Politique de transport : la France prend-elle la bonne direction ?

par mich.laurent
samedi 10 juillet 2021

Au palmarès des transports français, le train dans les régions et le vélo en milieu urbain ont la cote auprès des pouvoirs publics depuis plusieurs années. A contrario, alors que 7 Français sur 10 utilisent leur voiture quotidiennement, le développement et la rénovation du réseau routier sont relégués loin derrière… Une myopie largement dommageable pour espérer tenir la trajectoire carbone de la France.

« Jamais l’État n’aura autant investi dans le ferroviaire. Le budget 2021 en est une nouvelle preuve », s’est réjoui le ministre Jean-Baptiste Djebbari lors de la présentation devant l’Assemblée nationale du Budget, en octobre dernier. Et il a raison. Jamais le train n’a autant bénéficié d’attention, dans le sillage des engagements pris par le locataire de l’Elysée, Emmanuel Macron, lors de son discours du 14 juillet 2020. Dans le détail, le ministre Djebbari rappelle les grandes lignes de la politique gouvernementale : relance des petites lignes régionales, développement du fret, réouverture de trains de nuit… « Ce budget 2021 est un budget solide et ambitieux pour les transports en France, assure le ministre. Le programme 203, consacré aux infrastructures et services de transports, verra ses crédits augmenter de 17%, pour atteindre 3,7 milliards d’euros. » Ces annonces font suite à celles de septembre dernier : dans le cadre du Plan de relance de 100 milliards d’euros, les transports concentrent à eux seuls 11,5 milliards d’euros, dont 4,7 milliards pour le rail et seulement 2 pour le secteur routier. Le gouvernement a donc fait le choix du rail.

 

La SNCF, grande gagnante de la relance

Que va faire la SNCF de ce pactole ? D’abord éponger ses dettes, avec une recapitalisation de 1,8 milliard d’euros. Ensuite, plusieurs programmes sont prévus. Côté fret, trois nouvelles autoroutes ferroviaires ouvriront entre Calais et Sète, Cherbourg et Bayonne, et sur l’axe Barcelone-Perpignan-Rungis-Anvers. Pour le transport des passagers, la Loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019 avait déjà fixé le cap : la coopération entre l’État et les collectivités locales doit battre son plein en faveur du désenclavement des territoires. « Le train a un rôle social, il fait le lien entre les territoires, argumente le ministre. Ce lien, le gouvernement est attaché à le renforcer.  » En mettant surtout les régions et le secteur privé à contribution.

Dans le Grand-Est par exemple, ces « petites lignes » condamnées à disparaître vont être finalement sauvées. « Elles représentent moins de 15% des trains-kilomètres [ndlr : indicateur mesurant le nombre de trains circulant sur les kilomètres des lignes], explique David Valence, maire (UDI) de Saint-Dié-des-Vosges, vice-président de la région chargé de la mobilité. Mais, avec des temps de parcours rationalisés et optimisés grâce à la suppression d’arrêts, elles seront compétitives par rapport à la voiture. » Pour réussir son pari, la région a lancé un appel d’offres l’été dernier, en vue de concéder la gestion du réseau à un opérateur privé, pour une période de vingt-deux ans. L’opérateur sélectionné devra apporter 800 millions d’euros en dot. Car le réseau local a un fort besoin d’investissements, et l’État ne pourra pas mettre au pot.

 

L’investissement routier encore (et toujours) à la traîne

Tout le monde peut se réjouir de la relance du fret et de la sauvegarde des petites lignes régionales. Mais la grande bataille des décennies à venir est ailleurs : elle aura lieu sur la route. Les enjeux sont colossaux, tant pour le réseau national non concédé – géré par l’État donc – que pour le réseau concédé des autoroutes, géré par les grandes SCA que sont Vinci Autoroutes, Eiffage ou Abertis. Dans le Plan de relance annoncé en septembre, la route n’a obtenu que deux milliards, sur les 11,5 milliards dédiés aux transports. Plus récemment, en février 2021, l’État a détaillé ses coups de pouce. Le plus relayé dans les médias : les 100 millions d’euros alloués aux bornes de recharge pour les véhicules électriques. Une goutte d’eau vis-à-vis des besoins réels. Car dans le domaine des bornes, l’Hexagone est en retard sur son plan de marche. Sans parler de l’état des routes secondaires qui se détériore chaque année davantage, la France plongeant au classement mondial de l’état des routes. À tous les niveaux, le réseau français a besoin d’investissements massifs. C’est une condition incontournable pour assurer la décarbonation de la route.

