Poitiers les ayatollahs écolo font des émules

par LATOUILLE
mardi 23 août 2022

 À propos de l’obligation de tenir les portes des commerces fermées s’il y a usage de la climatisation, dans une interview parue le 12 août dans le journal Centre Presse (édition de la Vienne), le président de l’association des commerçants « Poitiers le Centre » déclarait : « Effectivement, on réfléchit à des systèmes de compensation de la porte fermée. Ça pourrait être de réduire le prix, voire de rendre gratuite l’occupation du domaine public sur certaines périodes, de cette manière les magasins pourraient mettre des panneaux pour améliorer leur visibilité. » Cette déclaration amène deux commentaires : l’un concerne le principe de la gratuité de l’occupation du domaine public, l’autre l’augmentation des surfaces occupées. En outre cela voudrait dire que les clients, qui sont informés des directives ministérielles, sont suffisamment stupides pour ne pas penser à pousser une porte de magasin s’ils souhaitaient y faire des achats ou même simplement pour regarder et s’informer ! Une affichette ne suffirait-elle pas à confirmer aux clients que le magasin est ouvert : « On a reçu un mail de la direction juste après les annonces de la ministre. Ils nous ont fourni une affichette pour mettre sur la devanture. » déclare une vendeuse d’un magasin dans l’article qui précède l’interview citée.

 L’idée de « réduire le prix, voire de rendre gratuite l’occupation du domaine public sur certaines périodes » amène à demander au citoyen contribuable de financer une activité commerciale privée en ôtant aux finances municipales la perception d’une taxe. Donc il faudrait que la Ville compense ce manque à gagner soit en augmentant un autre impôt : la taxe foncière par exemple ce qui de facto amène le consommateur à payer un surcroît d’impôt en plus du prix de vente des produits ou à renoncer à certains investissements ce qui prive le contribuable de son « investissement impôt » qui de surcroît paiera deux fois le produit acheté : le prix de vente et le coût de la subvention déguisée. Où est le pigeon ?

 L’augmentation des surfaces occupées réduirait les espaces de circulation déjà bien occupés quand ce n’est pas totalement occupés par les terrasses des débits de boissons, renvoyant la déambulation des piétons vers la chaussée. C’est un moindre mal car la plupart des rues concernées sont interdites à la circulation automobile sauf les bus, les taxis, les livreurs, les vélos et autres trottinettes…, moindre mal si toutefois on peut regagner le trottoir lorsqu’un véhicule surgit. Cela vaut bien sûr pour les personnes valides, les personnes à mobilité réduite ne sont pas concernées, on a l’impression qu’à Poitiers tout est fait, tant pas la municipalité que par certains commerçants, pour leur signifier de rester chez elles ! Si beaucoup de commerçants ont fait des efforts importants et notoires pour rendre leur boutique accessible, ce n’est pas toujours le cas pour les débits de boissons et les restaurants.

