Pour une fonctionnarisation des procureurs

par Pierre-Jean LAGAILLARDE
mardi 1er septembre 2009

La procédure pénale est un chantier perpétuel dans lequel politiques et juristes tentent de concilier les nécessités de l’ordre public avec la garantie des libertés individuelles. C’est dans ce cadre qu’a été élaboré le rapport Léger qui préconise de 1) supprimer l’instruction préliminaire, 2) transformer le juge d’instruction en juge de l’enquête et des libertés, 3) conférer au procureur de la République la direction de l’enquête.

Cette réforme soulève diverses questions et nombreux sont ceux qui les posent, notamment en ce qui concerne la préservation des possibilités d’émergence d’affaires dites « sensibles » pour le pouvoir en place. Mais il en est une qui demeure peu débattue en dépit de son caractère fondamental : conserver aux procureurs leur statut de magistrat ne nuit-il pas à l’impartialité de la Justice ?

En France, les membres du parquet sont des magistrats, comme les juges ; il est vrai qu’au grand dam de certains, ils ne bénéficient pas de la même indépendance que ces derniers. Il n’en reste pas moins que juges et procureurs font partie du même corps, celui des magistrats, appartenant à l’autorité judiciaire que l’article 66 de la constitution rend gardienne de la liberté individuelle.

Il est évidemment surprenant que le procureur ait à la fois la qualité de directeur de l’enquête et celle de protecteur de la liberté ; qu’il soit l’organe de la poursuite mais aussi celui de la protection contre les abus dans l’exercice de cette dernière.

Mais il y a plus. En effet, que penser de l’impartialité du juge de l’enquête et de celle des juges du tribunal lorsqu’ils ont à trancher entre la position de la défense et celle de leur collègue procureur, qui appartient à un même corps de fonctionnaires et exerce dans les mêmes locaux ? La fréquentation des tribunaux démontre une nette tendance des juges à l’adhésion pure et simple à la position du procureur. Le résultat est alors souvent que, plutôt que de prononcer une relaxe en accordant au prévenu le bénéfice du doute, ils le condamnent à une petite peine. Un coupable est ainsi trouvé et il se voit incité à ne pas relever appel, pour ne pas risquer une condamnation plus sévère.

Ce processus, qui contribue au système judiciaire dont on a souvent l’impression qu’il rend des décisions plutôt que la Justice, montre comment la patrie des droits de l’Homme applique quelquefois l’étrange régime de la condamnation à une peine légère au bénéfice du doute. Et puis on doit se demander s’il faut orienter la conception de notre système judiciaire pour lui permettre de traiter les affaires politico-financières, importantes mais exceptionnelles, ou plutôt faire en sorte qu’il assure le fonctionnement ordinaire de la justice de tous les jours, au profit des simples citoyens.

Dans ces conditions, au moment où une réforme est en préparation, plutôt que débattre de l’indépendance des procureurs, ne faudrait-il pas envisager de leur faire perdre leur statut de magistrats et en faire de simples fonctionnaires ?

Pierre-Jean Lagaillarde

Avocat

www.lagaillarde-avocats.fr


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