Pas toujours facile de dormir en centre-ville !

par Fergus
jeudi 21 juin 2012

Je parle ici de Rennes, mais sans doute observe-t-on le même phénomène dans la plupart des métropoles régionales, à l’instar des quartiers animés de Paris. En 5 ans de vie dans la capitale bretonne, les nuits troublées par des évènements extérieurs à mon appartement se comptent par dizaines malgré le double vitrage. Petit florilège...

Comme chacun sait, la population jeune de Bretagne, et particulièrement celle de la métropole rennaise se situe au top en matière d’alcoolisation à la bière et à la vodka. Elle flirte également avec les cimes de la consommation de cannabis. Elle se caractérise en outre par un goût prononcé pour la « teuf ». Pas de quoi s’en inquiéter car, paradoxalement, le mix de ces trois « stimulants » semble être un moteur particulièrement efficace pour la réussite des élèves et des étudiants : depuis longtemps, la région Bretagne collectionne en effet les excellents résultats scolaires et universitaires, au point de truster, année après année, les premières places et les podiums dans les palmarès nationaux. Mais chut, je ne vous ai rien dit : inutile de divulguer les recettes de cette insolente réussite aux autres régions françaises.

Naturellement, il y a un prix à payer pour cette excellence. La facture est présentée sous la forme de quelques atteintes à la tranquillité des résidents, notamment le jeudi soir lorsqu’une bonne partie des 60 000 étudiants de Rennes (un quart de la population !) se lâche dans les bars du centre-ville. Il semble pourtant bien tranquille, le quartier où j’habite, avec son Conservatoire de musique, son école des Beaux Arts et ses façades classées. Rien à voir avec la médiévale « rue de la Soif » et les places qui l’environnent ; des lieux où, à l’exception du dimanche et des jours fériés, les riverains doivent s’habituer : soit à ne pas se coucher avant 2 heures du matin, soit à s’équiper toutes les nuits de Boules Quiès® régulièrement renouvelées pour le bonheur des pharmaciens locaux. Vendre ou louer un appartement dans ce secteur est d’ailleurs une véritable galère dont tous les agents immobiliers se font l’écho avec fatalisme. Mais revenons à mon domicile et à mon quinquennat rennais...

Le ton a été donné, dès mon emménagement, par la rentrée universitaire : arrosage et bizutage étant les deux mamelles bien connues de l’exercice, j’ai d’emblée dû faire face à de joyeux chahuts estudiantins, à la fois bruyants et croquignolets, à l’image de ces bains nocturnes à poil dans la fontaine de la place Hoche sur laquelle donnent mes fenêtres.

Impossible évidemment de comptabiliser tous les réveils intempestifs liés à des hurlements dans la nuit, pas toujours – il est important de le souligner – le fait des étudiants, mais aussi de fêtards bien déchirés et à peu près aussi soucieux de la tranquillité du voisinage que des chats en rut. Un comportement (je parle de celui des fêtards, pas de celui des matous) qui s’inscrit, paraît-il, dans l’air du temps, comme l’on souligné d’éminents sociologues.

Les vocalises de Caruso

Sans doute pourrait-on s’habituer à ces pics nocturnes de décibels alcoolisés s’ils étaient furtifs et surtout s’ils n’étaient pas, de temps à autre, complétés par des manifestations à caractère culturel. Passe encore pour le duo irlandais de flûte et de bodhran qui m’a, une nuit de printemps, tiré de mon sommeil. Beaucoup plus redoutable : le récital de djembé que j’ai dû longuement subir à partir de 3 heures du matin ; énervé au bout de 10 minutes, je frisais la démence une demi-heure plus tard ! Plus supportables, bien que tout aussi déplacées au cœur de la nuit, les vocalises de « Caruso », un ténor ayant parfois tendance, pour interpréter La Traviata, à confondre la rue rennaise avec la scène de l’opéra.

Si la musique est au programme des nuits de la métropole bretonne, c’est également le cas du sport, tantôt sous la forme d’une compète improvisée de frisbee, tantôt sous celle d’un tournoi de foot, quand ce ne sont pas des figures exécutées par des adeptes de la planche à roulettes, le tout systématiquement ponctué de cris de satisfaction ou de dépit dont il est important que tout le quartier profite.

En général, tout cela se passe malgré tout dans un calme relatif, et les disputes sérieuses sont plutôt rares. Mais elles peuvent parfois prendre un tour périlleux, comme cette fois où deux jeunes noctambules se sont affrontés sous mes fenêtres, l’un vociférant, l’autre mutique. Problème : le mutique pointait, en tremblant d’une colère mal contenue, un couteau de cuisine d’une trentaine de centimètres sur le vociférant, ce dont celui-ci n’avait cure, emporté par son agressivité largement imbibée de vodka. L’arrivée opportune d’une patrouille de flics a mis fin sans dommage à l’algarade avant même que j’aie eu le temps de réagir. Rarement je n’avais été si content de voir surgir les keufs !

Passons sur les aboiements de chiens, qu’ils s’agisse de ceux des SDF ou de ceux des vigiles affectés à la garde des barnums implantés sur la place pour fait d’animation publicitaire ou artisanale, pour en venir aux démarrages de moto à fond les décibels : un seul démarrage de ce type, et ce sont des centaines de riverains qui, à chaque fois, sont brutalement tirés de leur sommeil pour le seul plaisir d’un individu.

Dans le genre insupportable, la palme revient toutefois aux soirées techno régulièrement organisées, toutes fenêtres grandes ouvertes, par un groupe de jeunes en mal d’ivresse sonore. Des jeunes qui, de leur propre aveu à des voisins excédés, n’ont « rien à battre » du repos des riverains à 2 ou 3 heures du matin, comme si toute la société devait se conformer à leurs horaires de « teuf ».

Notez bien que l’on finit malgré tout par se rendormir, épuisés par le boum-boum de la techno, les vrombissements des motos, le lancinant tam-tam du djembé ou les hurlements nocturnes. Mais c’est pour subir alors, entre 6 h 30 et 7 h, l’incroyable raffut des engins de nettoiement dont on se demande comment, en 2012, ils peuvent encore être aussi bruyants. Et cela sans oublier les moteurs des camions de livraison frigorifiques, stationnés dès potron-minet en attendant l’ouverture de la supérette du quartier, ou les violents coups portés à l’aide d’une grosse clé métallique par le livreur de la minoterie pour faire tomber la farine qui adhère aux parois de la citerne lorsqu’il livre le boulanger.

Et dire que certains se plaignent du calme de la campagne…


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