Recul de Décathlon, progrès de notre société
par Laurent Herblay
samedi 9 mars 2019
La polémique a été courte, mais, devant la pression publique, la célèbre enseigne de sports a rapidement renoncé à commercialiser son « hijab de sport », provoquant la réaction des communautaristes Français et étrangers. Et si, derrière les réactions excessives de part et d’autre, loin d’une défaite de la pensée, cette séquence montrait que nous sommes dans la bonne direction ?
Le refus très français du communautarisme mysogine et agressif
On peut voir cette polémique et le choix de Décathlon de plusieurs manières. Natacha Polony livre un éditorial quelque peu pessimiste évoquant une « défaite de la pensée ». Elle dénonce la bêtise crasse existant sur les réseaux sociaux et le climat médiatique, avec les accusations d’islamophobie brandies par l’Express. Elle dénonce « la fusion du marketing et du communautarisme en train de détruire le pacte politique et social qui différencie la République des démocraties libérales anglo-saxonnes ; (…) l’idée que nous sommes des citoyens avant d’être des croyants ou des représentants d’une communauté, et l’idée que l’homme et la femme peuvent se côtoyer dans un espace public mixte sans que les femmes aient à se couvrir pour se protéger du désir des hommes ».
Elle dénonce les détournements de débat comme l’évocation de « l’humilité, pour les femmes, (qui) consiste donc à se cacher ». Pour elle « la banalisation des burkinis et autres ‘hijab de running’ remplit en fait un rôle précis : nous faire admettre que notre vision universaliste de la mixité homme-femmes est à remise aux oubliettes de l’histoire ». Elle dénonce le terme « mode pudique » pour qui « tout autre choix vestimentaire est donc soupçonné d’être ‘impudique’ » ou ceux qui évoquent la stigmatisation des musulmanes en partant du principe que toute musulmane aspirerait à porter le voile, oubliant celles qui vivent leur foi sans signe extérieur ou qui « se battent pour avoir le droit de se libérer de ce bout de tissu ».
Mais si Natacha Polony dénonce justement ces positions, et souligne qu’une vraie bataille culturelle se joue, je crois que l’on peut aussi voir que dans cette bataille, notre modèle républicain gagne. Il y a dix ou quinze ans, non seulement une très grande parie de la gauche avait été largement retournée par cette vision des choses, mais même un Nicolas Sarkozy flirtait fortement et ouvertement avec le communautarisme. Je crois qu’en quelques années, même si la parole des communautaristes reste présente, leur influence s’est réduite. Plus personne ou presque à droite ne les écoute. Et leur influence à gauche a bien reculé, du fait de l’influence de Chevènement, Céline Pina ou Laurent Bouvet.
Ce dernier soulignait justement que ce « hijab de running » a aussi l’objectif profondément prosélyte de mettre en avant ses convictions religieuses, de manière plus claire qu’avec d’autres vêtements moins identifiables mais qui produisent la même couverture. A ma grande surprise, le communautarisme semble même être minoritaire dans la majorité, Aurélien Taché s’étant distingué en défendant la vision anglo-saxonne quand Agnès Buzin ou Aurore Bergé ont pris des positions assez fermes. En somme, je trouve que le communautarisme a sensiblement reculé, même s’il conserve de nombreuses tribunes reconnues, et que notre centre de gravité comme société est devenu plus laïc.
Et voir bien des média anglo-saxons se déchainer contre la France suite à de tels épisodes, comme après l’épisode du burkini ou de la responsable de l’UNEF voilée, est finalement rassurant, démontrant l’adhésion forte à notre modèle différent de la vision communautariste anglo-saxonne, terrain propice à de nouvelles formes de racisme et de ségrégations. Bien sûr, nous ne sommes pas complètement étanches à cette conception, mais après des décennies de promotion, la France me semble plus que tenir bon, réaffirmer de manière de plus en plus claire que ceci n’est pas notre conception de la société. Il est bon de constater que les Etats-Unis ne nous comprennent pas complètement.
A ce titre, il faut remercier les nombreuses femmes en pointe de ce combat, Natacha Polony, mais aussi Elisabeth Badinter, Céline Pina, Malika Sorel, Fatiha Boudjahlat, ou Zineb El Rhazoui, qui a été confrontée à l’effarant Aurélien Taché dans C L’Hebdo. Elles sont les Marianne du 21ème siècle, qui défendent notre République et qui nous font gagner cette guerre culturelle cruciale.