Permis de conduire : le gouvernement va-t-il (enfin) appliquer la loi Macron ?

par PatLegault
samedi 29 juillet 2017

C’est une réalité, le permis de conduire n’attire plus les jeunes français, surtout ceux qui vivent dans les grands centres urbains. Le prix et les délais sont les principales causes de ce désamour pour le fameux papier rose. Le système est grippé, et ce malgré la loi Macron de 2015 qui avait pour objectif de libéraliser le secteur. Des progrès notables ont certes été réalisés, notamment depuis l’arrivée des auto-écoles en ligne, mais le permis de conduire souffre toujours des mêmes maux. Et seule l’Autorité de la concurrence semble s’émouvoir de ce chantier délaissé par un Emmanuel Macron pourtant devenu président de la République.

Le permis de conduire est-il appelé à disparaître  ? Ceux qui misent sur les voitures autonomes comptent les années avant que le précieux sésame devienne obsolète. D’autres en revanche regardent la manière dont fonctionne le système actuel et remarquent que de plus en plus de Français se détournent du papier rose, et ce pour des raisons qui sont majoritairement liées à un seul et même facteur : le monopole des auto-écoles traditionnelles. 

Depuis toujours, celles-ci règnent sans partage sur un marché où les clients — c’est-à-dire les apprentis conducteurs — sont en position de faiblesse, à la merci du bon vouloir des patrons d’auto-écoles. Fin 2014, Delphine Granier, analyste au think tank Génération Libre, déplorait d’ailleurs que «  le système actuel repose sur le monopole des auto-écoles qui rend la clientèle captive  ».
 
Une loi pourtant prometteuse
 
C’est pourquoi, en 2015, Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, lance un projet de loi visant à ouvrir ce secteur à la concurrence. L’objectif était, entre autres, d’avoir plus d’examinateurs afin de réduire des délais de passage beaucoup trop longs. En 2015, il fallait en effet compter environ 95 jours avant d’obtenir une date pour l’examen pratique et gare à ceux qui le rataient. Dans ce cas, il fallait en moyenne plus de trois mois avant d’avoir l’opportunité de le repasser. 

Et ces trois mois s’accompagnaient inévitablement de frais supplémentaires (heures de conduite majorées, etc.) ce qui ne manquait pas de faire fuir, à juste titre, bon nombre de candidats quelque peu désœuvrés. Avec un budget final supérieur à 2 000 euros, le permis était devenu inaccessible à bien des jeunes, et ce malgré l’introduction de dispositifs du type «  permis à 1 euro par jour  ».
 
Fort de ce constat alarmant, Emmanuel Macron s’est penché sur la question et a fait voter un texte, en 2015, autorisant des agents de La Poste à faire passer l’épreuve théorique du Code de la route afin de désengorger les centres d’examen et les auto-écoles. Une réforme qui a eu du mal à passer en raison de la réticence des professionnels du secteur qui ont vu d’un mauvais œil l’arrivée de nouveaux acteurs. 

Outre les agents de La Poste, cette réforme a également permis aux auto-écoles en ligne de se développer dans un cadre juridique plus certain. Des auto-écoles d’un genre nouveau dont l’arrivée n’a pas manqué d’irriter les auto-écoles traditionnelles férocement attachées à leur position de monopole.
 
Malheureusement, deux ans après la promulgation de ce fameux texte, la situation ne s’est améliorée qu’à la marge : en Normandie par exemple, «  le délai entre deux passages [pour l’examen pratique] est actuellement de 3 à 4 mois  », affirme Karl Raoult, directeur des auto-écoles CER qui portent son nom. Une situation que ce dernier ne trouve pas normale puisqu’«  Emmanuel Macron a fait une réforme justement avec le passage du Code de la route dans le privé pour diminuer les délais  ». Et de rajouter : «  n’ayant plus d’inspecteurs dans les salles de code, ils auraient dû faire plus d’examens en voiture  ». Ce qui n’est semble-t-il pas le cas.

Par ailleurs, une enquête publiée par Le Parisien à la fin du mois de juin révèle que 48 % des 18-24 ans ne passent pas leur permis pour des « raisons budgétaires » et ils sont autant (51 %) à confier qu'ils changeraient d'avis s'ils en avaient les moyens. Et preuve que la situation s’est détériorée ces dernières années, l’étude affirme qu’aujourd’hui, « 39 % des 18 à 20 ans possèdent un permis, contre 76 % des 21-24 ans. Il y a quatre ans, près de 3 sur 4 l'avaient déjà décroché avant leurs 20 ans... »

L’implacable constat de l’Autorité de la concurrence
 
La loi Macron n’est donc pas allée assez loin. Du moins, son application laisse encore à désirer. C’est en tout cas le constat de l’Autorité de la concurrence qui a publié un avis sur le sujet en mars 2016. Mais ce dernier semble être passé inaperçu. 

Dans cet avis, l’Autorité indique qu’elle «  se félicite de ces réformes qui vont dans le sens d’une plus grande efficacité économique, mais attire l’attention du gouvernement sur la nécessité d’assurer aussi une plus grande égalité des chances entre candidats à l’examen et dans la concurrence entre écoles de conduite  ». 

En cause, la manière dont sont réparties les places pour un passage devant l’examinateur. Leur nombre est défini en fonction de l’activité passée de chaque auto-école. Autrement dit, une auto-école installée depuis 10 ans obtient un plus grand nombre de places d’examen qu’une auto-école plus récemment créée, même si cette dernière dispose d’un plus grand nombre d’élèves… 

Un système que l’Autorité de la concurrence aimerait voir évoluer : «  afin que la méthode d’attribution des places ne fausse pas le jeu de la concurrence entre écoles de conduite, l’Autorité recommande que cette méthode ne repose pas sur l’activité passée de chaque établissement, mais tienne compte mensuellement de la réalité des besoins : à cet égard, le principal indicateur pourrait être le nombre de candidats ayant déjà réussi l’épreuve théorique et n’ayant pas encore réussi l’examen pratique (et ce quel que soit le nombre de présentations du candidat) au sein de chaque auto-école  ».
 
Malgré ce signal d’alarme émis par l’Autorité administrative «  chargée de veiller au bon fonctionnement concurrentiel des marchés, afin de garantir au consommateur les meilleurs prix et le choix le plus large de produits et de services  », force est de constater que rien n’a changé. 

Une situation d’autant plus surprenante que la loi dont il est question porte le nom de notre président. Et au regard de la chute de popularité que connaît Emmanuel Macron ces derniers temps, venir en aide aux 18-25 ans — dont le soutien manque cruellement à l’actuel résident de l’Élysée —, ne serait pas une mauvaise idée.


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