Prisons : des gardiens criminels couverts par Alliot-Marie ?

par Olivier Bonnet
vendredi 31 juillet 2009

Affaire de Fleury-Mérogis

Un ex-détenu de Fleury-Mérogis raconte dans les colonnes du Monde (édition du 28 juillet), dissimulé derrière un prénom d’emprunt : " Le 25 août 2007, (...) Adam patiente à l’infirmerie quand arrivent " trois ou quatre surveillants " - il n’est plus très sûr - avec un détenu. Celui-ci "marche normalement ", insiste Adam, mais il a l’air énervé. Des insultes fusent. " Un surveillant met un coup de poing au visage. Le détenu tombe et les autres surveillants en profitent pour lui mettre des coups de pied ", raconte Adam. Ils arrêtent de taper quand le détenu ne bouge plus. L’homme à terre s’appelle Denis Ardon. Il a 22 ans. Ecroué à Fleury depuis le 15 juillet 2007, il vient de mourir. Adam ne le sait pas. Il l’apprendra quelques jours plus tard. " La version de la mort du détenu livrée par les surveillants est quelque peu différente : " Ils emmènent le blessé à l’infirmerie. "Sur un brancard ", ont certifié aux gendarmes enquêteurs tous les personnels qui ont été entendus. Dans l’infirmerie, les surveillants l’installent en PLS (position latérale de sécurité) en attendant le médecin. Celui-ci arrive vers 17 h 45. Il examine Denis. Puis s’occupe d’Adam. Toujours selon les surveillants, c’est durant ce laps de temps d’environ dix minutes que l’état de Denis se serait dégradé. Leur version, livrée dans les semaines qui ont suivi le décès, s’oppose à celle d’Adam. A les en croire, ils n’ont jamais frappé Denis Ardon." Adam devient donc l’homme qui en savait trop. La suite est bien résumée par L’Humanité : " il a assisté au passage à tabac du jeune homme par des gardiens qui seraient donc responsables de sa mort, et auraient par la suite tenté de faire taire ce témoin gênant à renfort de violences, tortures et intimidations. Trois tentatives de suicide plus tard, le témoin, qui préfère rester anonyme, a été transféré à la prison de Bois-d’Arcy. Entendu fin avril dans le cadre de l’information judiciaire, il a raconté son calvaire à la juge d’instruction Caroline Davroux." Les dates sont importantes : Adam témoigne devant la juge le 23 avril dernier. Au préalable, en janvier, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, saisie par Robert Badinter, avait ainsi conclu son avis rendu sur l’affaire : "Le décès du jeune homme n’est pas un accident malheureux, mais le résultat d’une succession de déficiences". Et que se passe-t-il ? Rien, pendant plusieurs mois. Jusqu’à ce que le parquet se décide finalement à ouvrir une information judiciaire, le 29 juillet.

"Il a fallu l’article du Monde pour que Michèle Alliot-Marie souhaite enfin faire "toute la lumière" sur cette affaire. Le parquet général a fait preuve lui aussi de défaillance et on ne peut que constater son attitude permanente d’inertie", proteste Patrick Marest, délégué national de l’Observatoire international des prisons, interrogé par L’Express. Il enfonce le clou dans l’article de L’Humanité : "Le parquet a pesé de tout son poids pour ne pas réagir aux allégations de mauvais traitement, et ouvre une information une heure après la publication du témoignage". Il ne mâche enfin pas ses mots sur Le Post : "Il faut juste que la police et le juge d’instruction fassent leur boulot, et surtout le parquet qui, depuis deux ans est totalement passif. L’ancien détenu a parlé au parquet voici 2 ans. Qu’a fait le parquet en deux ans ? Mardi, il a ouvert une enquête, après la médiatisation du témoignage. Mais il a disjoint l’affaire de meurtre et celle de torture. Or le personnel accusé de meurtre et celui accusé de torture est le même. En distinguant les deux informations judiciaires, selon moi, le parquet d’Evry couvre le pénitentiaire. Michèle Alliot-Marie n’est pas naïve, elle couvre aussi le parquet." Et il précise dans L’Humanité : les deux affaires de meurtre et de torture, "même si elles sont confiées à la même juge, sont ouvertes de façon disjointe, ce qui laisse penser qu’elles vont être traitées comme si elles étaient sans rapport. Et ce n’est pas bon signe."

On ne compte plus les fois où elle nous a fait le coup, lorsqu’elle détenait le portefeuille de l’Intérieur, interpellée à propos de telle ou telle affaire louche impliquant un membre des forces de l’ordre : Alliot-Marie annonce l’ouverture d’une enquête et exige solennellement que soit mise au jour la vérité. Et puis ? Les affaires se classent discrètement au fil du temps. On peut être inquiet dans le cas qui nous occupe : d’habitude, quand MAM réclame "toute la lumière", le courant s’éteint sans même que ne saute un fusible !

PS  : si ces questions vous intéressent, consultez régulièrement le site de l’Observatoire International des prisons, dont la nouvelle présidente est la journaliste Florence Aubenas, en cliquant sur la bannière ci-dessous.


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