Ne perdons pas de vue un point essentiel : dans 18 ans, la France ne commercialisera plus de véhicules à moteur thermique. L’horizon 2040 est rappelé en permanence par les pouvoirs publics, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, et Jean-Baptiste Djebbari en tête. Pour tenir les délais, il faudra que l’offre soit au rendez-vous : à la fois sur le terrain, avec toutes les infrastructures dédiées aux véhicules propres, et dans la tête des acheteurs potentiels. Sur ce deuxième point, ça bloque encore malgré les chiffres encourageants des ventes de voitures électriques. La faute en grande partie à un réseau de recharge électrique beaucoup trop faible et au maillage que l’on peut qualifier pudiquement de « fragile ». Avec seulement une borne pour plus de 2000 habitants, le réseau français n’inspire pas la sérénité à des automobilistes pour qui la crainte de la panne sèche redevient une réalité. Avec près de 31 000 bornes déployées sur son territoire, la France a encore des progrès à faire ne serait-ce que pour atteindre l’objectif de 100 000 bornes présenté par l’actuel gouvernement d’ici à la fin de l’année.

Il existe néanmoins des raisons d’espérer. Surtout sur autoroute où les opérateurs mettent les bouchées doubles pour proposer des services tournés vers la mobilité durable, comme les plateformes multimodales, les espaces ouverts au covoiturage ou les fameuses bornes de recharge. Comme pour la relance des petites lignes de train dans le Grand-Est, ce sont les investissements privés qui font la différence, à la fois en termes de recherche et développement, et dans l’application de nouveaux procédés. C’est le cas par exemple de l’autoroute bas carbone développée par VINCI Autoroutes. « La voiture de demain sera électrique, connecté et autonome, explique Marc Bouron, directeur général de Cofiroute et directeur général adjoint de VINCI Autoroutes. Pour le véhicule électrique, la part de l’infrastructure est essentielle, avec la mise en place d’infrastructures de recharge électrique. À l’heure actuelle, les freins résident dans les trajet longue distance à cause de l’autonomie. Nous devons donc trouver un moyen de recharger très rapidement nos véhicules. Avec des partenaires européens, nous déployons sur notre réseau des bornes de recharges ultrarapides.  » D’ici 2022, les 350 aires d’autoroutes du réseau Vinci devraient être équipées de ces bornes nouvelle génération. Un développement à poursuivre partout sur le territoire, sur autoroutes comme ailleurs sachant que, selon l’Insee, 70% des Français utilisent leur voiture quotidiennement. Et même 85% dans certaines régions comme dans l’Ouest et le Sud-Ouest.

 

Les régions, pierres angulaires du développement

Comme dans le cas du train, les collectivités locales – et surtout l’échelon régional – sont les premières concernées par le développement des infrastructures routières. Mais elles ne peuvent pas le faire seules. Pour reprendre l’exemple de Vinci Autoroutes, l’opérateur a signé en 2019 une convention avec la région Provence Alpes Côte d’Azur afin d’accélérer la transition vers les infrastructures électriques et vers une mobilité toujours plus propre. « Cette collaboration entre Vinci Autoroutes et la Région Sud est une première en France, s’était alors félicité le président de région, Renaud Muselier (LR). Elle permettra de trouver des solutions pour résoudre les 40 points de congestion régionaux, en favorisant notamment le développement de solutions de mobilité bas carbone, le covoiturage, les transports en commun tout en préservant la nature et générer des comportements vertueux des utilisateurs.  » Une collaboration qui pourrait donner des idées à d’autres acteurs locaux de premier plan – toutes couleurs politiques confondues une fois la bataille des régionales terminée.


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