OFII : Qui gère l’immigration et l’intégration en France ?

par Lettres de Strasbourg
samedi 19 janvier 2013

Procédant à une purge de bon aloi, François Hollande a dernièrement remplacé Arno Klarsfeld à la tête de l’Office français de l’immigration et de l’intégration par Rémy Schwartz, actuel conseiller d’Etat, missionné par le ministre Peillon sur l'enseignement laïc. Le remplacement d’un ancien proche de Nicolas Sarkozy[1] par un énarque, ayant fait armes dans divers corps d'état (liés aux questions d'immigration, d'intégration et de laïcité), ancien rapporteur du Haut conseil à l’intégration et depuis longtemps proche des socialistes, a tout de logique et a priori de salutaire, tant Arno Klarsfeld est de cette génération de people politico-mondains parasites qui pullulèrent du temps de Sarkozy[2] et n’avaient pas l’avantage de cacher leur détestation de la France par une présentation, un cursus et une tenue minimum. Enfin, Arno Klarsfeld, malgré un positionnement pro-Israëlien notoire et carabiné -et en totale adéquation avec les vues profondes du Parti Socialiste- était allé jusqu’à soutenir avec entrain les récents bombardements israéliens sur la bande de Gaza. Ce qui pouvait aussi, gêner l'hypocrite tromperie socialiste à ce propos. Le 15 Janvier 2013, un décret présidentiel signifie le renvoi de l'ancien avocat des Fils et Filles de déportés de France et la nomination de Rémy Schwarz. Que l’on soit rassurés, l’entourage de François Hollande n’aura ni choisi un antisioniste de gauche, et encore moins un grand commis de la Nation en la personne de Rémy Schwarz. Néanmoins, malgré la pugnacité de notre billet, gageons d'avance que l'impressionant cursus universitaire et professionnel du nouveau président restaurera au moins un peu d'un sentiment de "normalité" à la tête de cette instance plus stratégique et l'on ne l'imagine.

Une purge souhaitable et prévisible. 

De son coté, l’avocat franco-israélien Arno Klarsfeld, à l’annonce de son licenciement, afficha peu d'éttonement, tout en saluant avec sport la compétence (infiniment plus haute, en effet) de son remplaçant :

« La gauche est plus sectaire que la droite sur les nominations. Mais en gros, je m’en fous de me faire virer, ce qui compte, c’est le discours de François Hollande sur le Vel d’Hiv ». Intéressant. A croire que le seul objet du mandat du désormais ex-président de l’OFII était de poursuivre le criminel commerce d’opprobre jeté chaque année sur l’honneur de la France, en continuant à la rendre indument coupable, elle et son peuple, de toutes les ignominies du passé.

Très critiqué pour sa gestion pour le moins chaotique et débraillée de l’OFII (Pierre Henry, directeur général de France Terre d’asile va même jusqu’à se demander « comment il a pu rester à la tête de l’OFII pendant 7 mois »), le débarquement d’Arno Klarsfeld était autant une question politicienne, que purement professionnelle ; son incompétence ayant été relevée par tous. En revanche, son activisme assumé, mais passionné envers un Etat tiers, ne semblat jamais poser le problème de compétence et de loyauté dont nous parlons. Là encore, Mr. Klarsfeld a tout à fait le droit de mener ses propres combats de citoyen. Il s'agit là de la question de l'indépendance d'un organisme d'état d'une importance centrale à l'heure de la mondialisation et de la maitrise des puissants flux transnationaux de toutes sortes.

Peu d’attention politique pour une agence d’Etat essentielle.

Disons simplement, pour se faire avocats du diable, que le style flamboyant et l’orientation très peu patriote du personnage, enjoignait peu le sort à en faire un efficace dirigent d’une agence de l’état, qui rappelons-le, est d’une importance stratégique énorme pour la cohésion nationale, puisque les missions de l’OFII sont :

« L’accueil et de l’intégration des migrants pendant les cinq premières années de leur séjour en France. Il a également pour missions, l’accueil des demandeurs d’asile, les aides au retour et à la réinsertion participant au développement solidaire, ainsi que la lutte contre le travail illégal.

