Nouveaux « Quick Halal » : marchands du temple contre laïcité

par guylain chevrier
dimanche 5 septembre 2010

Mais que se passe-t-il chez Quick ? Un engouement sans compter pour le hamburger halal qui semble être la nouvelle ruée vers l’or ! L’enseigne a décidé d’ouvrir 14 nouveaux restaurants « tout halal » pour étendre « cette offre » qui concernera désormais 22 restaurants sur 358 en France. La clientèle non-musulmane pourra y trouver un unique hamburger à réchauffer car pas fait sur place, de quoi vous dissuader de vous y arrêter lorsqu’on n’est pas musulman.

Cette façon de faire ne suggère-t-elle pas à la clientèle cherchant le halal qu’on lui garantit aussi de se retrouver essentiellement entre-elle ? N’est-ce pas une façon encore d’appuyer sur le côté communautaire comme argument de vente en en évacuant les conséquences sociales sur le vivre ensemble mais aussi envers les musulmans eux-mêmes ? Cette annonce faite en plein ramadan est plus qu’ostentatoire, dévoilant sans vergogne une stratégie de l’appât du gain qui n’est pas très regardante sur les moyens. On pourrait même penser que la méthode crée chez les musulmans une gêne voire, une certaine prise de distance, mais il semble qu’il n’en soit rien, la mode étant à une autre tendance…

Quick joue la restauration islamique, est-ce bon pour le vivre ensemble ?

Les arguments de la chaîne de restaurants semblent imparables à ses yeux et à ceux du petit microcosme journalistique des grands médias. Les très bons chiffres de ce marketing communautaire avec « le succès sans équivoque du halal » devraient faire taire la polémique ! Quick a annoncé lors d’une conférence de presse que : 1- la fréquentation des 14 restaurants où l’expérimentation était menée, a doublé ; 2- la progression des ventes y a augmenté de 100% sur la période de test 3 - 25 emplois ont été créés, en moyenne, dans chaque restaurant. Par ailleurs, Quick a fixé trois critères pour que l’un de ses restaurants passe au tout halal : 1- la hausse des ventes de hamburgers au poisson ; 2- la baisse des ventes de ceux au bacon ; 3- la variation de fréquentation avant et après le ramadan (sic !).

C’est sur cette base que les quatorze fast-foods halal -à partir du 1er septembre- se situeront à : Reims (51), Creil Nogent (60), Strasbourg Hautepierre (67), Kingersheim (68), Chelles (77), Dammarie-les-Lys (77), Fleury-Mérogis (91), La Courneuve (93), Montreuil (93), Rosny-sous-Bois (93), Sevran (93), Saint-Ouen (93), Créteil Pompadour (94), Villeneuve-Saint-Georges (94).

On soulignera tout d’abord qu’on a veillé à installer en général ces restaurants « tout halal » dans des quartiers déjà marqués par un certain degré de communautarisation en reflet du niveau de délaissement du bacon… Mais surtout, que c’est dans des départements de la banlieue qu’on installe ces restaurants avec une prime à la Seine-Saint-Denis qui n’avait pas besoin de cela. On renforce ainsi encore un peu plus une stigmatisation qui colle par trop à la peau de ce département et l’encouragement à une ghettoïsation qui fait fuir la mixité sociale, ce qui n’est bon pour personne. Une action commerciale qui pourrait favoriser, en reflet de cette mise à part, chez les autres que le « tout halal » peut rebuter, la montée d’un sentiment de rejet des musulmans, ce que l’on peut regretter, et chez ces derniers, ce que l’on peut tout autant regretter, le risque d’un sentiment de dé-appartenance nationale déjà bien cultivé qui est loin d’être sans dangers à terme pour la société française dans son ensemble.


La Halde : une lutte contre les discriminations très sélective et à sens unique !

On évoque une démarche de discrimination que pourrait véhiculer ce « tout halal » qui, s’il ne se traduit pas par un rejet du client non-musulman, lui indique clairement que ce genre de restaurant est plutôt réservé à une clientèle ciblée sur le fondement d’une religion ! Mais ce n’est pas l’opinion de la Halde que le maire de Roubaix, élu socialiste qui fait exception, s’apprête à saisir sur ce thème. On aura du mal à prouver, selon elle, que Quick discrimine les non-musulmans de sa ville en testant le halal et en supprimant du coup le porc de sa carte. C’est ce qu’indique le service juridique de cette haute autorité, reprenant les termes de la loi dans un sens étriqué bien opportun : 

 « C’est le code pénal qui s’applique, articles 225-1 et 2 : il faut caractériser le refus d’accès à un bien ou un service pour une clientèle déterminée ou que cet accès soit subordonné à une condition. Là, le fait de proposer un produit halal n’est pas un refus. » On voit ici toute l’ambiguïté de la démarche de la chaîne de restauration rapide mais aussi celle de la Halde, car il y a bien ici pour la clientèle une subordination à une condition : le « tout halal ». Le hamburger non-halal froid n’étant qu’un alibi au fumet de provocation, qui doit faire sourire au passage certains des musulmans les plus pratiquants, d’être assistés ainsi dans une démarche vexatoire envers ceux qui n’adorent pas leur dieu !

