Procès Courjault : l’arbre qui cache la forêt

par Julie Dep
mercredi 10 juin 2009

Coïncidant avec le procès qui s’ouvre aujourd’hui à Tours, un rapport de l’INSERM révèle que ne seraient comptabilisés en France qu’entre le tiers et le 1/15e des infanticides visant des nouveau-nés.

Le mystère, dans l’ affaire Courjault, ne s’arrête pas au déni de maternité. Prosaïquement, toute jeune mère attentive sait quelle constante vigilance exige la survie de son bébé. Qu’il y échappe un instant suffit à l’exposer au pire, constamment frôlé : par l’ingestion de n’importe quoi, par une fenêtre laissée ouverte, une prise de courant, un sac plastique, une voiture.... sans compter la menace de cette "mort subite" qui coûte aux parents leur sommeil et dont la fréquence - seul point positif du rapport - serait à revoir à la baisse.

Plus difficile étant de garder bébé en vie que de s’en débarrasser, se faire prendre est révélateur d’une fragilité, d’un besoin d’aide entendu trop tard, mais entendu, puisqu’il est rare qu’une mère infanticide écope d’une lourde peine.

Réticences

Guère plus compréhensibles, en un temps où l’on peut s’abstenir d’enfanter, celles qui échappent à la justice seraient donc chaque année, selon l’étude (concentrée sur les régions Ile-de-France, Bretagne et Nord), de 30 à 300 à déguiser leur geste. "Un quart des morts de cause inconnue sont suspectes d’origine intentionnelle" ; explique le Dr Briand-Huchet, de l’hôpital de Clamart. Mais, "face à des parents tellement bouleversés qu’ils ont du mal à imaginer qu’il ait pu y avoir maltraitance", même quand celle-ci sera avérée, "certains médecins ont des réticences à soupçonner et à déclarer des morts violentes".

S’ensuit une sous-estimation renforcée par l’absence de coordination entre les tribunaux et l’Inserm, et confortée par des juges qui ne voient pas d’intérêt à emprisonner ces désespérées, pour la plupart "victimes elles-mêmes de carences affectives".

Un "instinct" sélectif

Si la prison n’est certes pas une solution, occulter le phénomène non plus. L’"instinct maternel", donné depuis deux siècles comme unique et infaillible réponse aux appréhensions, peut manquer. Il serait temps de s’y résoudre, sinon pour aider la mère à surmonter sa "monstruosité", pour protéger l’enfant d’un traumatisant tête-à-tête. Qu’une tribu, des relais s’organisent autour de lui, comme en Afrique, le désarroi de sa mère, d’ailleurs allégé, ne l’affectera guère ; mais nos sociétés ne s’y prêtent pas. Trop isolée dans cette aventure (ici, flanquée d’un mari ignorant jusqu’à son état !), tout le monde n’a pas la force de surmonter le "blues" post-partem - autre invention d’un siècle entêté à faire l’autruche.

*Rapport de l’INSERM


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