Dans ce cadre, il travaille avec tous les acteurs institutionnels en France et à l’étranger, préfectures, postes diplomatiques et consulaires, afin d’apporter la meilleure offre de service aux publics migrants et aux employeurs d’étrangers en situation régulière.

Depuis le 1er septembre 2009, l’OFII a la charge de valider le visa de long séjour valant titre de séjour des étrangers conjoints de français, étudiants, visiteurs ou salariés.

L’OFII est représentée par 53 directions territoriales, délégations ou plateformes hébergées qui permettent de couvrir l’ensemble du territoire national. À l’étranger, l’OFII est représenté dans huit pays : Maroc, Tunisie, Turquie, Roumanie, Mali, Sénégal, Canada, Cameroun.

L’OFII gère les procédures de l’immigration professionnelle. Il est l’interlocuteur des entreprises qui souhaitent embaucher des salariés étrangers.

L'OFII reçoit les demandes de regroupement familial et effectue, en cas de carence du maire, le contrôle du logement et des ressources du demandeur. Après la décision favorable au regroupement familial prononcée par le préfet et la délivrance du visa par le consulat, il aide le demandeur du regroupement familial à préparer l’arrivée et l’installation de sa famille en France.

L’OFII propose des aides au retour et des aides à la réinsertion dans le pays d’origine. L’OFII verse une aide au retour volontaire aux étrangers en situation irrégulière qui souhaitent regagner leur pays. Il propose également une aide au retour humanitaire à ceux (en particulier les déboutés du droit d’asile) qui sont sans ressources.

L’OFII est responsable du premier accueil des demandeurs d’asile. Il gère le dispositif national d’accueil (hébergement en CADA).

L’OFII a pour mission d’accueillir le primo-arrivant et d’organiser son parcours d’intégration. Celui-ci débute dès le pays d’origine et se prolonge sur le territoire national avec la signature du contrat d'accueil et d'intégration (CAI).

Depuis le 1er septembre 2009, les titulaires de visas de long séjour à l’exception des ressortissants algériens et des bénéficiaires de cartes pluriannuelles ne sont plus astreints à demander une carte de séjour en préfecture. Leur visa vaut titre de séjour. Ils doivent cependant faire valider ce titre lors de leur arrivée en France à l’occasion de la visite d’accueil, la visite médicale ou la signature du contrat d’accueil et d’intégration dans la direction territoriale de l’OFII la plus proche de leur domicile. »

Vous l’aurez compris. L’OFII n’est en rien une obscure agence de communication d’état destinée à créer quelques emplois fictifs. Mise en place en 2009, l’OFII n’est rien de moins que la nouvelle appellation de la défunte ANAEM (Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations) lorsqu’il fut décidé d’une fusion partielle avec l’ACSE (Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances).

Bien sûr, l’ANAEM, crée en 2005, était elle-même la déclinaison de l’ancien OMI (Office des Migrations Internationales), crée en 1988, lui-même refondation de l’office historique de la gestion de l’immigration de travail, d’asile et de regroupement en France, que fut l’ONI (Office national de l’Immigration), crée par ordonnance du 2 novembre 1945.

Il y eut avant cela, d’autres organismes d’Etat, avant comme après-guerre, liés aux influences du grand patronat et des milieux politico-industriels, comme nous le savons. Mais entre la fin des années 1980 et le milieu des années 2000, la gestion politique de l’immigration aura des accents de plus en plus sociétaux et politiciens. Paradoxalement d’ailleurs, à un discours qui se veut, notamment à droite (et même à gauche récemment, à l’instar du Ministre de l’intérieur Valls[3]), particulièrement ferme sur ces questions.

Qui influe exactement sur la gestion de l’immigration et de l’intégration en France aujourd’hui ?