La Halde n’a pas d’état d’âme lorsque, à sens inverse, elle défend au nom de la non-discrimination des accommodements raisonnables qui ne le sont pas, tel l’accompagnement par des femmes voilées de sorties scolaires qui s’inscrivent pourtant dans le cadre de l’activité du service public de l’école laïque, dont les principes se trouvent ainsi bafoués, sans ambiguïté. A elles, on n’a pas le droit de dire « non » mais on peut parfaitement exclure d’un restaurant sans dire qu’on le veut, mais en y mettant les formes appropriées, ceux qui ne partagent pas l’islam comme religion, tels des indésirables qui pourront toujours aller voir ailleurs.

On aimerait entendre un peu plus la Halde sur les discriminations que subissent nombre de femmes dans ce milieu communautaire en raison de leur sexe, derrière le respect du mot tradition, comme y invite le coran en les décrivant par essence divine inférieures aux hommes auxquels elles doivent une totale soumission (sourate IV, Verset 38)1. Le retour à l’islam passe aujourd’hui, trop souvent, par une lecture littérale du coran qui amène au développement du port du voile qui signifie cette soumission et implique de ne se fréquenter qu’entre musulmans. Une belle catastrophe sous le prétexte qu’on respecte le fait culturel.

La Halde ajoute qui plus est que, « juridiquement, on ne peut obliger un restaurant à servir une certaine carte ». Un point de vue qui rejoint exactement celui défendu par le mouvement patronal Ethic (Entreprises de taille humaine indépendantes et de croissance), dont Quick est justement membre. Un porte-parole explique défendre tout simplement « la liberté d’entreprendre… » comme on défendrait finalement la liberté d’expression. 5 à 6 millions de personnes pour un marché juteux, cela ne se refuse pas pour ces « marchands du temple »2 ! Peut importe les moyens pourvus qu’on est l’ivresse… des dividendes.

Effectivement, pour s’opposer à cette généralisation il faudrait un courage politique et éthique que la Halde ne semble pas faite pour avoir. Bien au contraire, elle joue dans le sens d’une discrimination positive qui s’attaque à l’égalité à laquelle le libéralisme lui préfère l’équité, ce principe sur lequel les pays anglo-saxons organisent leurs partitions en territoires ethniques et religieux séparés qui empêchent mixité et mélange des populations.


On y vit sur le mode de chacun sa communauté (dont le principe divise le peuple et le rend aveugle de ses intérêts) et le marché pour tous. Une belle morale que cette restauration communautaire et religieuse promeut, avec la Halde pour caution contre nature !

Un commerce rétrograde favorable au retour du conservatisme religieux


Il y a, on le sait, chez les musulmans pratiquants l’idée qu’on ne peut faire union sexuelle, maritale, qu’avec une personne de même religion. De cette façon, même au restaurant, on pourra assurer qu’on ne risque pas le moindre mélange. Une formidable avancée pour ceux qui cultivent le multiculturalisme, mais une régression sans nom dans l’ordre des relations sociales ! Dans nos sociétés démocratiques ce mouvement constitue une involution en regard d’une réalité marquée par une évolution des mœurs qui a mis longtemps chez nous et dans la douleur, à prendre son envol contre le conservatisme religieux et la tradition. 

Au lieu d’encourager les musulmans à s’émanciper de traditions moyenâgeuses qui les empêchent de se mélanger, on continue de les encourager à l’isolement, à la mise à part, à la reproduction de comportement qui vont à contre sens de l’histoire, c’est-à-dire du progrès de la condition de l’homme mais aussi de la femme. Cet encouragement va peser encore un peu plus sur elle. Et en dehors de quelques militantes illuminées de "l’islam intégral" qui valent les témoins de Jéhovah, et réclament la soumission de la femme par cette religion comme un « don de dieu », la plupart n’ont nullement intérêt à ce climat favorable au repli communautaire avec son enfermement dont elles sont les premières victimes.

Combien de burqas cela va-t-il promouvoir avec ces nouveaux points d’appui d’un islam faisant bande à part de la République ? Et l’auto-stigmatisation que cela va entraîner, peu ou prou, combien de rejets et de racisme cela va-t-il promouvoir aussi sous cette surenchère ? On joue décidément avec le feu chez Quick derrière d’innocents hamburgers qui deviennent de vraies bombes à retardement du délitement du lien social.

