Nos sociétés qui abandonnent la jeunesse
par Laurent Herblay
vendredi 5 juin 2015
Bien sûr, tout le monde sait que le taux de chômage des jeunes est extraordinairement élevé et qu’il représente une épreuve douloureuse pour bien des jeunes, qui affrontent une dure course d’obstacles pour s’intégrer dans la vie active. Un signe de plus d’une société qui a abandonné sa jeunesse.
Ecole garderie et adulte sans espoir
C’est tout le paradoxe de nos sociétés, qui, parallèlement, cherchent à être de plus en plus douces avec ses enfants, tout en leur offrant une entrée de plus en plus difficile dans la vie adulte. D’une part, l’élève et l’enfant sont tellement au centre de tout, de manière superficielle, que l’on dit veiller à ce qu’ils ne s’ennuient pas à l’école, on limite au maximum toutes les sanctions, quand on ne supprime pas les notes, on les fait tendre vers les pratiques de l’école des fans, et on veut interdire les gifles ou les fessées qui n’ont pas traumatisé plus de 99% des enfants des générations d’avant. Mais de l’autre, nos dirigeants s’agitent de manière dérisoire pour réduire le taux de chômage des jeunes, avec les mêmes recettes depuis des décennies, sans jamais véritablement se remettre en question.
Le résultat est absolument désastreux. La suppression des barrières éducatives ne fait que produire une génération de petits monstres. Même la Suède, à la pointe des idées pédagogistes, commence à se demander si elle n’est pas allée trop loin. En France, une jeune enseignante a publié un papier triste et effarant, à défaut d’être surprenant, dans Le NouvelObs, qui témoigne de la transformation de certaines écoles en zones de non-droit où de jeunes professeurs absolument pas préparés affrontent des enfants qui ne respectent plus rien, du fait, entre autres, des conséquences délétères de la circulaire Lang limitant leur pouvoir de sanction. Pas étonnant que dans une telle ambiance, le niveau baisse avec 19% des jeunes de 15 ans qui ne maîtrisent pas les bases en lecture et 22% en mathématiques.
Du besoin de liberté et de la loi de la jungle
Bien sûr, les jeunes ont un besoin de liberté, naturel. C’est sans doute pour cette raison qu’ils ont souvent positivement accueilli toutes les initiatives qui leur en donnaient plus, la suppression des contraintes comme le service militaire, le relâchement général de la discipline et des notes, tout ce qui déserre les cadres traditionnels de l’éducation. C’est aussi pour cette raison qu’ils réclament des droits (pour eux, ou d’autres, comme les immigrés illégaux, pour qui une partie se mobilise volontiers), en oubliant que les droits des uns sont les devoirs des autres et qu’il faut un équilibre entre les deux. Ainsi, notre société, en supprimant bien des contraintes, et en donnant parfois des droits illusoires, ne fait que construire une immense jungle, comme un retour à l’état de nature, où la liberté est souvent illusoire.
En effet, dans cette société qui tend de plus en plus vers la loi de la jungle, règne en réalité la loi du plus fort, blle plus riche dans nos sociétés capitalistes. La baisse générale du niveau scolaire cache un système qui évolue de plus en plus vers un système à deux vitesses, comme Etats-Unis, où la souvent coûteuse excellence des meilleures écoles et universités côtoie un système éducatif standard qui laisse littéralement tomber un nombre grandissant d’enfants qui en sortent avec un bagage toujours plus médiocre et qui leur donne de moins en moins la chance de s’élever. A force de promouvoir la liberté, on aboutit à l’inverse puisque chacun reste de plus en plus dans sa condition, indépendamment du mérite ou du travail. Libre, mais dans une case, d’où l’alerte de l’OCDE sur le chômage des jeunes.
Le phénomène s’explique peut-être par la moindre propension à voter des jeunes, comme l’avait souligné The Economist avec le traitement fiscal très favorable des personnes âgées par David Cameron, qui ne lui a pas mal réussi. Une solution pour remédier à cela : voter.