Ce qui nous intéresse, c’est l’actualité de cet OFII, dont nous ne pouvons nullement minimiser l’importance, ni l’étendue des actuelles fonctions, puisqu’il est et demeure l’un des principaux canaux de régulation de l’immigration en France. Une immigration qui demeure encore un enjeu sérieux placé au cœur de la grande crise nationale, même si partiellement (et presque paradoxalement[4]) éclipsé par la crise économique et les sujets sociétaux. Qui a un tant soit peu étudié l’histoire de l’immigration au XXe siècle en France, connait les liens indubitables qui existent depuis longtemps entre les syndicats du grand patronat, la droite d’affaires et l’Office de l’immigration. Un amuseur médiatique tel qu’Arno Klarsfeld, ne devait évidemment pas

 Or, l’alternance gouvernementale à gauche aujourd’hui, porte inévitablement à la présidence de l’OFII, un commis de l’Etat, qui a déjà à son actif, le rapport de la Commission Stasi sur la laïcité, qui avait alors conduit à la proposition et au vote de la loi du 15 Mars 2004 (Loi sur les signes religieux distinctifs et ostentatoires). Monsieur Schwarz, avait en outre été le rapporteur d’un projet de création d’un musée de l’immigration (actuel palais de la Porte Dorée) auprès du ministre Jospin en 2001. Nous tenons donc ici, un haut fonctionnaire de bonne tenue, qui contrastera par sa « normalité » avec son prédécesseur, un peu comme cela s’est fait de N.Sarkozy à F.Hollande. Remarquons aussi que Rémy Schwarz est actuellement chargé par le ministre de l’éducation Peillon, de la remise d’un rapport sur l’enseignement de la morale laïque à l’école, dont la forme finale doit être rendue en mars prochain.

Pour autant, personne n’aura manqué de noter que cette alternance apparente à la tête de l’OFII, ne sera que de peu d’effets. Il est d’ailleurs assez amusant et pour le moins cocasse de la part du ministre Peillon, d’avoir chargé le président de la communauté juive libérale d’Ile-de-France, comme rapporteur à un projet d’enseignement laïc à l’école républicaine. Mais qu’importe. Ce qu’il y a là d’intéressant, c’est que ce haut fonctionnaire, apparemment adepte complet du consensus de l’arc laïco-républicain, recèle ses propres contradictions, comme dans cette lettre adressée à Jacques Chirac et Bertrand Delanoe en Décembre 2007, dans laquelle il réclame des fonds d’états pour un centre communautaire[5] bénéficiant d’un bail emphythéotique de 50 ans, ainsi que d’une récente subvention de 250.000 euros.

A vrai dire, nous n'avons rien à reprocher à Monsieur Schwarz, concernant ses activités communautaires, qui ne regardent que lui, mais qui commençent à concerner le citoyen dès lors qu'un commis de l'Etat, missionné sur des questions relatives à la laïcité, à l'intégration, à l'immigration et à la cohérence nationale, semble clairement s'inscrire dans une démarche contraire à l'intêret général, une demanche qui rend Monsieur Schwarz aussi impropre à tenir les responsabilités pour lesquelles il vient d'être nommé, que son prédécesseur. Mais là encore, la responsabilité de sa nomination incombe entièrement au Président de la République. 

La gestion de l’immigration et de l’intégration, confiée à des antinationaux ?

Enfin, la constante la plus remarquable depuis quelques années et tout particulièrement depuis que Nicolas Sarkozy est ministre de l’intérieur, c’est la présence à la tête de l’Office National de l’Immigration de présidents du conseil d'administration, pour le moins suspects d’entretenir un loyalisme et un interêt limités pour la cause nationale française. Mieux, comment peut-on confier des missions aussi stratégiques, à des binationaux ayant servi pour des armées étrangères (Arno Klarsfled), ou à d’autres faisant montre de leur attachement indéfectible à d’autres Etats que celui qu’ils prétendent servir (Rémy Schwarz). Dominique Paillé, premier président de l'OFII, ancien socialisant, passé par l’UDF, puis par l’UMP, avait maints défauts, dont celui de promouvoir un peu trop naïvement une gouvernance mondiale pour les années à venir. Son débarquement de fonction en Septembre 2011 avait alors été expliqué par son ralliement à Jean-Louis Borloo dans les épisodes de délitement de la défunte base sarkozyste. Renvoyé à ses tambouilles de province, Paillé céda le pas au gesticulant et insolent Arno Klarsfeld, ce qui suscita à l’époque une vive, mais silencieuse indignation politique, autant pour le manque de loyauté évidente de l’intéressé, que pour son manque total de compétences pour le poste en question. On pourrait en effet, trouver intéressant et même troublant, que la responsabilité de l’Office de l’immigration nationale soit ainsi constemment confiée à de telles personnes, comme s'il existait désormais une prébende communautaire sur cette Office. Une passassion progressive, de l'influence du grand patronat, vers une influence plus politicienne et poursuivant en conséquence, des objectifs plus idéologiques, qu'économiques. Compétents ou non, c’est de la probité et de l’indépendance de ces responsables qu’il s’agit, ou qu'il s'agira de rétablir, autant dans les offices en charge des questions de l'immigration et de l'intégration, que dans les agences d'état relatives à la diplomatie, aux finances et à l'économie.