La réponse à cette dé-cohésion sociale par le communautarisme :

Liberté - Egalité - Fraternité !

La Halde ne parle pas non plus des discriminations que les musulmans non-pratiquants par exemple subissent de la part de ceux qui pratiquent, dans un tel contexte. Il y a de façon éclatante et quotidienne une pression de plus en plus forte, à laquelle s’allie ces « Quick » communautaires, vis-à-vis des musulmans qui ne mangent pas halal, de la même façon que le port du voile sur celle qui résistent au mouvement de revoilement actuel. Par cette restauration on contribue à un rabattage communautaire aux côtés des religieux en regard de ceux courageux qui résistent au respect strict de la tradition, ont soif de s’intégrer en épousant les valeurs de la République.

N’est-ce pas une liberté mise à mal dans ces quartiers que celle de pouvoir être musulman non-pratiquant ou même d’origine arabe ou berbère et athée ? Et dans ces circonstances, combien de temps pourra-t-elle encore être exercée par ces des personnes qui sont d’abord des sujets de droit dans un Etat de droit ? On peut s’en inquiéter et là l’Etat, qui synthétise l’intérêt général, le bien commun subsumant l’intérêt privé comme celui des corps intermédiaires telles les Eglises, ne peut se taire, se défausser, et regarder ce train de l’histoire qui va à contresens du progrès passer sans rien tenter.

L’économie serait-elle élevée à ce point au-dessus de la politique pour qu’elle soit intouchable même lorsqu’elle pratique la politique de la terre brûlée pour poursuivre ses fins ?

On postule comme une liberté sacrée, qu’une chaîne de restauration se livre à une surenchère qui contribue à élever un nouveau mur de séparation entre les populations, au cœur même des quartiers où le vivre ensemble est directement déjà mis à mal. Il y a dans cela le piétinement, au nom du droit de faire commerce de tout, de toute valeur collective, de notre conception même du rapport à l’autre.

Les valeurs de la République invitent à ne pas se voir d’abord différent mais interchangeable en droits, dans un rapport d’égal à égal. Il n’y a de fraternité possible que si l’égalité reste la première de nos libertés, c’est-à-dire l‘égalité des droits et libertés inaliénables de l’individu. C’est la seule voie pour solder les litiges du passé et regarder devant ensemble, la religion n’occupant dans ces conditions qu’une secondaire place dont l’exercice soit réservé, comme l’esprit de la loi de séparation y invite, à la sphère privée, tout autant que sa liberté garantie.

Promouvoir la fraternité entre tous, il en va de la responsabilité des élus de la République ! 

Que certains fassent industrie du rapport litigieux que crée la primauté de la religion sur les relations aux autres ne peut laisser indifférent, alors qu’on voudrait reporter le débat sur une question de tolérance. Il y a là matière à la mobilisation des élus de la République dont ce n’est pas le moindre des rôles, que de se préoccuper de comment les citoyens de ce pays qui est le nôtre, qu’ils ont la charge de conduire, vivent entre eux, se parlent ou s’ignorent, se rencontrent et se mélangent ou se séparent et se méfient les uns des autres.

Dans le prolongement de la Halde, à entendre la tonalité que prend ce débat dans les médias et dans la classe politique, encore plus particulièrement de la gauche libérale à son extrême en passant par les verts, c’est ceux qui refuseront d’aller dans ces "Quicks" qui seront bientôt accusés de discrimination pour ne pas accepter de fréquenter le même restaurant que des musulmans. On marche vraiment sur la tête !

La gauche ne devrait-elle pas avoir le souci que la notion de fraternité se fasse entendre face à un Président de la république qui divise les Français, qui stigmatise les différences et creuse les injustices en roulant contre tous les autres pour les riches ? Mais a-t-elle plus intérêt que Nicolas Sarkozy à cette fraternité ? Pas si sûr à l’entendre. Martine Aubry, leader de cette gauche d’aujourd’hui, est, il faut s’en rappeler, une militante des accommodements raisonnables du genre piscine ouverte aux femmes voilées à des horaires spécifiques dans sa bonne ville de Lille, dont le mari s’est illustré dans la défense de jeunes filles voilées…

La fraternité, ce n’est pas « chacun sa bande » mais c’est se reconnaître dans la même nation, c’est se vouloir citoyen de son pays avant de se revendiquer d’une Eglise. La nation, c’est ce que précisément la mondialisation conteste en encourageant la négation des frontières pour faire un marché unique ouvert à toutes les spéculations où les Etats disparaîtraient pour ne laisser aux individus comme ultime référence qu’une origine, une culture régionale ou une religion. La belle affaire pour se défendre ensemble contre les méfaits de ce mouvement où l’économie détermine de plus en plus tout, sans considération morale, tel que l’illustre de façon par trop éloquente l’exemple de l’enseigne Quick. Libéralisme et communautarisme ont de beaux jours devant eux si l’on suit sans broncher ce mouvement.

