Quand les petits font comme les grands
par Jean-Marc Leresche
lundi 3 avril 2006
Des abus sexuels sont commis par des enfants de plus en plus jeunes, aujourd’hui, ils sont âgés de dix ans à peine. Malaise d’une société dans laquelle l’éducation est à la dérive, conséquence d’un monde adulte trop permissif et explicite. La solution passe par une prise de conscience de chacun : parents, enseignants et citoyens.
Le quotidien romand 24 Heures l’annonce dans son édition du 1er avril 2006 : des enfants âgés de neuf à dix ans partageaient des pratiques sexuelles d’adultes dans les vestiaires des douches. Ailleurs, une fillette de treize ans a été violée par un garçon de quatorze ; ses amis attendaient tranquillement dans la pièce voisine. Il a fallu tout le tact et la perspicacité des directeurs, enseignants et parents, pour qu’enfin le secret soit levé.
Il y a peu de temps, les cas de pédophilie faisaient encore la une des journaux. Les enfants étaient alors les victimes ; aujourd’hui, ils deviennent les auteurs. Une des causes soulevées est l’accès facilité aux images pornographiques par la télévision, les cassettes et Internet. Un contrôle parental est donc indispensable, mais devant les « petits génies » de l’informatique qui sont nés avec une souris dans la main gauche et un portable dans la main droite, les parents sont vite désemparés. Les jeux vidéo font croire aux jeunes utilisateurs qu’« on ne meurt pas pour de vrai ». Les enfants s’échangent des insultes par blogs interposés ou téléphones portables. Les écrans nous abreuvent d’images et il est bien difficile pour nos chères têtes blondes de faire la différence entre ce qui est bien et ce qui est mal. L’apparition de logos ou d’avertissement n’ont qu’un effet tout relatif, le goût de l’interdit faisant le reste ! Le style vestimentaire et le maquillage à la « Britney Spears » transforment les fillettes en lolitas : le monde adulte a une telle influence qu’il est bien tentant de vouloir l’imiter. Evidemment, tout doit se passer dans le plus grand secret, et les menaces de représailles font taire les plus téméraires, mais des témoignages confirment ce qu’on redoutait.
La prévention doit passer par trois étapes : premièrement, le milieu familial. L’éducation doit poser, dès les premières années, les fondements du respect d’autrui ; les parents doivent s’intéresser à ce que voient et lisent leurs enfants. La navigation sur Internet ne peut se faire que sous l’œil attentif d’un adulte. Il est nécessaire d’éveiller l’esprit critique, d’entamer la discussion, de laisser l’enfant parler de ce qui le choque (ou non), de montrer en quoi c’est mal. Interdire sans expliquer ne sert à rien !
Deuxièmement, l’école et la vie en communauté doivent appliquer le respect des droits de chacun, quels que soient sa couleur de peau, sa langue, sa religion, son sexe. Les enseignants ont un rôle déterminant : construire le jugement individuel. Les classes sont de plus en plus équipées d’ordinateurs connectés à la Toile : c’est un média comme un autre, plus dangereux parce que la censure n’y est qu’apparente. Apprenons à déchiffrer les images et les textes, à éviter les pièges, à se protéger et à être critiques.
Troisièmement, des juges, des policiers et des psychologues devraient montrer les implications juridiques, sociales et personnelles d’abus sexuels. Un peu comme on le fait déjà pour les conducteurs qui ont roulé en état d’ébriété. Il est nécessaire de confronter les jeunes aux réalités et aux conséquences de leurs actes. Un autre aspect, découlant du précédent est d’inciter les victimes à témoigner (comme c’est le cas pour les viols adultes). Le poids du secret brisera à coup sûr une vie entière ; la prévention est donc incontournable. Il est de plus indispensable que les commerçants protègent leurs jeunes clients d’images choquantes : est-il normal qu’une revue pour adultes se trouve juste à côté d’un distributeur de sucreries ?
Les agressions sexuelles sont le prolongement de la violence entre jeunes, du racket et de l’incivilité : triste miroir de notre société et conséquences d’une éducation démissionnaire. L’ère de « l’enfant-roi » a fait sauter les repères moraux. Des parents obligés tous deux de travailler pour assumer les charges familiales ont fait de la télévision la première baby-sitter, toujours disponible. L’enfant est comme une éponge : il s’imprègne ou se contamine des adultes qui l’entourent, de ce qu’il voit. Il répète ce qu’il entend sans vraiment comprendre ; il se croit « grand » parce qu’il parle comme un grand. Va-t-on accepter encore longtemps qu’un petit d’homme nous agresse d’injures alors que ses parents sourient bêtement ? « Il faut l’excuser, il est encore petit ! » C’est cela, oui ...
Les mouvements migratoires ont pour effet que plusieurs ethnies cohabitent non seulement dans les villes mais aussi dans les classes. Le racisme exprimé verbalement par les parents se traduit trop souvent par des coups dans les cours de récréation. On réprimande les enfants ; ils promettent de ne plus recommencer, mais qui se soucie d’éduquer d’abord les parents ? Le mélange des cultures est une chance, une occasion de s’ouvrir aux autres qui ne sont pas si différents.
Eduquons les enfants d’aujourd’hui pour qu’ils construisent demain un monde meilleur.
Site de prévention : Stop à la pornographie enfantine (Suisse)