Pourquoi et comment des jeunes européens partent faire « la guerre sainte » en Syrie et comment gérer leur retour

par menou69
mercredi 11 septembre 2013

Ce phénomène inquiète de plus en plus les États du Vieux Continent

Depuis le début de la rébellion contre le régime de Bachar el-Assad, environ 600 Européens seraient partis combattre en Syrie, selon les services spécialisés de l'Union européenne. Ce mouvement vers la Syrie touche toute l'Europe. Ils viennent pour la plupart des Balkans, de Grande-Bretagne, de France, d'Allemagne ou d'Espagne.

La France, l'Irlande et la Grande-Bretagne sont les trois pays qui fournissent les plus gros contingents de combattants djihadistes européens. Mais si on se réfère au nombre d'habitants, le Danemark et la Belgique sont les pays les plus touchés par ce phénomène, selon Gilles de Kerchove, chef de la lutte antiterroriste de l'Union européenne.

Parmi eux il y aurait, depuis le début du conflit, quelques 200 Français, qui seraient partis dans les rangs de la rébellion syrienne, et très majoritairement au sein de groupes islamistes radicaux, dont le Front Al-Nosra que l’ONU a qualifié d’organisation terroriste. C'est une proportion record : ni l'Afghanistan, ni l'Irak n'avaient attiré autant de français en si peu de temps.

Comme pour les combattants belges, cet attrait s'explique en partie par l'accessibilité du front syrien. En effet, il suffit d'arriver en Turquie, pays accessible en low cost et sans visa, puis de rejoindre un camp de réfugiés proche de la frontière syrienne où des contacts peuvent être pris avec l'intérieur. Un parcours qui est donc plus facile, mais aussi plus organisé. Contrairement au Mali ou au Pakistan, il existe des filières djihadistes qui permettent d'acheminer les combattants français.

Plusieurs facteurs ont poussé ces jeunes à partir se battre en Syrie, des jeunes qui pour la plupart "n'ont jamais participé à un combat armé". Certains ont subit "l'influence du prêche", surtout en Grande-Bretagne, pays dans lequel il a été pendant très longtemps libre, beaucoup plus qu'en France.

Aujourd'hui la rébellion est soutenue par la quasi-totalité de l'Occident, ce qui peut également conforter l'intérêt de certains jeunes pour celle-ci. "Ils ont le sentiment qu'ils participent d'un combat mobilisateur, excitant, épique, pour des jeunes gens en bonne santé, désœuvrés et motivés",déclare Gérard Chaliand, spécialiste des conflits armés.

Internet joue également un grand rôle dans la mobilisation de ces jeunes pour le djihadisme, "le cheik Google" réagit plus vite que l'imam dans les mosquées des quartiers. Plusieurs vidéos, traduites en français et visionnées des dizaines de milliers de fois, appellent sur YouTube les Français à la "guerre sainte" contre Bachar el-Assad. Dans celles-ci des religieux intégristes et des combattants répètent inlassablement que le djihad en Syrie est une obligation.

Il existe donc des raisons multiples aux départ de ces jeunes musulmans vers la Syrie. Dans un rapport destiné aux États européens et révélé par Le Monde en mai, Yves de Kerchove, coordinateur de l'UE pour la lutte contre le terrorisme, suggère pêle-mêle que c'est le "goût de l'aventure, la volonté de soutenir des frères opprimés ou bien de 'punir' l'Occident, prolongement d'un engagement religieux radical.".

Certains de ces jeunes musulmans partent en Syrie par leurs propres moyens, mais d'autres sont épaulés par des filières soit à partir de la Jordanie, soit à partir de l'Irak. Cependant la Turquie est le passage le plus facile et le plus court.

Selon Gérard Challand il y a de nombreuses personnes qui sont dans le coup à la frontière turque et qui arrangent un passage de la frontière moyennant finances ou pas. Et toujours selon lui, en Turquie il suffit de prendre un autobus en direction d'Istanbul, puis un autre en direction de la zone kurde et c'est très bon marché. Près de la frontière, il y a plein d'agents recruteurs et des gens des services secrets, qui vous font passer sans difficulté.