Combattre ce libéralisme servi sur un plateau à un auto-apartheid religieux

Il est un vrai problème que la liberté de faire commerce et de vendre puisse outrepasser le sens que nous donnons à notre vie commune et à l’espace public, par essence de partage et non d’affichage de nos différences. Parce que, cette liberté chérie des Droits de l’homme et du citoyen a eu sa traduction dans des acquis sociaux qui bénéficient à tous obtenus par l’entreprise d’actions collectives où le peuple s’est fait entendre et que fait voler en éclat le communautarisme en en divisant les forces.

C’est à cette faculté d’unir les hommes, dont est investie la notion de peuple, que contribuent de s’attaquer ces « marchands du temple » qui calculent leurs dividendes à la mesure des séparations fratricides qu’ils engendrent. Il n’y a pas de meilleure façon de s’assurer l’avenir contre toute révolution pour continuer de faire fructifier le profit et la rente, au détriment du plus grand nombre. On voit bien que c’est d’une même liberté, du même humanisme, croyants et incroyants, dont il est au fond ici question.

Avec ce commerce très communautaire, le libéralisme apporte sa pierre à l’édification d’un auto-apartheid. Comme depuis longtemps le montrent les pays anglo-saxons où la résistance est très faible au libéralisme qui y règne, l’alliance entre ce dernier et le communautarisme est véritablement stratégique tel un des critères premiers de leur gouvernance.

La laïcité au tournant de l’histoire face à l’instrumentalisation du communautarisme

On sait que le commerçant ne s’intéresse pas à connaître les besoins réels de son client pour y répondre mais vise à lui vendre le produit qu’il a en réserve avec la plus grosse marge. Voilà pourquoi le secteur marchand n’est pas à même de prendre en charge les grands besoins sociaux comme la santé ou les retraites, ni les politiques sociales qui ont à voir avec la cohésion sociale et nationale qui sont des enjeux de société et recouvrent des valeurs essentielles de notre République qui sortent de la logique du profit : Tel le financement de la protection sociale qui n’a rien à voir avec une quelconque notion de rentabilité, fondé sur le principe de « chacun donne selon ses moyens et reçoit selon ses besoins », dont toute la population vivant sur le territoire national, musulmans inclus, bénéficie. C’est ça solidarité nationale et ce qu’il faut défendre contre l’économisme !

Le principe de laïcité qui porte au-dessus des différences la citoyenneté tout en les respectant mais auxquelles est imposé aussi le respect de tous, est la pierre angulaire de cette philosophie de nos institutions mais aussi de l’intégration directement attaquée par cette restauration séparatiste à caractère religieux. Une intégration souvent montrée du doigt en France, parce que rendue faussement responsable de tous les maux des personnes d’origine immigrée en lieu et place des injustices de classes, de l’argent-roi.

Voilà comment, loin d’une assimilation forcée, l’intégration est définie comme un beau projet humaniste et laïque tel que le Haut Conseil à l’Intégration le propose : « Sans nier les différences, en sachant les prendre en compte sans les exalter, c’est sur les ressemblances et les convergences qu’une politique d’intégration met l’accent afin, dans l’égalité des droits et des obligations, de rendre solidaires les différentes composantes ethniques et culturelles de notre société et de donner à chacun, qu’elle que soit son origine, la possibilité de vivre dans cette société… »

Ce qu’il faut, si l’on veut conjurer le danger de la fin de ces beaux principes, c’est dénoncer et combattre sans relâche le racisme et les visées de division d’un libéralisme par ses « marchands du temple » qui a fait du communautarisme son instrument de pérennisation comme fin de l’histoire.

 

« Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au-dessus de celles-ci (…) Les femmes vertueuses sont obéissantes et soumises (…) Vous réprimanderez celles dont vous aurez à craindre l’inobéissance ; vous les relèguerez (…) Vous les battrez (…)


Lorsqu’il entra dans Jérusalem, toute la ville fut émue, et l’on disait : Qui est celui-ci ?
La foule répondait : C’est Jésus, le prophète, de Nazareth en Galilée.
Jésus entra dans le temple de Dieu. Il chassa tous ceux qui vendaient et qui achetaient dans le temple ; il renversa les tables des changeurs, et les sièges des vendeurs de pigeons.
Et il leur dit : Il est écrit : Ma maison sera appelée une maison de prière. Mais vous, vous en faites une caverne de voleurs.

 

Guylain Chevrier.


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