Paroles d’élèves en difficulté

par C’est Nabum
vendredi 7 septembre 2012

Pourquoi êtes vous là ?

vidéo : 

Savoir se situer, comprendre pourquoi ils sont là, identifiés comme élèves en difficulté, prendre la parole pour évoquer son parcours scolaire, exprimer ses doutes et ses attentes ; voilà une séance bien ordinaire à laquelle j'ai convié la nouvelle fournée de mes élèves.

La séance fut riche et émouvante, angoissante et j'espère utile. Ils sont passés un à un devant leurs camarades, assis devant l'assemblée attentive. Ils ne savaient que faire de leurs mains, ils se balançaient, se penchaient, regardaient ailleurs. Ils étaient mal à l'aise avec les exigences nouvelles pour eux d'une posture convenable et d'une prise de parole face au groupe.

Il fut nécessaire de leur expliquer quelle attitude est socialement attendue lors de cette situation, qu'on ne se vautre pas sur sa chaise, qu'on ne place pas les mains devant sa bouche, qu'on ne se gratte pas et qu'il faut regarder les gens à qui l'on parle y compris quand c'est un adulte.

Puis il a fallu exiger le respect et l'écoute, demander que personne ne se moque, dire que la parole n'est pas source de moquerie, qu'il faut garder le silence quand un autre parle. Cette première séance a brisé la représentation habituelle de la classe. Le professeur au fond, un élève assis devant le tableau et qui a la parole, des camarades qui commentent et expriment des remarques constructives sur la dernière intervention.

Ainsi, les langues se sont déliées. Ils se sont présentés et beaucoup ont omis de décliner leur patronyme comme s'il n'était qu'un prénom. Une seule a évoqué ses origines, cette richesse que chacun porte en lui et qui lui fut donnerée par une histoire familiale. Personne n'a décrit sa famille, ses parents, ses frères et sœurs. L'école semble fermer la porte à ce qu'ils sont vraiment …

Puis vint la longue litanie des difficultés qui les ont conduits dans l'enseignement spécialisé. Certains se sont qualifiés de nuls, il a fallu m'indigner de cette appellation qui ne peut définir un individu. Je leur ai expliqué qu'il y avait des défauts certes mais aussi beaucoup de richesses en chacun d'entre eux. Que nul n'était rien et que personne ne pouvait mériter pareil verdict !

Alors ils ont parlé d'une langue qu'ils ne maîtrisent pas, de mots qu'ils ne comprennent pas, de formes grammaticales qui leur échappent, d'une orthographe qui est plus qu'aléatoire. Parfois, ils usent de mots que je ne peux accepter, je demande une autre formulation, elle ne vient pas toujours, le vocabulaire manque bien souvent. Pour beaucoup encore le calcul est encore une pierre d'achoppement. La division rebute, elle se dérobe, elle est problème insoluble.

Mais ce sont là les symptômes d'un mal être à l'école. Il faut accepter d'aller plus loin pour expliquer ce passé scolaire douloureux. L'une évoque une maîtresse qui ne l'aimait pas, l'autre avoue timidement un conflit avec un professeur qui a dégénéré en pugilat ! Beaucoup parlent de leur comportement. Il y a l'agitation, le manque de concentration, l'ennui, le peu de goût pour l'école, l'incompréhension, le manque de respect des uns vis à vis des autres.

Au fil des interventions, le silence se fit vraiment, l'écoute était présente, les rires s'évanouirent et les paroles plus fortes. D'autres propos arrivèrent. Beaucoup parlent une ou deux autres langues héritées de familles qui n'ont pas oublié ce merveilleux héritage. Hélas, aucun n'écrit sa langue maternelle. Je devine que l'écrit est bien sûr, cette année encore, ce qui fait mal !

Alors, ils terminent cette séance par la copie soignée d'un texte qui parlent d'eux, des grands moments de leur année à venir, des échéances qui vont se présenter à eux, des choix qu'ils feront bien des années avant leurs camarades qui sont dans le cycle général.

Dans moins de six mois, ils feront un premier choix, une première bifurcation professionnelle, une indication plus qu'une orientation définitive avant de chercher un stage pour découvrir le monde du travail. Ils sont enfants malmenés par l'école et leurs échecs, ils devront vite grandir, devenir adolescents et choisir un secteur professionnel. C'est rapide, c'est prématuré, c'est complexe, c'est si aléatoire si on ne leur ouvre pas les portes de la parole et de la réflexion sur eux-mêmes !

Dialoguement leur.


Lire l'article complet, et les commentaires