Publicité sur le Web et objectivité rédactionnelle

par Christian Bensi
jeudi 25 janvier 2007

En 2004, la fameuse phrase écrite par Patrick Le Lay, Président directeur-général de TF1 : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible », pourrait-elle être attribuée à Internet ? Sans doute ! Les sites Internet d’information et les blogs pourront-ils à l’avenir garder un semblant d’objectivité rédactionnelle alors que leur contenu sera de plus en plus influencé par la publicité qu’ils hébergent ?

Un patron de presse est dépendant de ses annonceurs. Un service public, qui fait appel massivement à la publicité, sait que la présence de publicités dites contextuelles peut interférer avec son message.

Il y a quelque temps, je lisais un billet d’un blogueur connu, concernant un clip vidéo. Il s’insurgeait contre la violence qui émanait d’un clip musical et souhaitait le boycott de l’artiste qui l’avait fait. Mon regard fut à ce moment attiré par une publicité de Google située au-dessus de son article et qui encourageait à télécharger le clip en question. L’artiste a reçu trois distinctions aux NRJ Music Awards, samedi dernier. Qui avait réussi à faire passer son message : le blogueur, ou Google ?

Si la télévision reste de loin le premier média pour la publicité, les supports Internet sont loin de manquer d’atouts. La vidéo est de plus en plus présente sur Internet et elle est fortement appréciée par le public. Le Web permet de mieux cibler le public. Tel site s’adresse à des scolaires, tel autre à ceux et à celles qui aiment faire la cuisine, tel autre à des mamans. Le ciblage dans la presse est moins précis, moins performant. De plus, la presse écrite, la radio, la télévision sont des médias passifs qui ne permettent pas l’interaction. Enfin, il est possible en utilisant des moyens d’enregistrement en différé de « sauter » la publicité à la télévision, ce qui pourrait à terme freiner le recours à la publicité sur ce type de support.

Le Web copie les médias traditionnels. On affiche des publicités sur l’écran. Le site dispose sa publicité au sein de son rédactionnel comme il l’aurait fait sur une page papier. On peut regretter que certaines publicités, non clairement identifiées, puissent passer pour du rédactionnel. Cette confusion trompe le lecteur en brouillant le message.

On a ensuite inventé la publicité au clic. Le paiement est fonction du nombre de clics déclenchés par les visiteurs pour afficher volontairement la publicité.

En fait, ce système ne satisfait vraiment personne. Une fraude aux clics s’est rapidement installée. Dans le domaine des blogs, le blogueur encourage ses lecteurs à cliquer sur la publicité sur le thème : « Si vous aimez mon blog, cliquez sur la pub de mes annonceurs. » Bien évidemment on comprend que les annonceurs souhaitent démarcher des clients potentiels et pas seulement être une source de revenus pour l’auteur du site ou du blog.

Certains annonceurs ont été victimes de concurrents peu scrupuleux. Ces derniers avaient recours à des robots cliqueurs pour alourdir au maximum la facture qui serait adressée à l’annonceur. Cette escroquerie a été principalement constatée dans les liens sponsorisés des moteurs de recherche.

Il semble bien que l’on s’oriente aujourd’hui vers un système dit "de la transformation". J’appellerai cela plus volontiers "de la commission sur vente". Internet étant un média dynamique, on est en effet totalement capable de savoir si la publicité affichée a débouché sur un acte d’achat. Les intérêts entre l’annonceur et le responsable du site ou du blog deviennent plus étroitement liés. Il ne s’agit plus d’afficher, voire d’encourager l’internaute, il s’agit de le convaincre d’acheter.

Le blogueur a généralement la confiance de ses lecteurs. L’annonceur a donc très vite souhaité que le blogueur use de son influence pour convaincre son public.

On a dans un premier temps, et de façon anecdotique, envoyé quelques produits (téléphones portables, lecteur MP3, etc.) pour que le blogueur les teste et donne son avis. Ce système est en fait peu développé. L’avis du blogueur, malgré le cadeau, peut être tout à fait négatif sur le produit.

Depuis quelque temps, Zlio propose aux gestionnaires de sites ou de blogs d’ouvrir leur boutique. Seule originalité, celui qui ouvre sa boutique choisit les produits qu’il veut vendre. Le blogueur est bien là dans un système de commission sur vente. C’est un intermédiaire, il n’est pas marchand, il est annonceur.

 

Payperpost vous paye pour faire un billet, bien sûr positif, sur votre blog pour un produit. Sponsoredrevews ou Reviewme proposent le même système. Le blogueur ne prévient pas son lecteur du caractère publicitaire de son billet, ni de la rémunération qu’il perçoit. On est là dans une situation d’abus de confiance. J’ai cependant tendance à espérer que ceux qui se prêtent à ce petit jeu sont repérés sur la Toile et rapidement mis à l’index. Mais on ne peut jurer de rien.

 

 

Ce qui est condamnable ici, ce n’est pas le recours à la publicité, c’est que le blogueur devienne marchand en « oubliant » d’en avertir ses lecteurs.

Il est urgent de réfléchir aux manipulations qu’entraîne l’adoption de la publicité par les blogs ou par les sites du service public. Faut-il établir une charte de bonne conduite, un label ?


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