Parler de radicalisation de la laïcité est scandaleux
par Laurent Herblay
samedi 30 décembre 2017
« Vigilant » face au risque de « radicalisation de la laïcité » : voici ce qu’a confié Macron aux différents représentants du culte quelques jours avant Noël. Des propos révoltants, d’abord par le parallèle totalement effarant induit par l’utilisation du terme radicalisation, mais aussi par la vision très anglo-saxonne et communautariste que cela revèle du locataire de l’Elysée.
Comparer ce qui n’est absolument pas comparable
Le terme de « radicalisation » n’est pas neutre dans le débat public. Il renvoie depuis quelques années aux personnes parties faire le djihad en Syrie, ou aux terroristes qui ensanglantent nos pays. La radicalisation décrit aujourd’hui un processus qui peut mener à des comportements criminels, même si cela n’est pas toujours le cas. Voilà pourquoi induire une comparaison entre des « radicaux laïcs » et les radicalisés dont nous parlons habituellement est absolument indigne. Combien de victimes des « radicaux laïcs » ? Faire le moindre parallèle entre les radicalisés islamistes et certains défenseurs d’une vision laïque de notre société, quels qu’ils soient, est totalement abusif, pour ne pas dire plus.
Les premiers tuent, les seconds parlent, dans le cadre de nos lois qui plus est. Comme Philippe Val, qui avait demandé à Mélenchon des exemples concrets pour illustrer cette « laïcité instrumentalisée pour faire la guerre aux musulmans », on cherche encore des faits concrets venus de défenseurs de la laïcité qui pourraient être qualifiés de « radicalisation ». Et je ne parle pas ici d’un propos que certains trouvent malheureux, qui ne saurait être être qualifié de « radicalisation », tant ce terme renvoie aujourd’hui au terrorisme islamiste. Les mots ont un sens, et le gloubi-boulga de certains met sur le même plan des choses qui ne devraient en aucun cas être comparées aujourd’hui.
Car aujourd’hui, la radicalisation, c’est celle des islamistes. S’attaquer à des laïcs « radicalisés » comme le font Macron et Mélenchon, non seulement, c’est se tromper de cible, mais c’est faire un parallèle révoltant mettant sur le même plan les assassins de Charlie ou du Bataclan avec des personnes qui défendent des valeurs de manière parfaitement pacifique. Pourtant, il y a une différence de nature tellement fondamentale qu’elle devrait imposer un cloisonnement sémantique total. La question qui se pose derrière ces choix effarants, c’est l’agenda idéologique de ceux qui les font : ne s’agit-il pas de personnes aux idées volontiers communautaristes et souvent très critiques à l’égard de la France ?
Cela rappelle le discours d’Apparu qui dénonçait le « totalitarisme laïciste » en janvier 2015, épinglé par Natacha Polony dans « Nous sommes la France ». Cela fait aussi penser aux polémiques de cet automne sur les unes de Charlie Hebdo, qui ont valu une passe d’armes incroyable entre Edwy Plenel et Riss où le premier avait osé affirmer que « la une (de Charlie Hebdo) fait partie d’une campagne générale de guerre aux musulmans », s’attirant pour réponse un remarquable éditorial du second. La petite musique de Macron, Mélenchon ou Plenel est malheureusement une douce musique aux oreilles des vrais radicalisés qui peuvent en faire leur miel et directement les retourner contre nous.
Bref, non seulement une telle comparaison est indigne, mais elle apporte de l’eau au moulin des vrais radicalisés. Et plus encore, elle révèle sans doute la vision très multi-culturaliste de Macron, pas moins inspirée par les Etats-Unis que Nicolas Sarkozy avant lui, comme le montre le récent projet de loi qui réforme la loi de 1905, bien évidement dans le mauvais sens.