Réflexions sur le lien idéologique entre néolibéralisme et répression routière, partie 1 (billet invité)
par Laurent Herblay
jeudi 19 juillet 2018
Par Rodolphe DUMOUCH, enseignant de biologie-géologie et géographe ruraliste.
Le 80 Km/h, l’arbre qui cache la forêt
Le 1er juillet 2018 est la date du passage au 80 Km/h sur les routes de la France périphérique, évènement, en matière de transports, qui fait le plus parler de lui mais qui n’est pas le seul à mériter attention, loin de là… Il faut dire qu’ils nous y préparent depuis plusieurs années. Ils sont revenus régulièrement à la charge dans les médias. Cette nouvelle lubie a commencé à être exposée en 2014, avec des rééditions successives tous les trois ou quatre mois dans les principaux titres de presse et sur nos écrans. C’est toujours mauvais signe, quand une obsession technocratique de cette nature réapparaît régulièrement. C’est qu’elle est déjà décidée…
Ce qui est stupéfiant, c’est l’acharnement mis pour imposer leur obsession : argumentaires fallacieux (on trouvera assez de débats ailleurs pour que j’y revienne), une « étude » pseudo-scientifique dont ils ont refusé de publier les résultats, un matraquage constant à la grand’messe du JT de 20h00, le refus de tout débat parlementaire, la surdité face aux contestations et l’autisme quand on leur mettait sous le nez le Danemark qui a fait marche arrière, revenant au 90. Ils ont, par ailleurs, mis au service de cette mesure tout un appareil de propagande, bien rôdé, en utilisant les principes de manipulation d’Edward Bernays. Il ne faut pas non plus sous-estimer l’importance du temps qui passera postérieurement à l’application de la mesure, ils comptent sur l’« intériorisation » cette décision. Ainsi devenue « normale », elle pèsera moins sur l’élection de 2022… Les Français ont la mémoire courte, disait De Gaulle…
Le 80 Km/h, on en parle beaucoup mais c’est pourtant, la moins néfaste de toutes les dispositions passées cette année. Une avalanche de contraintes bureaucratiques beaucoup plus graves, en matière de transports, a été promulguée : il ne faut pas oublier, en effet, la privatisation du stationnement payant et l’explosion des amendes et il faut, encore moins, oublier le nouveau contrôle technique applicable depuis le 20 mai. Désormais, le contrôle technique, qui n’a cessé d’enfler, par petites touches presque chaque année, depuis sa création en 1992, s’apparente à un système mafieux de vente forcée au profit des lobbies.
Des promoteurs souvent néolibéraux
Ce contrôle technique européen a été inspiré par le technocrate Siim Kallas, un ancien apparatchik soviétique estonien qui, en 1991, est passé du côté de la clique d’Eltsine et Gaïdar, se convertissant –tel Saint Paul – subitement au néolibéralisme, avant d’intégrer la Commission Européenne dont il est l’un des pires idéologues.
Le néolibéralisme… C’est bien là que se situe le paradoxe apparent dans cette affaire. Dans la vulgate socialiste bien-pensante, ce n’est pas envisageable : « un gouvernement ultralibéral défend l’individualisme donc est plutôt du côté des chauffards » pour reprendre la réponse que me fit un internaute de gauche bien formaté, comme on en trouve dans les innombrables fils sur le sujet.
Et pourtant… Edouard Philippe, qui « assume l’impopularité de la mesure » se présente lui-même comme « plus libéral que Macron ».
Et ce n’est, en fait, pas une première… Les pays néolibéraux sont coutumiers du fait : répression routière aux Etats-Unis ; amendes démentielles de stationnement en Grande-Bretagne et au Canada ; premiers radars automatiques déployées, là encore, en Angleterre dès les années 1980 ; contrôle technique anglais qui est l’un des plus tatillons…
S’y ajoutent les lubies et les résultats catastrophiques de Paris avec la reine des bobos, Anne Hidalgo… Il n’échappera à personne qu’il s’agit de la fausse gauche néolibérale, dont l’électorat est acquis à 90% à Macron. Il n’est guère besoin d’en rajouter.
La question se pose donc de ces liens idéologiques que l’on peut établir entre le néolibéralisme et les mesures répressives en matière de transports. On n’oubliera pas non plus l’européisme et l’euro-libéralisme, qui sont aussi pourvoyeurs de contraintes sans cesse grandissantes en la matière. Il y a un paradoxe apparent mais, en creusant un peu, il se révèlera que ce n’en est pas vraiment un.
Pour ce faire, on explorera plusieurs hypothèses, qui d’ailleurs ne sont pas incompatibles entre elles : prendre des mesures faciles, toujours tournées vers la répression et non l’aide aux citoyens, pour camoufler l’abandon de l’Etat dans les autres domaines ; faire diversion des problèmes profonds de société ; faire de l’ingénierie sociale (plutôt socio-spatiale) pour intérioriser les postures de soumission dont le management a besoin. Plus généralement, on rejoindra certaines réflexions de Béatrice Hibou dans son excellent ouvrage La Bureaucratisation néolibérale.
Suite dans les prochains jours