Pederzoli et la Shoah : plainte au pénal

par Paul Lémand
mardi 1er mars 2011

Après une sanction de deuxième catégorie de la part de sa hiérarchie, la professeure d'Histoire de Nancy passe à l'offensive.

Le 24 novembre 2010, l'association Primo lançait un appel en faveur de Catherine Pederzoli. Aujourd'hui, elle mène une contre offensive.

Madame PEDERZOLI est professeur certifié d’Histoire- Géographie depuis plus de 30 ans.

Elle organise depuis plus de 15 ans dans les différents établissements où elle a eu l’occasion d’être affectée, un voyage annuel en Pologne et des visites de camps d’extermination, dans le cadre d’un projet pédagogique rattaché au programme d’histoire et notamment à la partie du programme ayant trait à l’enseignement de la Shoah.

Elle était en poste au Lycée Henri LORITZ de NANCY depuis 1999 et y organisait donc ces voyages chaque année.

Ces dernières années, le voyage et plus généralement l’ensemble du projet pédagogique de Madame PEDERZOLI a fait l’objet d’une totale et incompréhensible remise en cause par ses autorités.

Il a été notamment reproché à Madame PEDERZOLI d’accorder une place trop importante à l’histoire de la Shoah au détriment – prétendument - du reste du programme.

A la suite d’une note du 23 mai 2010, une « instruction » a été menée, donnant lieu à un Rapport de l’Inspection Générale rendu en juillet 2010, hautement critiquable, et ceci sans que les explications et justifications de Madame PEDERZOLI soient entendues.

Il a été reproché à Madame Pederzoli d'employer le mot « Shoah » à 17 reprises.

Pourtant, dans le Bulletin Officiel de l’Education nationale du 17 juillet 2008 actuellement en vigueur, le mot Shoah est utilisé 11 fois, tandis que le mot génocide ne figure qu’une seule fois… !!

Dès lors, en déniant à la Shoah son caractère d’évènement particulier et en préconisant de préférer dans le cadre de son enseignement le terme de génocide, les inspecteurs sont allés à l’encontre du programme scolaire et des instructions officielles de l’éducation nationale.

Et ce – qui plus est – à l’occasion d’une inspection susceptible de mettre en jeu la carrière d’une enseignante !

S’en est suivie une mise à pied de 4 mois, sanction extrêmement grave pour un professeur. Elle a par ailleurs subi – encore une fois sur la base de ce rapport – une sanction dite de deuxième catégorie consistant en une mutation dans un autre lycée.

Le premier volet de cette affaire, qui concerne l’aspect administratif est clos. Catherine Pederzoli a subi cette mise à pied de 4 mois, avec diminution drastique de son salaire. Elle a retrouvé un poste dans un autre lycée de Nancy.

Après tout, certains pourraient avoir la tentation de laisser l'affaire en l'état et se contenter de dire à Catherine : "l’affaire est classée, contentez-vous de ce que vous avez".

Cela ne serait ni juste à l'égard de ce qu'il faut considérer comme essentiel, ni respectueux de la souffrance de Catherine Pederzoli. Le corps de l’Éducation nationale ne peut s’en dégager.

Il y a eu, en cette affaire, trop de réflexes corporatistes, trop de médisances, trop de suffisance pour accepter de les passer sous silence.

Et, plus grave, il y a eu trop d’atteinte à la liberté d’enseigner la Shoah à des générations d’enfants.

Le temps de la défensive est achevé. Vient maintenant le temps de l’attaque.

Au-delà du cas de Catherine Pederzoli, il est important de comprendre qu’à des degrés divers, plusieurs professeurs sont quotidiennement agressés pour leur enseignement.

IUFM, collèges, lycées… certains professeurs d’Histoire ou de science sont quotidiennement en butte à des agressions, vexations et intimidations.

Ces agressions sont également le fait, non seulement de certains élèves mais aussi, - et c’est le plus grave – de certains syndicats du corps enseignant, avec l’accord tacite de l’encadrement.

Maître Di Caro, l’avocat de Catherine Perderzoli, s’est concentré sur une plainte au pénal. Et cette plainte vient d’être déposée sur le bureau du procureur de la République.

Il vient, en accord avec Catherine Pederzoli, de déposer plainte auprès du Procureur de la République afin d’engager toute poursuite utile contre X pour s’être rendu coupable et/ou complice de discrimination à l’encontre de Madame Catherine PEDERZOLI, entre les mois de mai 2010 et janvier 2011, faits prévus et réprimés par les articles 225-1 et suivants du Code Pénal.

Si cette plainte aboutit, elle pourrait faire jurisprudence en faveur de ces professeurs qui se battent, dans l'anonymat, pour continuer, à enseigner leurs élèves sur ce crime contre l'humanité que constitue la Shoah.

Elle apportera la preuve que l’enseignement de la Shoah, ce crime imprescriptible, est une nécessité absolue, un DEVOIR de mémoire insurpassable.

Elle porte le fer là où il doit être porté, c'est-à-dire là où se trouvent ceux qui font profession d’enseigner.

Enseigner la Shoah, lutter contre l'oubli

Il faut considèrer que l’enseignement ne peut être pratiqué en fonction de préjugés manichéens où le commentaire l’emporte sur le fait.

Il appartient à l’Éducation nationale, surtout en France, pays qui n’a pas été à la hauteur de ses principes, de donner aux jeunes générations les clés de lectures impartiales pour comprendre l’actualité.

Plus que jamais, l’enseignement de la Shoah est indispensable pour dénoncer la perversion et la monstruosité de certaines idéologies que l’on voit fleurir depuis des décennies.

En parallèle, il est grand temps de convoquer ce grand corps qu’est l’Éducation nationale devant l’Histoire afin qu’il rende des comptes sur son attitude, en tant qu’administration, durant la dernière guerre.

La SNCF, avec retard, vient de s'y livrer. L’Éducation nationale serait bien inspirée d’en faire autant afin de se prémunir de toute partialité.

Trop peu nombreux ont été les professeurs et instituteurs qui, à l'instar de Christiane Faure, belle-soeur d'Albert Camus, ont résisté à l'application des lois portant statut des juifs en France.

Enseigner, et surtout l'Histoire, exige de ne pas oublier le passé, surtout celui de sa propre institution.


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