'est l'essentiel.

Les trois bénévoles atrabilaires seront vite oubliés. Il ne faudra pourtant pas écarter cette rupture sérieuse et souvent rédhibitoire avec le monde réel. La langue est un enjeu. Ils n'ont pas encore compris que les adultes qui travaillent ne parlent pas comme eux. Pourvu qu'ils ne le découvrent pas à leurs dépens de manière douloureuse !

Distinctionnement leur


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