Qui sont les brigands ?
par CHALOT
mardi 17 mai 2011
Les inégalités d'hier se creusent, des familles entières connaissent la misère et la désespérance...
La révolte est un droit et les vrais brigands sont ceux qui continuent à spolier et à exploiter.
Beaucoup de commentateurs politiques, quel que soit leur positionnement propre ont tancé, voire dénoncé les violences de novembre-décembre 2005...
Quelques journalistes lucides ont expliqué que cette révolte venait de loin, qu'elle avait une certaine légitimité...que si l'on pouvait « condamner » quelques débordements il fallait chercher les vrais responsables qui avaient ghettoïsé de nombreux quartiers.
Les brigands ne sont pas ces jeunes révoltés, désespérés mais ces gouvernants qui continuent à aggraver les inégalités et à vouer à la misère des millions de personnes.
Qu'est-ce que la légalité, si ce n'est un certain rapport de force ?
Yacher Kémal dans un roman célèbre « Memed » le Mince raconte la vie d'un personnage légendaire qui, craint des riches et aimé des pauvres a su combattre l'injustice et devenir un « bandit »
En 2011, si l'on est pas dans la Turquie des années 20, si les « robins des bois » n'existent plus, les « révoltés du moyen âge » continuent sous une autre forme leurs actions illégales comme celles qui consistent à squatter les logements libres ou à empêcher des expulsions de sans papier....
Ce type d'action que je ne désapprouve pas n'est qu'une forme parmi d'autres de la révolte « prolétarienne » mais un jour les damnés de la terre ne devront-ils pas aller plus loin afin de mettre à bas cette société d'exploitation.
(le dessin de Jean Mourot n'est pas à prendre au pied de la lettre, bien entendu...Le grand soir s'il existe ne prendra pas cette forme, du moins je ne le pense pas ! )
dessin, extrait du 1er album de J.Mourot/E.Kolemans "Des dessins pour le dire"
(BOD 15 et 17 €. En vente sur Amazon.fr ou Chapitre.com)
« Mèmed le Mince » de Yachar Kemal, collection folio, éditions Gallimard, réédité en 2003, 556 pages
Une épopée sociale, politique et héroïque
La terre de ce plateau des contreforts du Taurus, en Turquie est travaillée par des paysans pauvres qui suent sur leur petit lopin de terre.
Beaucoup de ces terres appartiennent aux chefs locaux, les aghas qui n'hésitent pas à exiger plus du tiers et parfois plus de la moitié des récoltes de ceux qui travaillent. Tout puissant, l'agha local, Abdi quasi propriétaire de cinq villages,règne en maître, n'hésitant pas à punir les récalcitrants.
Mèmed le mince qui vit seul avec sa mère a bien essayé de fuir son village et de vivre autrement mais ramené chez lui par les hommes de l'agha, il continuera à subir les vexations et les violences du maître jusqu'au moment où il décidera de partir et de combattre les armes à la main
Il va prendre aux riches, protéger les pauvres et en plus se permettre de distribuer les terres des aghas à ceux qui les cultivent. Il est aimé des sans rien, craint des puissants qui n'hésitent pas à mobiliser la gendarmerie qui intervient en force.
Mémed est devenu un personnage légendaire , ses amis diffusent son portrait :
« Il a d'énormes yeux gris-bleu. Ses cheveux sont en brosse. Son visage est amer, son menton mince, son teint basané, sa taille moyenne. Il peut faire passer une balle dans le chas d'une aiguille. Il est vif, courageux. Il ne recule pas devant la mort. »
Les pauvres n'en peuvent plus, d'autant plus que beaucoup de lopins qui appartenaient à leurs familles ont été spoliés. Mémèd leur montre l'exemple et si beaucoup de bandits errent dans les montagnes, il est le seul à aider et à respecter les opprimés.
Ce roman populaire turc est pour tout public...Il enchante les plus jeunes et nous entraîne tous à réfléchir sur l'injustice et sur les moyens qui restent à notre disposition pour mettre fin aux inégalités sociales criantes et inacceptables !
Jean-François Chalot