Pour ou contre l’abolition de la prostitution ?
par ch. WATTIEZ
mardi 8 janvier 2008
Un peu d’histoire.
La prostitution a toujours existé, elle ne date pas d’hier.
De la courtisane, la gourgandine, les prostituées, les escort-girls ou les call-girls. L’appellation a changé mais pas le but.
L’homme a-t-il toujours disposé du corps de la femme ou est-ce la femme qui dispose de son corps ?
Si nous admettons que depuis quelques années la femme dispose de son corps (car je ne voudrais pas lever un débat judéo-chrétien sur le mariage), donc la femme disposant de son corps a cette liberté d’utiliser son propre corps à des fins lucratives.
Ainsi, le droit de se prostituer est acquis parce que le droit d’avoir des relations sexuelles relève strictement du droit au respect de la vie privée. La prostitution n’est donc pas un délit.
Cependant le droit de se prostituer a des limites notamment depuis la loi du 13 avril 1946 dite loi Marthe Richard. Fermeture des maisons dites de tolérance, mais (et là on en parle moins) abrogation des dispositions réglementaires. Tolérance des maisons closes, mais aussi inscription des prostituées sur un registre, privation éventuelle de liberté des prostituées.
Conséquences : elle atténue considérablement le contrôle de l’Etat sur la prostitution, et elle autorise l’exercice de la prostitution dans d’autres lieux, notamment sur la voie publique.
Suite à la fermeture des maisons closes de nombreuses filles se retrouvent sur les trottoirs.
Un autre décret du 25 novembre 1960 définit le racolage :
« Attitude affichée sur la voie publique au vue de provoquer la débauche. »
Le fait par tout moyen de procéder publiquement au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles est puni d’une amende de 10 000 F, 20 000 F en cas de récidive (nouveau code pénal 1993).
Mais la loi sur la sécurité intérieure du 21 janvier 2003 change radicalement la donne.
Les députés adoptent le texte du ministre de l’Intérieur (M. Sarkozy) créant le délit de racolage passif : deux mois de prison et 3 750 € d’amende pour fait de racolage. Tout en l’étendant aux personnes qui mettent à disposition des prostituées : des véhicules, les firmes hôtelières. Mais aussi de placer les prostituées dans des centres d’hébergement de droit commun afin de faciliter leur réinsertion.
Loi applicable depuis mars 2003.
Cela signifie que la cohabitation, la location d’un studio ou d’une chambre d’hôtel peut être sanctionnée.
Par contre la seule autorisation de la prostitution est le Fisc (celui-ci considère que la prostitution est un revenu donc à déclarer). Car le Fisc reconnaît les personnes prostituées comme agents économiques.
Concernant la mise des prostituées dans des centres d’hébergement commun, je voudrais rappeler que des SRPS (services de prévention et de réinsertion sociale) avaient été créés par la loi du 25 novembre 1960 et qu’une vingtaine de centres avaient vu le jour ; faute de moyens ces centres ont été fermés. (Pourtant la démarche était intéressante mais l’Etat s’en est désintéressé.)
Autre contradiction.
Les personnes prostituées (en France) sont confrontées à l’interdit et à l’autorisé. En effet l’interdiction totale de se prostituer n’est pas interdite. C’est l’interdiction d’exploiter la personne prostituée qui est interdite.
Donc nous faisons ici référence aux proxénètes. Mais la loi précise que la notion du proxénète se définit ainsi :
« Sera considéré comme proxénète, un homme qui contraint par la menace, la violence, la tromperie ou tout autre moyen une femme à avoir des relations sexuelles. »
Mais la notion de « toute aide apportée à la prostitution (hébergement provisoire par exemple) peut être condamnée pour proxénétisme ».
Pour être plus clair si vous voulez dépanner ou héberger une prostituée vous pouvez être condamné pour proxénétisme.
Et le client : la politique de lutte contre la prostitution en France depuis 1946 ne l’a jamais conduite à prendre la moindre mesure qui s’intéresse aux clients. Sauf la loi du 4 mars 2002 où des mesures répressives sont prises à l’égard des clients qui vont voir les prostituées de moins de 15 ans.
LA FRANCE UN REGIME ABOLITIONNISTE
En avril 1997, pendant la conférence de la Haye, le gouvernement Juppé réaffirmait la position strictement abolitionniste de la France.
On peut faire aujourd’hui le constat que l’abolition de la prostitution ne fonctionne pas.
Pourquoi ? Les contradictions et confusions sur la prostitution et le proxénétisme. Ensuite l’ère de l’informatique via internet.
Des nouvelles formes de prostitution « moins visibles » que la prostitution ont vu le jour (internet, salons de massage, serveurs télématiques, petites annonces presse), « masquées » bien entendu.
Pourquoi n’interdit-on pas ces pratiques ?
La prostitution rapporte-t-elle de l’argent à l’Etat ?
Grâce à elle des personnes s’enrichissent : les sites web, les serveurs télématiques, etc.
Alors voilà pourquoi je pense que l’abolition de la prostitution est un leurre.
Par contre l’abolition du proxénétisme oui, mais là c’est un autre sujet.
Voilà quelques lignes qui je l’espère nous permettrons d’ouvrir un débat et d’échanger intelligemment.
Le but ici n’est pas de condamner ou approuver la prostitution, mais d’y réfléchir et pourquoi pas d’ouvrir un vrai débat (non pas entre professionnels, politiques ou autres, mais simplement entre des citoyens qui s’intéressent à la société et aux problèmes sociétaux).
A vos claviers.
Ch.WATTIEZ