 Cette idée d’accaparer les espaces publics (déjà bien occupés comme le montre la photo - on peut accéder aux photo sur mon blog https://politiqueethumanite.over-blog.com/ ), si on entend espace public comme place et rue, rejoint la démarche idéologique de la municipalité actuelle telle qu’elle l’évoquait dans son projet électoral en 2020 : « Ce que nous constatons, c’est que ces espaces publics, à Poitiers, ont tendance à être désaffectés par les habitants et par les activités sociales : la vie étudiante jugée trop bruyante au centre-ville, la pauvreté balayée hors du centre-ville, la vie culturelle très contrôlée à l’intérieur de bâtiments ou de grands événements, la disparition de lieux qui étaient mobilisés pour les activités des nombreuses associations de notre territoire (ancien CRIJ, plan B, disparition annoncée de la Maison du Peuple) On a voulu faire de Poitiers une ville vitrine, et une ville tranquille, plutôt qu’une ville ouverte et où la vie s’exprime librement. Les lieux publics sont souvent « mono-fonction », et ne sont pas ouverts sur la ville (écoles, TAP…). » Profitant de la volonté du président de la République d’autoriser l’extension des terrasses des débits de boissons et des restaurants pendant la crise sanitaire, les municipalités (déjà la municipalité sortante avait fait des déclarations en ce sens) ont permis l’extension des terrasses sans se préoccuper des personnes à mobilité réduite comme le montre la photo de ce restaurant place Charles de Gaulle qui occupe la totalité de la surface du trottoir : l’espace libre qui mesure à peine un mètre ne permet pas le passage d’un fauteuil roulant ni d’une poussette et il est très difficilement praticable par quelqu’un qui marche avec difficulté ; le pire concernant cet établissement est qu’il faut arriver à son niveau pour s’apercevoir de l’impossibilité de passer et qu’il n’est pas possible de descendre du trottoir qui n’est pas aux normes dont la hauteur de la marche rend impossible d’en descendre, la personne à mobilité réduite n’a pas d’autre choix que de repartir vers l’extrémité du trottoir ! Et surtout ne faites pas de remarque au propriétaire qui vous recevrait sans délicatesse, j’en ai fait l’expérience. D’autres laissent un espace suffisant pour la déambulation … tant qu’il n’y a pas de client attablé, une fois le quidam installé c’est autre chose d’autant que certains ne mettent aucune bonne volonté à laisser le passage durant un temps court à une personne à mobilité réduite qui ne peut pas circuler sur les pavés ; parfois un passage est laissé entre deux rangées de tables : quel plaisir pour circuler et pour se restaurer ! Une fois élue la municipalité actuelle a rendu pérenne cette occupation des trottoirs, au moins en ne s’y opposant pas, comme elle rend « normal » le tapage nocturne en ne prenant aucune mesure contrairement à ce que la loi lui impose, voire elle l’encourage, comme l’indiquait déjà cet extrait de son projet lors des élections de 2020 : « En concertation avec les acteurs du centre-ville, envisager de revenir sur l’arrêté municipal interdisant la vente d’alcool dans l’espace public, dans le cadre d’événements publics. » Mais cela est cohérent avec l’idée qu’ont ces élus du centre-ville qui, pour eux, n’est pas un lieu de résidence mais un lieu de fête et de beuverie comme l’a montré l’autorisation d’une fête tous les jours de 13h à 01h en août place Lepetit : « Envisager l’extinction nocturne dans les zones résidentielles, sur la base d’une concertation avec les habitants. » Le centre-ville ne bénéficie d’aucune extinction nocturne puisque les bars et les discothèques doivent tirer avantage d’une ville où l’éclairage public, financé par les contribuables qu’on prive de sommeil, doit leur permettre de drainer des clients vers eux.

 Toutefois, pour revenir sur la question de l’occupation du domaine public, en excluant les personnes âgées et celles à mobilité réduite du centre‑ville, la municipalité donne dans l’incohérence par rapport à ce qui était écrit dans son projet électoral : « Placer les droits culturels au centre de la politique culturelle “Toute personne doit (…) pouvoir s’exprimer, créer et diffuser ses œuvres (…) ; toute personne a le droit à une éducation et une formation de qualité qui respectent pleinement son identité culturelle ; toute personne doit pouvoir participer à la vie culturelle de son choix et exercer ses propres pratiques culturelles.” (Déclaration universelle sur la diversité culturelle de l’UNESCO de 2001) ». Comme le montre la photo d’un spectacle organisé devant le Palais Aliénor d’Aquitaine où aucunes chaises n’avaient été prévues pour les personnes pour lesquelles la station debout est pénible. Quoi de surprenant pour des élus qui dans les 56 pages de leur projet électoral n’ont pas écrit une seule fois le mot « handicap ». Ainsi, à Poitiers il n’y a plus de conseiller municipal chargé de « l’accessibilité » mais il y en a un chargé du « bien-être animal », on ne met pas les trottoirs aux normes mais on plante des arbres, on fait de la démocratie participative mais on n’invite jamais les associations représentantes des personnes en situation de handicap dans les débats où sont présentés les projets d’aménagement…

 

 Ainsi on voit que les commerçants de Poitiers Centre trouvent une place de choix dans l’idéologie développée par la municipalité et ne rencontrent sans doute aucune difficulté à se positionner comme émules des ayatollahs écolo de Poitiers.

 


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