Pour un monde sans profit

par Jean-Paul Foscarvel
jeudi 4 octobre 2012

Le capitalisme comme le soviétisme aboutissent à une impasse, tant humaine qu’économique.

Nous sommes à un stade où nous devons limiter l’usage des ressources. Celles-ci ne sont ni renouvelables, ni infinies. Si notre progression continue, c’est notre avenir même qui est en jeu.

La course au profit, est devenue pour les élites la corse à l’extorsion de la masse monétaire mondiale. Ils sont comme le Macbett d’Ionesco, ils veulent tout bouffer. Nous sommes ainsi passés de Macbeth à Macbett, et aujourd’hui Mac Bet.

Le profit dans la stagnation n’est que l’augmentation virtuelle de la masse monétaire pour une poignée d’individus, accompagnée d’une misère par surinflation cachée pour les autres.

Lorsque la cité est laissée aux marchands, ses valeurs s’effondrent, l’être s’épuise dans l’avoir, l’être ensemble dans un être contre l’autre, le bien commun s’effrite, la spoliation devient la règle, les plus malins se substituent aux plus sages, l’intelligence est orientée vers le gain immédiat, la beauté est remplacée par la valeur spéculative. Une guerre de tous contre chacun et de chacun contre tous s’instaure. À la fin du processus, les ploutocrates réclament l’abolition de l’État, dernier rempart à leur hybris sans fin.

Aujourd’hui, avec la crise généralisée, nous sommes au bout de ce processus de décomposition. Plus rien ne tient, la spirale de la dette nous entraîne vers un gouffre sans fond, les seules solutions envisagées en augmentant le poids.

En France, 5 % de la population continue de s’enrichir, et demandent de pouvoir le faire encore davantage sans entrave, sous peine de nous quitter. Qu’ils partent et qu’on socialise leurs biens, notamment leurs entreprises ! Ces ploutocrates fous sous narcotique se moquent des conséquences de leurs actes criminels. Car tuer économiquement une population est un crime.

Et en bas, c’est la frénésie. Le magma économique dans lequel nous sommes est en train de bouillir. Mais nous ne savons pas ce qu’il va en résulter, quand et comment tout va finir par exploser. Les médias de contestation sont en train de disparaître, avec au pouvoir un libéral-socialisme flou, des anticapitalistes radicaux sidérés de leur défaite, et des syndicats aphones.

Là où on aurait pu attendre un foisonnement d’idées, … rien.

L’analyse est pourtant simple : l’extension aux sphères conceptuelles du profit a généré un déséquilibre dévastateur dont nous ne sommes pas sortis. Les taux de profit sont trop élevés et la productivité du travail trop grande. Les flux monétaires s’accumulent à un pôle et se vident à un autre, la demande se déprime et les dettes, compensant l’affaissement des salaires, explosent.

La dette elle-même constitue aujourd’hui une autre source de profit, qui ponctionne les États et génère des taux d’intérêt au service des financiers internationaux qui se servent sur la détresse des peuples.

Il est possible de s’attaquer aux conséquences financières par des mécanismes que d’autres peuvent décrire avec propos, et qui sont absolument nécessaires vue la situation. Comme diminuer la douleur d’une maladie grave.

Mais la réalité de la dette est qu’elle est voulue, dans la mesure où des taux d’intérêt élevés créent des profits élevés et rapides pour les financiers internationaux.

Ils ont donc intérêt (c’est la cas de le dire) à augmenter la dette. Pour cela, les plans de récession généralisés en Europe sont une manne. D’une part ils appauvrissement la population, stoppent la redistribution via l’État, et d’autre part, en cassant la croissance, ils augmentent le déficit par la réduction des entrées fiscales. Les taux montent, et les rémunérations croissent, ceci sans risque du fait des assurances sur le défaut qu’ils contractent par ailleurs.

Le passage de la dette par le privé rend les États au même niveau que les entreprises, soumises à la concurrence entre elles. Il faut à tout prix plaire aux marchés. Sauf que ceux-ci jouent un rôle sournois, favorisant l’austérité, donc l’accroissement de la dette.

Les gouvernements vendent aux peuples que la dette est imprescriptible, et demandent aux pauvres des sacrifices, afin de sauver les riches, qui sont prêts à partir. La vérité est que les riches ont choisi d’appauvrir les pauvres pour augmenter leurs taux de profit.

La création de profit à tout prix, y compris aujourd’hui au prix de la faillite des États, là est le cœur qui s’il nous a un temps fait progresser, s’est emballé aujourd’hui. C’est cette hybris que redoutaient les Grecs, et que par une ironie révélatrice, ils sont les premiers à en subir les conséquences dramatiques Il est donc urgent de diminuer cette création de profit qui aboutit sur le vide et qui est en train de détruire l’humanité et la planète.

Hollande le décevant, a lui aussi choisit d’offrir la France aux marchés, via le MES et le TSCG. Du changement attendu ne transpire qu’une succession de plans d’austérité et de récession, qui ne feront qu’accroître le désarroi des citoyens, et nous mènera au même abîme que les Grecs, les Espagnols, les Portugais et les Irlandais.

L’histoire semble se répéter. La France regarde le naufrage espagnol en se détournant la tête, sans se rende compte que demain la situation sera similaire chez nous. La France semble ne pas se rendre compte que suivre l’Allemagne sur l’austérité pour les peuples nous mène aussi vers le même naufrage.

Tant que nous faisons confiance aux marchés (credo hollandien), que nous ne réduisons pas drastiquement les taux de profit, le même ira au même et l’argent vers l’argent. Ce déséquilibre est fatal pour une économie qui ne repose plus sur l’ensemble des citoyens, mais de plus en plus sur une minorité qui elle-même se rétrécit. Derrière le profit, il y a les profiteurs, qui sont par leur pouvoir les vecteurs systémiques du naufrage.

Bien sûr, il nous faut d’abord refuser le TSCG qui nous tend le piège de la récession via des budgets d’austérité en pleine crise, pour d’une part, ne pas toucher les banquiers, voire les favoriser encore davantage, et d’autre part continuer à soumettre le politique aux financiers, c’est-à-dire le public au privé, la démocratie aux marchands.

Nous devrions par ailleurs avoir comme priorité de ralentir les flux monétaires qui vont de la population réelle vers ces profiteurs, anonymes, qui génèrent le chaos pour augmenter les accumulations financières.

Notamment par le ralentissement via les impôts sur les profits, prenant en compte également le ratio entre la masse salariale et le capital fixe, favorisant les emplois humains. 

Le ralentissement international passe, pour les importations, par des taxes notamment sur le dumping social, mais la relocalisation peut aller jusqu’à être contrainte, en nationalisant, ou socialisant, les entreprises qui délocalisent, cette socialisation pouvant se faire sous forme de coopérative, d’entreprise associative, fonctionnant de façon démocratique avec un contrôle des profits réalisés, ainsi que d’autres mesures du même ordre.

Pour aller plus loin, il nous faudrait penser une société dont le but premier ne serait plus le profit, mais l’épanouissement à long terme des êtres humains, en accord avec les potentialités de notre environnement, et ne plus penser celui-ci comme ressource, mas comme une globalité d’un tout dont nous faisons partie.

Ce serait une mondialisation radicale, où chaque être humain serait considéré comme unique, ayant une valeur infinie, dans un univers qui lui-même serait respecté, sans chercher à tout lui prendre sans rien lui donner.

Au fond, l’idée simple, mais essentielle, que ni les humains, ni les animaux, ni les plantes, ni même les choses, ne nous appartiennent, et que nul ne peut les posséder.


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