Questions d’un « mâle barré » aux féministes « intégristes »

par Jean GABARD
vendredi 7 mars 2008

On ne peut que féliciter toutes les femmes et les hommes qui luttent pour l’égalité en droits entre les hommes et les femmes. L’ironie de certains, à propos des mâles écrivant sur la condition masculine, me conduit par contre à poser certaines questions :

1 - La légitimité du combat des femmes pour le respect de leurs droits donne-t-elle le droit de considérer tout homme qui oserait émettre des réserves à propos du dogme féministe, comme un horrible dominant ?

2 - La prise en compte d’un malaise doit-il être le privilège accordé, pour l’éternité, aux femmes naturellement victimes et doit-il être refusé aux hommes, éternels exploiteurs, ne souffrant que de leur manque de savoir-vivre ?

3 - S’il n’y a pas de nostalgie à avoir pour l’homme du passé, est-il vraiment nécessaire de vouloir inventer un homme nouveau à partir de nos rêves d’unité ? S’il n’est pas conseillé d’établir des rapports avec l’autre à partir de nos fantasmes, est-il davantage recommandé de ne pas en tenir compte ? Les femmes n’ont certes jamais détenu la toute-puissance, mais cela empêche-t-il tout humain, homme ou femme, de réagir inconsciemment et comme un petit enfant, comme si c’était le cas ? N’y a-t-il pas de fortes chances que cela se perpétue, à moins que l’humain, devenu tout-puissant, n’arrive à « maîtriser son inconscient » ? Alors doit-on, parce que la différence des sexes a été mal gérée et a servi pendant des siècles à inférioriser les femmes, la dénier aujourd’hui ?

4 - Qui, à part certains féministes et les sexistes tout à fait condamnables, évoque la différence entre les sexes pour juger que l’un serait meilleur que l’autre ? Cette différence des sexes a certes servi à inférioriser la femme, mais doit-elle, parce qu’elle a été mal gérée pendant des siècles, être déniée maintenant ? Faut-il, parce que la différence des sexes était synonyme de discrimination, aller vers une égalité synonyme d’indifférence ?

5 - On ne peut que refuser les stéréotypes de la société patriarcale traditionnelle. Mais, pourquoi alors se délecter autant en déversant son fiel sur le macho débile dont il est souvent fait une généralité et un épouvantail et pourquoi continuer d’assimiler tout homme dénonçant des dérives féministes à cette triste caricature ?

6 - Ne serait-il pas davantage crédible lorsque l’on veut fustiger la violence masculine, d’éviter de voir, dans toute personne qui ne suit pas l’idéologie dominante (celle des dominés), un ennemi à abattre ? Il vaut certes mieux utiliser la force des mots que des moyens physiques, mais est-elle toujours assez « tranquille » pour espérer mettre fin à la guerre des sexes ?

7 - Ne serait-il pas davantage constructif d’analyser les arguments des autres sans les déformer et d’engager le dialogue pour essayer de les comprendre ? Le mépris affiché pour les hommes qui tâtonnent, n’est-il pas symptomatique d’une attitude défensive et sectaire qui ne fait pas bon ménage avec l’esprit d’ouverture que l’on pourrait attendre de la part de défenseurs de la démocratie ? Pourquoi, pour combattre les intégristes, se sentir obligé d’adopter leur attitude ?

8 - En n’arrivant plus à concevoir que la vision du monde féministe puisse aussi entraîner des dérives, celle-ci ne devient-elle pas une idéologie et n’est-ce pas déjà une dérive ? Défendre la démocratie, des féministes l’ont fait et on ne peut que les applaudir. Mais alors pourquoi employer aussi des méthodes staliniennes en ne voyant dans les contradicteurs que des déviants et des traîtres à la seule cause qui serait valable, celle des féministes ? Dans notre société en mutation, n’est-ce pas un moyen confortable de ne pas se « poser d’utiles questions » que de se complaire avec bonne conscience dans ses certitudes ?

9 - N’est-ce pas une attitude plutôt conservatrice, de figer les hommes dans les erreurs de leur enfance et de ne cesser de vanter les mérites d’une adolescence réactive dont il serait temps de sortir ?

10 - Est-ce faire preuve de progressisme que de refuser, après le nécessaire et inévitable grand nettoyage, la récupération du « bébé jeté avec l’eau du bain » qui aiderait à avancer vers l’âge adulte ?

11 - Suffit-il de bouger pour avancer ? S’il est positif de dénoncer les erreurs du passé, celui-ci ne doit-il pas nous servir à considérer nos faiblesses actuelles avec humour pour éviter que le futur ne nous échappe ?

12 - Dans une société où la difficulté à assumer les limites désespère, ne vaut-il pas mieux être « mal barré » que pas « barré » du tout ?

Jean Gabard

Auteur de : Le Féminisme et ses dérives Du mâle dominant au père contesté, Les Editions de Paris, Paris 2006. http://www.jeangabard.com


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