Il faut le dire avec vigueur : le gouvernement fait erreur en se soumettant ainsi et en soumettant encore nos organismes de gestion des questions migratoires et d’intégration, à de tels risques. Mais ne jouons pas nous mêmes, de trop de naïvetés feintes : le peu d’attention que l’on porte encore de nos jours à ces vieux organismes d’Etat, et à qui les dirigent, est tout à fait révélateur de la confusion des esprits et de la carence analytique actuelle, même parmi nos milieux de la résistance intellectuelle. Ce n’est pas le doigt qu’il faut regarder, mais la Lune. Gloser sans fin sur les chiffres réels de l’immigration, sur les effets nombreux, positifs ou négatifs, de ses formes massives ou contrôlées, cela n’a aucun sens si l’on ne s’attache pas à savoir qui se tient exactement à la manœuvre, et si cela semble porter effet sur les politiques que sont chargées d'appliquer ces agences.

La question migratoire demeure un sujet de société important, qui après des décennies d'application libérale en la matière, nécessite plus que jamais les résolutions les plus raisonnables et les plus subtiles pour le futur. Comme l'a démontré l'analyse approfondie d'un rapport du Conseil d'Analyse Economique en 2009[6], la corrélation entre la demande vorace du Grand Capital (BTP, restauration entre autres) en matière d'immigration plus ou moins choisie, et la pression à la baisse ou à la stagnation des salaires nationaux est établie comme évidence économique. Or, le grand Capital et ses zélateurs auprès des Etats d'Europe, continuent de promouvoir ces stratégies. Ainsi, nous sommes curieux de voir ce que compte faire Rémy Schwarz et le gouvernement socialiste, contre les menées du grand Capital. Continueront-ils la politique d'immigration choisie, qui ne fait que piteusement cacher les chiffres désastreux de la décennie Sarkozy ? 

Il ne s'agit évidemment pas de faire accroire que la pression migratoire ordonnée encore aujourd'hui par le grand Capital, serait l'unique obstacle à la libération du pouvoir d'achat ou de l'emploi en France. Nous savons bien sûr et nous répétons que d'autres causes, plus importantes encore, existent, comme la question monétaire. Mais en laissant persister cet état de fait, la caste politique UMPS contribue toujours davantage à réduire les chances d'une société apaisée. Au contraire. Si le sujet ne fait guère débat pour l'heure, il finira par surgir avant la fin du mandat de Monsieur Hollande. Il faudra alors espérer que les politiciens ne se saisissent pas abjectement du sujet en le calquant avec la crise sociale qui gronde déjà.

Marie-Louise de Dettlingen, pour les Lettres de Strasbourg.


[1] Mr. Klarsfeld fut un temps l’amant de Carla Bruni, quelques temps avant que cette dernière n’épousât Nicolas Sarkozy.

[2] Et encore aujourd’hui, cf. Yasmina Benguigui.

[3] Celui-ci, comme par un réflexe de prudence tactique, s’est empressé d’indiquer aux médias qu’il avait « beaucoup de respect » pour les parents du licencié Klarsfeld.

[4] Néanmoins, on craint encore que les trente à quarante dernières années d’immigration et de non-politique d’intégration accumulées sans grandes mesures de réforme, et les politiques contradictoires vis-à-vis des phénomènes de communautarisme et chocs de civilisations, n’apportent sur la France les conséquences finales et extrêmes de ces dynamiques ayant favorisé l’immigration de masse, depuis les années 1962-68.

[5] http://www.cjl-paris.org/SP/spip.php?article60

[6] http://www.marianne.net/Immigration-pourquoi-le-patronat-en-veut-toujours-plus_a192252.html?com#comments

 


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