Projet école : Un cautère sur un membre grangréné
par C’est Nabum
mercredi 10 octobre 2012
Sauvons notre école
« Cessons de dire, qu'il faut absolument lire et écrire à la fin du primaire."
« Cessons de dire, qu'il faut absolument lire et écrire à la fin du primaire. » Voilà ce qu'affirma sans rire une des responsables de la vaste concertation sur l'école, présidente du projet : « La réussite pour tous ! ». Avec de telles idées, nous sommes certains que nous ne courons plus à la catastrophe, nous y sombrons corps et biens ! Des responsables publics remettent en cause le socle incontournable, je préfère écrire pour éviter la confusion avec ce mot trop commun évoquer la mission sacrée de l'école primaire : Lire- écrire, parler, compter. Nos anciens hussards noirs se retournent sur leurs estrades, les pays voisins (et les écoles privés hors-contrat) se frottent les mains, la France cesse d'être une grande nation de la culture.
Ainsi, il n'y aurait pas d'urgence à acquérir ces outils d 'émancipation et de savoir, il n'y aurait pas nécessité d'intégrer très jeune les savoirs de base qui donnent à tous ceux qui les possèdent cette liberté de réfléchir par lui-même, de comprendre le monde et d'en devenir un acteur conscient et libre. L'enfant roi ne doit avoir ni contrainte ni obligation, ni devoir ni contrariété. La belle commission refuse la pression de l'apprentissage, celle de l'échec ultérieur n'est sans doute rien.
On devine bien les intentions sournoises qui se cachent derrière cet abandon scandaleux de ce qui a fait l'essence même de notre école primaire. Puisqu'on ne parvient pas à remplir la mission de base, supprimons-la, c'est certainement la meilleure manière de retrouver des statistiques encourageantes, des résultats probants. Ne demandons plus l'impossible, contentons-nous du superflu. C'est beaucoup moins cher !
Et le superflu saute aux yeux, l'école doit favoriser les desseins des professionnels du tourisme en proposant un zonage de toutes les vacances, tout en rendant la vie plus facile aux couples divorcés (ce qui doit être désormais la norme sociale) en libérant les chers petits le samedi matin. Travailler quatre jours et demi est une évidence, conserver le mercredi semblait une nécessité mais l'enfant n'est que l'otage des intérêts des adultes.
Pourtant nos chers socialistes n'y vont pas par quatre chemins dans les bonnes intentions. Après l'enfant au centre du système, cette inénarrable farce des années d'utopie, ils changent tout juste de forme en proclamant en faire un acteur de ses connaissances dans une pédagogie de projet. Voilà du bel ouvrage de maître en communication, hélas c'est si loin de nos réalités et de nos batailles quotidiennes.
On se gargarise de concepts pompeux, de mots savants et d'idées creuses. Le ministre veut allonger le tronc commun, il oublie de se préoccuper de la tête. Si la suppression du redoublement confirme simplement l'inutilité de cette mesure, il faut réfléchir au devenir de ces mômes qui n'apprennent pas et qui vont continuer de traîner leur misère au fond des classes. Dans le même temps, il faut alléger la pression du résultat, ne pas mettre les élèves en situation d'échec, éviter de trop leur en demander. L'ambition, donc, est de ne plus avoir d'ambition pour les enfants de l'école républicaine.
La suppression des devoirs, c'est encore le serpent de mer de l'école qui pointe à nouveau le bout de son hypocrite nez. Bien sûr que les devoirs accroissent les inégalités (surtout quand ils servent à palier aux défaillances de l'école), bien sûr que c'est une manière adroite de confier les véritables apprentissages aux parents qui en ont les moyens, bien sûr que c'est une aberration après des journées trop longues si elles sont vraiment remplies d'un travail réel. Mais que se passera-t-il vraiment ? La réponse du ministre : « Créer un service public des devoirs » relève de la bouffonnerie dans le contexte économique du moment.
Il y aurait tant à faire pour sauver une école qui ne remplit absolument plus sa mission, qui devient un espace d'irrespect et de violence. Il faudrait d'abord du courage pour contraindre les professeurs à bouger, à ne pas rester toute leur carrière dans un poste confortable, à se remettre en cause, à rester plus longtemps sur le lieu de travail, à travailler ensemble, à partager leur pouvoir, à faire des stages durant quelques jours de vacances plutôt que pendant l'année scolaire, à enseigner plusieurs matières dans nos collèges qui vont si mal, à se former à la gestion d'un groupe.
Mais les socialistes ne peuvent froisser la base de leur électorat. Ils ne feront rien qui contrariera ce corps conservateur dès qu'il s'agit de ses prérogatives et avantages. On laissera cette anomalie incroyable dans le monde réel, les professeurs les mieux payés sont ceux qui travaillent le moins et qui s'offrent des heures supplémentaires à des taux scandaleux. Ils ne bougeront pas les lignes, n'imposeront pas une mobilité réelle pour tous, sans les incontournables passe-droits, ne mettrons pas les professeurs les plus expérimentés devant les élèves les plus difficiles. Ce serait la révolution et le parti socialiste n'a jamais été un parti aventureux.
Ils n'imposeront rien non plus aux parents, souvent déserteurs devant leurs obligations pour certains et parfois si intrusifs pour d'autres. Il faut revoir leur place, cessez de leur donner des pouvoirs factices et exiger d'eux une collaboration non négociable. Le contrat entre l'école et la famille doit être repris avec des garde-fous d'une grande rigueur. Mais qui osera taper du poing sur le bureau dans la maison France ? Ils continueront à exiger que des élèves ingérables soient accueillis dans des classes livrées alors à la tyrannie de ces petits caïds faute d'être capable de financer les structures spécialisées qui ne cessent d'être fermées.
Il ne se passera rien et ce qui était censé être le grand chantier du quinquennat va se transformer, une fois encore, en ravalement de façade, en jolis effets d'annonce sans intervention sur les fondations d'un édifice qui branle de plus en plus du chef. Tout ça pour rien ! L'école est à l'agonie et le gouvernement met un cautère sur un membre gangréné. Le remède n'est pas à la hauteur de l'urgence.
Scolastiquement leur