Ce flux de djihadistes européens qui se rendent en Syrie attire de plus en plus l’attention des agences de sécurité occidentales qui redoutent ce qu’ils feront quand ils rentreront chez eux. Selon ce qu’ont confié des responsables des renseignements américains et européens au New York Timesil y a davantage d’Occidentaux en train de se battre en Syrie qu’en Irak, en Afghanistan, en Somalie ou au Yémen. Toujours selon le journal la grande majorité sont des européens convertis à l’islam ou des immigrants naturalisés de culture musulmane.

Ce matin, le juge antiterroriste Marc Trévidic était invité de France Info. Il n'a pas caché l'inquiétude que lui inspire le pourrissement de la crise syrienne. Mais ce qui le préoccupe le plus c'est l'augmentation de ce qu'il appelle "l'immigration" djihadiste" des jeunes français dont il faudra gérer le retour.

"Quand le conflit syrien n'existera plus, on aura affaire à pas mal de jeunes qui auront été entraînés, armés, pris en main par de vrais terroristes. Et qui pour certains d'entre eux seront dangereux car ils voudront continuer le djihad chez eux. C'est à moyen terme qu'on peut avoir peur de cette immigration djihadiste importante" dit-il dans l'interview.

Nos jeunes musulmans qui veulent en découdre, qui sont nourris depuis des années grâce à internet de cette théorie djihadiste comme quoi ils sont obligés de faire le djihad sont chauffés à fer blanc" explique encore le juge antiterroriste.

Mais ce qui l'inquiète surtout c'est que cette immigration djihadiste sera plus importante dans un an ou deux si on n'arrive pas à régler cette crise : "Quand vous travaillez sur trente personnes qui reviennent d'Irak, ce n'est pas comme de travailler sur 200 qui reviennent de Syrie. Là c'est en train d'augmenter. C'est exponentiel". dit-il. (Voir vidéo).

Ce phénomène de leur retour en France inquiète également les services de sécurité et de renseignements. Quels dispositifs possèdent-ils pour neutraliser ces jeunes musulmans ?

 

En 2012, il a été adopté, par la majorité socialiste et leurs alliés écologistes au parlement appuyée par les centristes et la droite, une nouvelle loi relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme qui permet à la Direction générale des services extérieurs (DGSE) d'agréger des preuves de passage dans des camps d'organbisations considérées comme terroristes pour condamner ces apprentis djihadistes.

Cette loi prévoit notamment la possibilité française, de poursuivre "des actes de terrorisme commis à l'étranger par des Français ou des personnes résidant habituellement en France en permettant de poursuivre les personnes ayant participé à des camps d'entraînement terroristes à l'étranger alors même qu'elles n'auront pas commis d'actes repréhensibles sur le territoire français"

Dans ce texte de loi, il a été également prolongé jusqu'au 31 décembre 2015 la surveillance à but préventif des données de connexion (internet, géolocalisation, factures détaillées de téléphone) qui avait été mise en place par la loi du 23 janvier 2006, relative à la lutte contre le terrorisme.

Ce qui veut dire que la police peut accéder aux données Internet, factures détaillées de téléphone et géolocalisation sans qu’aucun délit n’ai été constaté et sans avoir recours à une décision de justice préalable si l’individu est soupçonné de prévoir des actes terroristes.

Le rapport Marsaud à l'origine de cette loi précisait déjà en 2006 que : "Les nécessités de la lutte contre le terrorisme justifient donc la mise en œuvre d’une procédure de réquisition administrative (en dehors de l’intervention d’un juge), même si celle-ci aura d’incontestables incidences sur la vie privée de nos concitoyens". La nouvelle loi, adopté en 2012, a donc renforcé cet arsenal répressif.

Le jeudi 1er août, Manuel Valls et son homologue belge, Joëlle Milquet, ont appelé dans un communiqué conjoint à "mieux lutter au niveau européen contre les départs vers la Syrie et les autres zones de conflit".

Pour faire face à "ce phénomène qui prend une dimension inédite en Europe", les deux ministres de l’Intérieur se déclarent favorables à un système de "passenger name record" européen, permettant d’enregistrer les données des voyageurs aériens.

L’hypothèse avait pourtant été rejetée en avril par la commission Libe (des libertés civiles, justice et affaires intérieures) du Parlement européen. Les ministres de l’Intérieur ou de la Justice de neuf pays (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, Suède) ont écrit à la commission pour la faire changer d’avis.

 

Sources : francetvinfo, Le Monde, New York Times, Le Figaro, rpfrance.eu, rtbf.be, Le Monde,


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