Pompiers, les enfants turbulents de la République

par Henry Moreigne
mercredi 22 novembre 2006

Dans un style peu habituel à sa ligne éditoriale, le quotidien Le Figaro, dans son édition du 21 novembre, s’est employé à mettre de l’huile sur le feu dans le conflit qui oppose les pompiers à leur ministre de tutelle, Nicolas Sarkozy. Publié à un moment opportun pour ce dernier, le titre de l’article au titre évocateur : “ Pompiers : les enfants gâtés de la République ” s’emploie à tenter de désacraliser la profession. Une provocation de plus pour les pompiers dont la journée de mobilisation d’hier a été marquée par des incidents violents avec les forces de l’ordre.

Comme souvent, il y a le fond et il y a la forme. La forme, le quotidien s’est employé à la soigner. Le chapeau introductif de l’article donne le ton : Des salaires élevés, un temps de travail allégé, une retraite anticipée : ces fonctionnaires territoriaux manifestent aujourd’hui pour de nouveaux avantages. Le fond de l’article soulève pourtant une réelle problématique.

Qu’ils le veuillent ou non, les 37 000 pompiers professionnels doivent admettre que les temps et les circonstances ont changé. Il y a belle lurette que les uniformes, tout comme les fonctions d’ailleurs, ont perdu de leur prestige et de leur autorité. Subrepticement, le pompier a sombré dans le rôle de bonne à tout faire de la République, du ramassage des SDF au pompage des caves inondées. De la sécurité, c’est vrai, mais aussi beaucoup d’actions sociales, évaluées à 70% de leur temps de travail. Personne ne remet en cause la qualité ni l’importance du travail accompli par les pompiers. Ces derniers pourtant, derrière ce seul prétexte, et le capital de sympathie dont ils disposent, ne peuvent imposer un tabou sur le coût financier qui lui est attaché.

Oui, les services d’incendie et de secours, ça coûte cher. Très cher. Les collectivités locales le savent bien. La facture des services de secours et d’incendie supportée par les conseils généraux est en hausse de près de 60 % depuis cinq ans. Dans les départements, la marge de manœuvre financière se trouve réduite par le désengagement de l’Etat et l’explosion du traitement social dont ils ont hérité (RMI, APA). La présidente de l’Association des départements de France rappelle les efforts déjà réalisés, ainsi que l’engagement pris d’ouvrir des négociations sur l’octroi de nouvelles primes et sur la fin de carrière pour un surcoût entre cinquante et soixante millions d’euros. Le maximum possible pour les collectivités.

Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est une erreur administrative commise par la Direction générale des collectivités locales, qui a mal interprété un décret du 3 juillet sur la base duquel avait été étendue l’attribution d’une prime de 72 euros. Dès le 5 juillet, le texte était amendé et la bonification supprimée, relançant ainsi les débats salariaux.

Dans une démocratie, que le débat soit ouvert est une chose normale. Ce qui l’est moins, c’est qu’une poignée d’agités jette le discrédit sur une profession par des actes inadmissibles. Les pompiers, parce qu’ils sont un symbole de la République, ont un devoir d’exemplarité. Dans une société à la dérive, c’est aussi ce qu’on leur demande de ne pas oublier. Tout comme le fait que notre organisation des secours repose sur l’implication aussi essentielle qu’importante de pompiers volontaires directement issus de la société civile, étrangement absents des débats.

Il reste que si la République souhaite faire du ménage dans les privilèges, elle ne doit pas pointer du doigt tel ou tel, mais, dans un souci d’indispensable équité, remettre à plat toutes les situations. Et comme charité bien ordonnée commence par soi-même, que nos élus s’interrogent sur les privilèges dont ils bénéficient. C’est ce qu’on appelle l’exemplarité.

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