Plan social …

par C’est Nabum
samedi 2 novembre 2013

Le ministre du redressement lexical vous parle ...

Le redressement et ses revers.

Les annonces ne cessent de se suivre ; on brade, on casse, on ferme, on liquide à tour de bras dans notre beau pays qui envisage un jour de sortir de la crise. Heureusement, nous avons un ministère du redressement national ! On se demande aisément ce qu'il serait advenu sans ce merveilleux emplâtre sur une jambe de bois …

Mais le temps n'est pas à la critique des agitations vaines et pitoyables de notre bon bourguignon de service en marinière. Il est d'usage de ne pas tirer sur une ambulance, surtout si celle-ci tient davantage encore du corbillard de première classe. Nous n'avons plus que nos yeux pour pleurer la grandeur de notre pays et le redressement relève désormais de la méthode Coué

Ce qui m'exaspère au plus haut point c'est que nos chers médias continuent d'appeler « Plan social » une calamité qui ne mérite aucun des deux termes de cette formule creuse et déshonorante pour ceux qui en sont les victimes. Il me semble qu'un plan a toujours été destiné à construire quelque chose où à fixer une direction, une perspective d'avenir.

Où avez-vous vu la plus petite promesse de lendemains heureux dans cette kyrielle de mauvaises nouvelles ? Où sont les projets pour les pauvres ouvriers à qui l'on envoie cette maudite lettre de licenciement ? Quel destin pour ces sacrifiés de la conjecture, de la bourse et de l'économie libérale ? Ce mot plan est une insulte, un déni collectif de l'horreur réelle qu'il implique. Il serait grand temps d'appeler un chat, un chat et un coup tordu, une mauvaise nouvelle, une abomination, une saloperie sans nom.

Quant à ce « social » qui est censé adoucir la dureté de la réalité, il y a bien longtemps qu'il a perdu toute signification. On peut d'ailleurs avoir une petite idée de la perte de sens quand on observe que le gouvernement actuel se prétend socialiste. Il serait grand temps de penser une nouvelle définition pour ce mot désormais sans saveur, sans espoir, sans générosité ni ambition. Le « social » est mort ; seule l'économie préoccupe nos élites.

Alors cessez donc d'égrener à longueur d'antenne ces plans sociaux qui ne s'inscrivent que dans un seul dessein : faire de ce pays un désert industriel. Osez les formules qui tuent : « Une nouvelle charrette de condamnés sociaux est annoncée en Bretagne ». « L'industrie agro-alimentaire prévoit une autre coupe sombre et élimine du marché de l'emploi quelques milliers de sacrifiés ». « Le fabricant d'appareils électroménager organise un grand sacrifice humain qui touchera huit cents condamnés ».

Les catastrophes ressembleraient davantage à ce qu'elles sont vraiment : une mort à petit feu pour des familles entières qui vont progressivement renforcer l'immense masse des pauvres, des laissés pour compte, des exclus du partage. Car, tout va leur tomber sur la tête ; le chômage d'abord, l'absence d'emploi de substitution ensuite, la disqualification par l'âge et le manque de diplôme, la perte des ressources, la dévaluation de la valeur d'une maison qu'il sera impossible de vendre dans une région sinistrée …

Tous les problèmes s'accumulent, la morosité, la pauvreté, la solitude, l'oisiveté, la honte et maintenant les insultes des gens qui travaillent, qui méprisent les assistés, qui refusent de participer à la solidarité nationale. Les mêmes qui s'enrichissent sur cette casse orchestrée, refusent leur obole pour en financer les conséquences humaines. Ce monde est fou et devient une jungle impitoyable.

Alors, de grâce, envoyez aux oubliettes cet oxymore honteux. Un licenciement n'a rien de social, ne relève d'aucun plan. C'est une défaite, un échec collectif, une catastrophe qui ne touche pas que les pauvres destinataires de lettres recommandées. Nous devons tous nous sentir concernés, responsables et solidaires.

Nous devons changer ce modèle économique qui privilégie des rentiers inutiles au détriment des travailleurs. Commençons par refuser les expressions anesthésiantes, les mots qui font illusion, les cautères impuissants. Ce sera un premier pas vers une prise de conscience collective de l'état réel d'une économie abandonnée à la folie d'un système inhumain.

Lexiquement vôtre.

D'après Michel Foucault, nous sommes face à une justice à 2 vitesses qui prend sa source au XVIIIe siècle


« L’économie des illégalismes s'est restructurée avec le développement de la société capitaliste. L'illégalisme des biens a été séparé de celui des droits. Partage qui recouvre une opposition de classes, puisque, d'un côté, l'illégalisme qui sera le plus accessible aux classes populaires sera celui des biens - transfert violent des propriétés ; que d'un autre la bourgeoisie se réservera, elle, l'illégalisme des droits : la possibilité de tourner ses propres règlements et ses propres lois ; de faire assurer tout un immense secteur de la circulation économique par un jeu qui se déploie dans les marges de la législation -marges prévues par ses silences, ou libérées par une tolérance de fait. Et cette grande redistribution des illégalismes se traduira même par une spécialisation des circuits judiciaires : pour les illégalismes de biens - pour le vol -, les tribunaux ordinaires et châtiments ; pour les illégalismes de droits - fraudes, évasions fiscales, opérations commerciales irrégulières des juridictions spéciales avec transactions, accommodements, amendes atténuées, etc. La bourgeoisie s'est réservé le domaine fécond de l'illégalisme des droits »

Michel Foucault


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