Quand le débat fait obstacle
par C’est Nabum
jeudi 19 juin 2025
Tout ne peut plus être politique.
Cela risque d'être le grand lègue de celui qui entendait sortir du bipartisme tout en brisant les vieux clivages qui sclérosaient le débat public. L'archange des grands débats, le maître de la dialectique creuse et de l'allocution péremptoire est parvenu en partie à ses fins. Avec lui, le débat véritable n'est plus de mise, il n'est possible que de s'écharper, s'insulter, se déchirer au sein même des familles ou des groupes sociaux.
Naturellement ceci n'est pas nouveau puisque du côté des représentants publics, des élus de haut vol, les noms d'oiseaux et les répliques ont depuis longtemps rasé gratis les pâquerettes. Ce qu'il est parvenu à instaurer c'est le même climat de guerre civile parmi les citoyens qui tentent vainement de singer les guignols de nos parlements et plateaux télé.
La sagesse veut alors réfuter toute conversation de nature sociétale en déclarant alors avec hargne et rejet : « Pas de politique ! » comme si la politique ce n'était que tenir une posture par idéologie, calcul et stratégie à la manière de nos têtes d'affiche électorale. À l'inverse de ses tristes sires, il devrait encore être possible d'échanger des points de vue tout en cherchant des points de convergence ou aborder des sujets d'actualité sans nécessairement prendre position à leur imitation mais tout au contraire en posant des principes, des lignes directrices, des limites…
Autrefois, globalement il y avait deux clans qui se distinguaient autant par le milieu social que par des indices aisément repérables. Il n'y avait pas trop à tergiverser, vous saviez où vous mettiez les pieds tandis qu'il n'était pas rare de vous retrouver dans une assemblée homogène dans laquelle l'autre camp n'était guère représenté. Tout allait bien pour se conforter dans une opinion qui ne recevait que d'infimes contradictions, toutes à la marge et issues de la même sensibilité.
Désormais, vous ne pouvez ni compter sur les clans, ni repérer la couleur de vos interlocuteurs. Les divergences sont telles que le moindre sujet de conversation peut tourner à l’algarade et même au pugilat si vous osez quelques mots clefs qui font monter dans les tours toutes les sensibilités. Il n'est pas impossible d'atteindre l'irréversible quand vous découvrirez amèrement que le fameux slogan : « En même temps ! » a fait long feu.
Quant à tenter de vous informer objectivement, la chose relève elle aussi de l'opération suicide. Les algorithmes vous mènent par le bout du nez en vous donnant à lire uniquement ce qui correspond à votre profil alors que dans le même temps, les chaînes d'information ont toutes renoncé à la nécessaire diversité et à la non moins indispensable objectivité. Comment voulez-vous être, dans pareil contexte délétère, un citoyen désirant se fonder une opinion éclairée ?
Le tour tourne à la foire d'empoigne ou ce qui est plus grave à cette terrible réflexion : « Je ne fais pas de politique ! », affirmation qui sous-entendant que cette nécessaire activité de la citoyenneté relève de la plus parfaite abjection. C'est une fois encore confondre ce que des adultes responsables seraient en mesure de faire alors que ceux qui sont censés les représenter en sont strictement incapables...
Quant à espérer que le premier d'entre-nous se pare de toute la dignité et le recul nécessaires à sa fonction, vous vous trompez si peu que désormais plus personne ou presque n'écoute plus ce semeur de zizanie, ce fauteur de troubles, ce provocateur planétaire, cet enfant gâté toujours en quête de considération, ce Narcisse qui se noie dans un verre d'eau.
Alors, je comprends que d'aucuns tiennent à me ranger dans une des cases de cet échiquier à rallonge qui ne cesse de s'agrandir pour justifier l'immense cohorte des prochains candidats au trône, plutôt que de penser que je ne suis qu'un bouffon observant ce cirque pitoyable sans prendre parti puisque c'est justement ce qui vous conduit tous dans les abysses d'une pensée manichéenne. Prenant pour seul et unique parti, celui d'en rire, je vous invite à faire de même, de la politique sans étiquette.