Quand la déchéance de nationalité devait devenir une peine complémentaire...
par vuparmwa
samedi 21 août 2010
Pas envie de commenter ce qui ce dit ici et là ces derniers temps...
Pas envie de courir que courir après la moindre phrase prononcée par certains...
Pas envie de répéter comme un mauvais écho ce que tant d’autres développent mieux que moi...
Pas la motivation d’écrire ce que j’en pense...
Pas la motivation de clamer à quel point il n’est vraiment pas bon de faire très clairement le lien entre immigration et délinquance, de distinguer selon que l’on soit plus ou moins français... vraiment pas la motivation...
Juste un passage éclair pour signaler qu’il y a peu de temps, juste quelques jours avant le merveilleux discours comportant les annonces que chacun a encore en mémoire, une proposition de loi annonçait déjà la couleur.
En effet, un député a déposé le 13 juillet un texte visant à introduire dans le code pénal la déchéance de nationalité en tant que peine complémentaire.
Toute l’argumentation peut se résumer par quelques extraits de l’exposé des motifs :
"la nationalité ne traduit pas seulement l’existence d’un lien juridique entre la nation et l’individu ; elle est et doit être aussi l’expression d’un sentiment de filiation entre les deux. Sans la volonté de « vivre ensemble » les valeurs de la République, la nationalité est vidée de sa substance.
Il n’apparaît pas acceptable que les délinquants qui se sont vus accorder la nationalité française puissent la conserver alors que leurs actes mettent en cause et contrarient les principes du pays qui les a accueillis et les a reconnus comme membres à part entière de la société française."
L’auteur du texte rappelle également que, dans l’état actuel du droit, la déchéance relève du pouvoir réglementaire puisque, selon l’article 25 du code civil, la décision est prise par décret, après avis conforme du Conseil d’Etat, sauf si la mesure a pour résultat de rendre apatride la personne concernée.
Il remarque également que la sanction est très restrictivement encadrée notamment en ce qui concerne les causes qui peuvent la justifier.
Il semble ensuite regretter que dans les faits la procédure ne soit que peu mise en oeuvre mais heureusement, il ambitionne de rendre le dispositif plus cohérent et efficient en proposant de permettre aux juridictions répressives de prononcer à titre de peine complémentaire la déchéance de la nationalité française ; ce qui aura notamment pour effet d’étendre la mesure à un nombre d’infractions beaucoup plus important.
Pour cela, il veut modifier l’article 131-10 du code pénal qui énumère de manière générale un certain nombre de peines complémentaires pouvant être prononcées en matière criminelle et délictuelle en y ajoutant :
Sans préjudice de l’article 25 du code civil, la juridiction pourra, à titre de peine complémentaire et par décision spécialement motivée, prononcer la déchéance de la nationalité française à l’encontre de l’auteur condamné à une peine d’emprisonnement ferme supérieure à trois mois, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride. La déchéance de la nationalité française est encourue dans le délai de dix ans à compter de la date de cette acquisition.
En effet, au moment du prononcé de la sanction, de nombreuses solution existent pour le juge. Il peut notamment décidé d’adjoindre à la peine principale ou une plusieurs peines complémentaires (en partant du principe que les conditions sont réunies.)
Ce texte donnerait donc l’opportunité à la juridiction de déchoir de la nationalité française une personne ayant acquis la nationalité dans les 10 ans dès qu’elle est condamnée à une peine d’emprisonnement ferme supérieure à trois mois ; dans l’absolu, cela recouvre un champ d’application extrêmement large : le moindre petit délit pourrait suffir.
Toutefois, on imagine mal le juge prononçant des déchéances à la chaîne surtout s’agissant de "petits délits".
Cela revient tout de même à donner un très grand pouvoir au juge en lui demandant simplement de prendre une décision spécialement motivée ; il est au moins permis de le faire remarquer.
Il est également possible de s’interroger sur le choix du critère de la peine d’emprisonnement ferme supérieure à trois mois.
Pourquoi s’intéresser à la peine prononcée par la juridiction et pas simplement à la peine encourue (celle qui est prévue par les textes) alors qu’il serait aisé de fixer un certain champ d’application en se référant à la seconde.
Pourquoi ne faire référence qu’à l’emprisonnement ferme ?
Et, surtout pourquoi ce seuil de trois mois ? je ne comprends vraiment pas ce choix.
Une dernière précision : pour pouvoir être prononcée, une peine complémentaire doit être spécialement prévue pour l’infraction en cause. Ainsi, les articles 221-8 et suivants du code pénal prévoient les peines complémentaires susceptibles d’être prononcées en cas d’atteinte à la vie de la personne.
Donc, pour que les nouvelles dispositions puissent être effectivement applicables, il faudrait aussi compléter un certain nombre d’autres articles du code.
Cet article est initialement publié là : http://0z.fr/OFBrJ